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Crise de la représentation syndicale en France


Cercle Condorcet de Bourg en Bresse

Crise de la représentation syndicale en France


Préambule…………………………………………………………………….…….page 1

Première partie

Chapitre 1 - A l’épreuve du mouvement social…………………………….……page 2
Chapitre 2 - Les héritages…………………………………………………………page 3
Chapitre 3 - Le déclin syndical en Europe………………………………….……page 9
Chapitre 4 - Familles désunies et familles recomposées…………………..….page 13
Chapitre 5 - Syndicat et représentation…………………………………………..page 21
Chapitre 6 - Conclusion…………………………………………………………….page 27


Deuxième partie

(Entrées par le concret, regards et témoignages croisés)

A) – Regards croisés sur deux expériences différentes
(Daniel GAUTHERET)…………………………………………………………….page 32
B) – Mon parcours avec la CFDT ( Pierre DUSSAUGE)……………………...page 34
C) - Orientation actuelle du syndicalisme (Jean GILBERT) …………………  page 36
D) - Questions pour alimenter les débats du Cercle
(Georges SABATIN)……………………………………………………………….page 40






**********

 

Préambule


Ce travail en commun est une approche de la crise syndicale en France. A l’étude, il s’avère que cette crise existe aussi au niveau Européen. Mais il y a bien une problématique Franco-Française. Nous sous sommes très largement inspirés du livre de Jean-Marie PERNOD « Syndicats, lendemains de crise ? » puisque les six premiers chapitres sont un essai pour résumer ce livre.

Ont participé à l’élaboration de cette étude en octobre et novembre 2006
Pierre DUSSAUGE (Cercle Condorcet de Bourg en Bresse) et Daniel GAUTHERET (Cercle Condorcet de Bourg en Bresse) pour le résumé du livre.
Jean GILBERT (Cercle Condorcet de Bourg en Bresse) et Georges SABATIN (Cercle Condorcet de Bourg en Bresse) en soutien.

Première partie

 

Chapitre 1 : A l’ épreuve du  mouvement social


2003 : Le conflit de la réforme des retraites a rendu manifeste l’impuissance des syndicats. Malgré une mobilisation de haut niveau le résultat apparaît comme une absence totale de prise en compte de leurs points de vue. Un examen de ce cas concret permettra d’introduire une analyse détaillée de la crise syndicale en France et en Europe.

Les épisodes du conflit :

ð Un conflit annoncé : en 1993 1ère réforme Balladur par décret : passage progressif de 37,5 à 40 annuités ; décote de –10% par année manquante ; passage de 10 à 25 meilleures années ; salaire des années cotisées revalorisé de la seule hausse des prix ; et indexation des pensions sur la hausse des prix au lieu de la moyenne des salaires ; tous ces éléments font baisser à terme de 75 à 60% le niveau maximum des retraites du régime général. En 1995, échec de la réforme Juppé (face au mouvement social né surtout du projet de remise en cause des régimes spéciaux). En 2002 : retour de la droite au pouvoir avec un engagement d’une vraie réforme des retraites sur deux pivots généralement acceptés : l’équité des français (soit l’alignement des régimes spéciaux et de la fonction publique) et la liberté de choix avec une durée pivot de cotisation et un système de bonus/malus.

ð Un conflit en 4 temps : 7 janvier-13 mai  les 7 organisations syndicales situées sur des conceptions et des stratégies différentes arrivent le 7 janvier à un rapprochement exceptionnel (déclaration commune encadrant les objectifs et les moyens de la réforme). Puis montée en puissance de la mobilisation par journées d’action, appel à la grève et manifestations ; mais déjà une appréciation différente de la part de la CFDT sur les intentions du gouvernement ; la CFDT émettait un signal favorable à la réforme moyennant quelques ajustements. 14-15 mai : l’incroyable négociation : les politiques pensent pouvoir se passer de l’accord des syndicats ; une nuit de discussion de Fillon avec les syndicats, mais aucune concession sur son texte gouvernemental ; l’après-midi suivante 1 heure de discussion de la CFDT avec Chérèque à Matignon et un avis favorable de la CFDT sur le projet moyennant quelques ajustements du texte du matin ; puis signature CFDT et CGC. 16 mai-10 juin : popularité du mouvement d’opposition à la réforme mais avec un très faible enracinement dans la grève ; 600 000 manifestants le 25 mai. Après le 10 juin : inexorable déclin du mouvement et sortie difficile ; CGT termine avec une campagne de pétitions pour la réouverture des négociations alors que le débat parlementaire de la loi est en cours.

ð Quelques remarques sur le mouvement : la fermeté du gouvernement qui a compris par les groupes de travail préparatoire à la réforme qu’ il  pouvait jouer sur une possible division syndicale et rallier la CFDT à son projet ; en fait deux mouvements sociaux qui se sont mêlés avec les enseignants d’un coté sur des revendications liées à la crise urbaine et sociale et les autres fonctionnaires de l’autre qui n’ont pu produire que peu d’ entraînement sur les autres secteurs ; la part importante prise par la manifestation comme expression du conflit, avec très peu de grèves ; le manque de mobilisation du secteur privé qui n’envoie que quelques délégations aux manifestations ce qui rejoint le fait que l’alignement des régimes spéciaux et des fonctionnaires sur le régime général n’ était pas impopulaire.

ð Il apparaît que « sans capacité retrouvée parmi les salariés du secteur privé, le syndicalisme français est désormais condamné soit à la résignation à un rôle marginal, soit à la gesticulation dans les franges de plus en plus réduites du secteur public et des administrations » (page 58).

Quelques questions ou constats:

ð Comment un monde syndical si faible en adhérents et si divisé parvient-il à engager tant  de gens dans ces grands mouvements protestataires qui surgissent  à échéances régulières à la jointure du social et du politique ?

ð Les syndicats sont maintenant obligés de faire des propositions au débat sur les questions sociales.

ð Le syndicalisme garde toujours une image globalement positive dans l’opinion publique ; sur les grands enjeux économiques et sociaux, les syndicats sont les acteurs auxquels les salariés font le plus confiance.

ð Mais même légitimés les syndicats restent faibles, et le passage de la sympathie à l’adhésion ne se fait pas.

ð L’affaiblissement brutal des syndicats dans les 20 dernières années, après les trente glorieuses et mai 1968, prend en fait racine dans la longue histoire des relations sociales en France (chapitre II) 

 

Chapitre 2 : Les héritages




A)     Deux sources : le syndicalisme d’origine laïque et socialiste et le syndicalisme chrétien.


1°) La tradition du mouvement ouvrier laïque et socialiste

1ers éléments : les mutuelles et les coopératives regroupent par métiers : maçons, plâtriers, peintres, charpentiers etc.…
1895 : naissance de la CGT (confédération générale du travail)
1906 : la charte d’Amiens qui pose deux principes : la séparation de l’action syndicale et de l’action partisane ; « la double besogne » syndicale, conduire l’action quotidienne pour la défense des travailleurs et préparer l’œuvre d’émancipation future. (Page 71)

Les unions départementales remplacent les Bourses du travail. On passe de la référence du métier à celle de l’industrie : syndicat du bâtiment, de la métallurgie selon la branche d’activité ; d’où une hiérarchisation des revendications, la mise en forme des intérêts collectifs, la création du premier niveau de l’interprofessionnel.
Avec Léon Jouhaux la CGT devient une véritable organisation de masse.
Scission en 1921 (CGTU liée au parti communiste), réunification en 1936 des réformistes et des révolutionnaires.

Naissance d’un réformisme syndical qui ne considère plus l’Etat comme un moyen de domination de la classe ouvrière ; l’intervention économique de l’Etat  apparaît comme une source possible de nouveaux droits et comme un moyen de limitation du pouvoir patronal : revendication de conventions collectives, de nationalisations, de planification.

En 1938 nouvel éclatement de la CGT avec exclusion des communistes en 1939, mais réunification pendant la clandestinité en 1943.
En 1947 explosion de la CGT : Force Ouvrière et les syndicats autonomes (dans la fonction publique et les services publics). Véritable big-bang syndical avec atomisation de la représentation, disparition du lien confédéral. Autonomie des enseignants avec la FEN. CGT de Benoît Frachon, puis Georges Seguy.

En 1976 la CGT compte 2 377 000 adhérents (c’est le sommet) ; avec 75 % d’hommes, une dominante industrielle et ouvrière (65% d’ouvriers et 23% d’employés) ; majoritairement implantée dans le secteur privé (55%), et une présence forte dans la fonction publique (30%) et dans le secteur public (15%).

Force Ouvrière. Naissance en 1948, surtout implantée dans la fonction publique  et le secteur public ; c’est le monde des employés et des fonctionnaires ; grande diversité (gaullistes aux trotskistes) ; croissance lente et régulière ; 482 000 adhérents à son apogée, 370 000 en 1993. Elle fut longtemps l’interlocuteur privilégié du gouvernement.

La FEN. C’est la forteresse enseignante. 550 000 adhérents en 1978. Union corporative rassemblant des sensibilités politiques diverses (séparées dans les autres syndicats), elle s‘appuie sur un système d’œuvres sociales important, mutuelles , assurances, coopératives.  Née de la scission de la CGT en 1948 (fédération de l’enseignement), elle est autonome mais reste proche du syndicalisme ouvrier. Elle éclate en morceaux dans les années 1990 et se retrouve en partie dans l’ UNSA en 2000.

Les Autonomes : UNSA, FSU, groupe des 10.

2°) Le syndicalisme d’origine chrétienne

1891 : encyclique Rerum Novarum de Léon XIII qui prône la syndicalisation des ouvriers pour lutter contre l’influence des organisations socialistes.
NB : avec l’urbanisation et l’industrialisation  il y a émergence d’une classe ouvrière aux droits peu reconnus, victime du paupérisme, sans droit, donc attirée par les idées révolutionnaires et non pas par les idées de concorde sociale. En 1848 c’est la rupture entre l’Eglise et le monde ouvrier, puis le développement d’un catholicisme conservateur, qui s’opposera à la Commune.
L’appel du pape Léon XIII a un faible écho parmi les catholiques. A noter toutefois Marc Sanguier et le mouvement du Sillon.

Après la 1ère guerre mondiale, avec le retour de l’Alsace et la Lorraine où un syndicalisme chrétien s’était développé, on note la création par le Vatican d’une confédération internationale des syndicats chrétiens  et la naissance en France de la CFTC en 1920. Elle sera combattue par  l’Action Française en raison de son orientation démocrate-chrétienne.

Puis le développement de la JOC à partir de 1927. Malgré l’indifférence de la hiérarchie ecclésiale sur les questions sociales, la CFTC se développe avec le soutien du Vatican, des Jésuites, du Sillon, des Semaines Sociales, des Œuvres collectives et familiales.
Devise : «  un syndicat libre dans une profession organisée. Responsable : Gaston Tessier.

De 1919 à 1940 il s’ agit d’ un syndicat modéré, encadré par un conseil théologique ; il condamne le socialisme et le libéralisme ; il est contre la luttes des classes, pour l’association des travailleurs aux bénéfices des entreprises, les commissions mixtes, l’entente sociale, les conventions collectives, pour des instances de conciliation et d’ arbitrage ; la grève n’est à utiliser qu’en dernier recours ; pour la collaboration du capital et du travail ; la paix sociale ne peut résulter que de l’application des principes de justice et de charité chrétienne.

Deux traits :
ð L’Etat est responsable du bien commun, il doit établir un juste équilibre entre les forces en présence, mais il doit rester à sa juste place et se contenter d’entériner la conclusion des accords. Cette aspiration à un Etat modeste se retrouvera dans la CFDT avec le thème de l’autogestion entre 1968 et 1977, puis avec le thème du "recentrage".
ð L’attachement  au pluralisme syndical ; l’unité d’action n’est pas un objectif stratégique ; "quand on déjeune avec le Diable( nb : la CGT) , il faut avoir une longue cuillère".

Après la seconde guerre mondiale on note un fort développement, une séparation d’avec les partis (le MRP) et une évolution vers la « déconfessionnalisation » avec Eugène Deschamp.
L’abandon de la référence chrétienne en 1964 (transformation en CFDT) est favorisé par trois facteurs :
-          le  développement dans le bâtiment, le textile, la métallurgie, la chimie fait naître un désir d’aller plus loin dans l’action
-          le secteur public (PTT, cheminots, EDF) se rallie au changement de sigle
-          l’Eglise avec le renouveau du concile Vatican II ne s’ y oppose pas.
A noter toutefois une scission minoritaire avec la « CFTC maintenue » aidée par la décision politique de lui conserver le caractère d’organisation représentative.

La construction de la nouvelle identité CFDT se fait en trois phases :

-          de 1964 à 1970 : réformisme social-démocrate à base de planification démocratique et de socialisation des moyens de production et d’échange ; actions orientées vers l’obtention de résultats : pacte d’unité d’action avec la CGT en 1968

-          de 1970 à 1977 : période de radicalisation avec Edmond Maire : référence au socialisme autogestionnaire ; exaltation de la valeur des conflits : "les luttes sont le moteur de la transformation sociale" ; une relativisation de la négociation ; avec le début de la crise économique  c’est le rejet de l’utopie du changement politique : les changements doivent passer par la négociation entre acteurs sociaux.


-          Depuis la fin des années 1970 : abandon de l’appel à la grève, recherche de signature d’accords : l’espace contractuel devient la "nouvelle frontière" ; à noter aussi une centralisation autour de l’exécutif et le durcissement des positions pour un renouveau syndical ; à la fin des années 1980 divorce d’avec une partie encore sur la base des années 1970, et rupture avec création des syndicats SUD à la Poste et à France Télécom, et plusieurs vagues de départ.

NB : mis à part les pays anglo-saxons et nordiques cette double tradition syndicale se retrouve dans toute l’ Europe ; la CFDT a en partie fait une rupture avec l’héritage catholique sur la place des femmes, leur droit au travail, l’avortement et la contraception, la conception des mœurs.



B) Trois caractéristiques structurelles du syndicalisme français : rapport entre syndicalisme et classe ouvrière, la question du syndicalisme de service, une fragile culture de la négociation collective.

1°) Un syndicalisme né dans et marqué par le monde ouvrier :

-          en Angleterre : le mouvement des « enclosures » et les lois « poor laws » à la fin du XVIIIe siècle dégagent la main d’œuvre nécessaire pour la révolution industrielle naissante ; on a tout de suite un syndicalisme de masse dans les cités cotonnières, avec organisations dès 1925 en unions, puis en 1868 le regroupements des unions en TUC avec les mutuelles et les coopératives
-          en Allemagne : la révolution industrielle est tardive (années 1860), mais rapide et touche de grandes masses de  population avec création de gros centres urbains ; la loi antisocialiste de 1878 interdit aux syndicats toute activité politique ; cela favorise le développement des pratiques gestionnaires (mutuelles, coopératives délivrant de nombreux services) avec développement d’une bureaucratie syndicale gestionnaire et réformiste.

-          En France : la révolution industrielle est lente, et le lien avec le monde rural a été vivace très longtemps. D’où un syndicalisme de minorité, reflétant l’isolement social et la faiblesse numérique du monde ouvrier. Il n’a connu de gros bastions que sur une courte période de 1950 à la fin des années 1970. La classe ouvrière française a lentement émergé de la paysannerie (c’est en 1935 seulement que la population des villes atteint celles des campagnes, alors qu’en Angleterre dès 1840 les villes dépassaient les campagnes !), d’ où le besoin de vagues successives d’immigrations d’Italie, de Pologne, de Belgique ; d’ où l’hétérogénéité de la classe ouvrière dans sa culture et ses modes de vie. Et une culture de classe fragile, instable et inquiète. Cela explique que le syndicalisme français n’a jamais été l’ incarnation sociologique d’ un monde ouvrier se reconnaissant en lui.

2°) Un syndicalisme extérieur à la fonction de "services aux adhérents".


Malgré quelques réalisations, la mutualité n’a pas été une source de services productrice d’assises élargies pour le syndicalisme. Les Bourses du travail (fin du XIXe  siècle) n’ont jamais réellement développé des services réels tels que les services de placements, les prêts et crédits pour les victimes du chômage, les caisses de grève et de chômage, les caisses coopératives, les caisses de secours.
Toutefois quelques réalisations ; en 1928 la caisse nationale de solidarité ouvrière ; puis quelques caisses d’affinités ou caisses syndicales et des mutuelles ouvrières à partir de 1936 qui occupent les vides des assurances sociales. La fédération des mutuelles ouvrières s’est organisée à côté de la puissante fédération nationale de la mutualité française, et elles n’ont fusionné qu’ en 2002.
Cette extériorité réciproque entre syndicats et mutuelles a une explication : une loi de 1852 a séparé organiquement la mutualité du mouvement ouvrier, et en 1884 à la légalisation des syndicats les mutuelles étaient déjà autonomes et très développées (2,5 millions d’adhérents en 1900).


3°) Une culture fragile de la négociation collective qui s’explique par :


-          une culture de confrontation bien ancrée : ce n’est pas dans la culture des élites de l’Etat (colbertisme : tout centraliser dans les mains des élites) ; le patronat français de droit divin a une solide tradition d’affrontement au syndicalisme. Le patronat a toujours préféré les règles imposées par l’Etat à la négociation avec les syndicats ; ainsi les syndicats orientent leur action vers l’Etat pour demander  des droits plutôt que vers les employeurs.

-          La culture politique et la tradition juridique au nom du principe d’égalité, s’opposent à ce qu’une convention collective ne s’applique qu’aux seuls syndiqués. Et les syndicats ont toujours été réticents à lier un avantage à la nécessité de l’adhésion. La référence au contrat individuel (une tradition française) favorise les droits de la personne et fort peu le droit collectif. La devise "liberté égalité fraternité" ne va pas avec des arrangements corporatistes. Le droit du travail a été construit pour soutenir les individus en situation de subordination salariale et non pour fournir un support aux acteurs collectifs du travail. Droit de grève et droit de négociation collective sont des droits individuels des salariés et non des droits syndicaux. Cette individualisation du droit explique la faible propension à l’adhésion syndicale.


-          La négociation en France ne résulte en fait que d’obligations légales : obligation annuelle de négocier les salaires (loi Auroux) de 1982), l’aménagement du temps de travail (1989), l’épargne salariale (2001), la mise en place des 35 heures (Aubry I et II)





B)     Retour sur la genèse historique du syndicalisme français.


-          l’ère barbare (1830 à 1936) : quelques dates : plus de 50 ans de clandestinité de 1830 à 1884 ( légalisation avec la loi Waldek-Rousseau ) ; de 1884 à 1919, le syndicalisme est une activité à hauts risques (morts, violences, intimidations) ; en 1919 loi sur la journée de 8 heures et loi sur les conventions collectives (suite aux clauses sociales du traité de Versailles et la création de l’OIT pour faire pendant au bolchevisme) ; en 1918 en Allemagne mise en place de la co-détermination (conseil d’entreprises) ; en 1936, première négociation collective. Pendant 60 ans c’est une absence de règles propres à assurer une confrontation pacifique des intérêts sociaux.

-          Le syndicalisme français n’est pas né révolutionnaire, mais il l’est devenu devant l’absence de partenaires (patronal ou étatique) modérés. La loi Le Chapelier qui interdisait tout regroupement des travailleurs a poussé ceux-ci dans le camp de l’engagement politique. Nécessité de politiser l’action : l’obtention des libertés fondamentales (réunion, association, expression, coalition) nécessite d’abord le droit d’exister ; la défense du salaire est liée à la lutte pour un changement politique qui rendrait légale la défense collective du salaire.

-          1936 : première confrontation tri-partite syndicats-patronat-gouvernement permet une sortie de l’ère barbare. Instauration des conventions collectives, des délégués du personnel (bien longtemps après l’Allemagne et l’Angleterre).

-          Après guerre : institutionnalisation du rapport salarial : sécurité sociale, planification, grandes nationalisations. Reconnu par l’Etat (institutionnalisé) le syndicalisme n’est toujours pas reconnu par le patronat. Les comités d’entreprises créés en 1945 sont un échec. D’où radicalisation du syndicalisme chrétien des années 1950-1960 ; pacte d’ unité d’action CGT-CFDT en 1966 pour obtenir des négociations nationales ; après une nouvelle phase de 1968 à 1981, il y a une nouvelle crispation du patronat avec la gauche au pouvoir ; avec la création du MEDEF en 1998 le libéralisme étatique est prôné : exaltation des valeurs de l’entreprise, essai de reconquérir par le politique ce qu’un compromis devrait permettre par la négociation directe.

En conclusion : l’histoire, la culture, la politique pèsent lourdement dans la crise du syndicalisme français ; ce phénomène est très complexe. La réforme des retraites et de l’assurance maladie en 2003-2004 (et l’affaire du CPE récemment) ont montré la persistance des tendances  lourdes de confrontation dans les rapports sociaux en France. On est encore loin d’un syndicalisme consensuel.      

 

 


 


Chapitre 3 : Le déclin syndical en Europe



1°) Les tendances communes d’évolution des syndicats en Europe

En France le taux des syndiqués était de 20 à 25% dans les années 1970 ; il n’ est plus que de 8% en 2003.

Le taux de syndicalisation varie selon les usages sociaux. Plusieurs systèmes existent ou on existé selon les pays qui lient l’adhésion à un service ou un avantage.

En Angleterre : le closed-shop : fermeture des professions aux seuls syndiqués ; l’union shop : adhésion collective obligatoire au syndicat seul habilité à négocier.
Dans les pays nordiques : application des conventions collectives aux seuls syndiqués.
Au Pays-Bas, Belgique, Autriche : la syndicalisation est couplée à l’accès à des services d’économie sociale.
En Italie, pays nordiques et Angleterre : le contrôle de la discipline est exercé par le syndicat et en échange la cotisation est prélevée sur le salaire.

D’autres fois des missions de service public sont exercée par le syndicat : gestion du chômage et de la formation professionnelle.

En France pratiquement aucun de ces systèmes n’a existé, sauf pour les ouvriers du livre et les dockers (jusqu’ en 1992), et pour l’empire FEN (mutuelles, coopératives et assurances).

Dans les autres pays ces systèmes ont joué comme amortisseurs des chocs exogènes que sont la baisse de l’ industrie dans l’ emploi, la « PMEisation » du tissu des entreprises, la montée des services, le développement du temps partiel, des emplois précaires et de la flexibilité.

Malgré tout on assiste à une érosion manifeste de l’influence syndicale en Europe depuis 1990 (d’ ailleurs la même tendance est observée au niveau mondial par le BIT depuis 1998) : le taux de syndicalisation est en baisse, surtout dans les grands pays, accompagné d’un affaiblissement marqué de la capacité d’influencer les politiques sociales des gouvernements et les politiques patronales dans les entreprises.

En 10 ans entre 1993 et 2003 les taux de syndiqués ont chuté de 0 à 5% en Belgique, Italie, Norvège, Pays-Bas ; de 5% à 10% en Allemagne, Autriche, Grèce, Portugal et Royaume-Uni ; de 10% à  15% en Irlande, Finlande, Suède.
En 2003 le niveau de syndiqués est de : plus de 70% en Belgique et Pays nordiques ; 30 à 50% en Italie, Autriche et Irlande ; 20 à 30% en Allemagne, Pays-Bas, Royaume –Uni, Grèce, Portugal; 10à 20% en Espagne ; 8% en France.


La baisse des capacités des syndicats européens a produire des compromis sociaux s’est manifestée : en Espagne par la fin des pactes sociaux, en Autriche par la réforme des retraites ; en Angleterre par la perte d’influence des syndicats sur la politique du parti travailliste ; en Allemagne par la réforme des systèmes de protection sociale et de flexibilité du marché du travail, les remises en cause  sur le temps de travail, le niveau des salaires, le rôle directeur de la branche.
Ces remises en causes ont été rapides et convergentes.
La pression de la mondialisation - caractérisée par la mobilité du capital financier, le primat de l’intérêt des actionnaires, la très grande liberté des multinationales, la concurrence accrue sur les salaires et la protection sociale – a fait sauter les verrous nationaux.
La pression s’exerce aussi sur les systèmes de pensée et d’action ; les maîtres-mots sont : flexibilité et adaptabilité.

2°) Les adaptations difficiles

Un vaste mouvement de réorganisation interne des syndicats par fusion ou « rachat » de syndicats, de branches pour rester puissant, diminuer les charges d’appareil, dans le but d’accroître le pouvoir syndical de négocier.

Une distanciation entre champ syndical et partis politiques : en Espagne entre commissions ouvrières et parti communiste, entre UGT et socialistes ; en Italie entre CISL et démocratie chrétienne, en Allemagne, retrait du soutien du DGB vis à vis du SPD ….
La dilution des liens partis-syndicats conduit à deux orientations : le repli sur la fonction de défense des intérêts au jour le jour, la recherche du compromis avant tout, l’éviction des questions macro-économiques et macro-sociales ; l’appropriation par le syndicat de l’ensemble de la fonction syndicalo-politique.



3°) Le déclin singulier du syndicalisme français.



A) Sous l’économie de croissance et d’intégration des trente glorieuses (1945-1975).


A la Libération, le syndicalisme est associé à la mise en place des Institutions de l’ Etat Social. Croissance importante des effectifs, brisée avec l’éclatement de la CGT , mais qui reprend après 1955.

La présence syndicale est confortée par la création des comités d’entreprises, les conventions collectives au niveau des branches, les caisses Sécurité sociale avec des gestionnaires syndicaux élus, le Conseil économique et  social, la Commission de Planification  avec présence de confédérations, par les nationalisations (créant un important secteur public plus propice au développement syndical et producteur de normes sociales de progrès) des banques, électricité, charbon, transports.

Malgré un haut niveau d’institutionnalisation on observe des pratiques actives de terrain avec un tissu militant motivé. Le régime « fordiste-keynésien » des années 1960-1970 fonctionne avec un taux de syndiqués supérieur à 20%. On assiste à une répartition des rôles : la CGT mobilisait, FO et CGC signait  les accords de branches, la CFTC (CFDT) pratiquait les deux et l’unité d’action avec la CGT ; il y avait un fort recours à l’Etat et aux politiques pour pousser la résistance patronale au compromis ; tout cela sur fond de croissance, de modernisation économique. Et le système électoral attestait de la capacité des syndicats à représenter les salariés.

B) Sous l’économie de chômage de masse et de précarité croissante.

Des ruptures, des saignées d ‘effectifs (perte de 1,5 millions d’emplois dans la sidérurgie, la construction navale, les mines, le textile, l’automobile avec destruction entière de régions. De 1978 à 2002 l’emploi industriel baisse de 24% à 16%.
Une baisse précipitée des effectifs syndicaux mettant fin à la puissance syndicale et installant un doute général sur la capacité des syndicats à peser sur le mouvement économique en cours. Le rapport de force se joue en réalité dans les têtes, dans la représentation mentale des individus qui ne se sentent plus alors représentés par les syndicats.

C) Cette période est caractérisée par :

ð le renforcement des PME dans l’emploi( 60% du secteur marchand et 1/3 avec moins de 10 salariés.

ð Une réorganisation de la production avec externalisation (sous-traitance vers les PME).

ð La croissance du travail salarié des femmes, avec pression du temps partiel et des contrats précaires.

ð La rupture de l’union de la gauche aggravant les relations CFDT/CGT et poussant la CGT dans le repli identitaire de la lutte des classes, et tournant le dos à l’unité d’action.

ð De grandes évolutions technologiques qui transforme les collectifs de travail en laminant les groupes identitaires tels les ouvriers qualifiés dans la métallurgie, les typographes dans l’imprimerie. Ce retrait des ouvriers crée la désertification des rangs syndicaux.

ð Les changements dans les modes de management, entraînant l’individualisation de la relation de travail et le harcèlement moral.

ð Les pratiques revendicatives s’étiolent ; l’usage de la grève décline fortement, les pratiques conflictuelles disparaissent.

ð Le travail n’apparaît plus comme un facteur d’intégration sociale.

ð Les syndicats n’ont pu imposer un modèle solidaire et porteur de sens entre la gestion des grands équilibres (la gauche au pouvoir) et la dénonciation sectaire (extrême gauche) ; ils sont d’ailleurs absents des nouveaux mouvements des sans-logis, des sans-emplois, des sans-papiers.

ð C’est la fin des grandes utopies collectives  ou références émancipatrices anciennes : communisme, socialisme, autogestion, démocratie-chrétienne ; et la montée de l’individualisme, de l’hyper-modernité, des valeurs hédonistes.




D)                Autre trait : la rupture profonde du rôle de l’Etat dans le triangle patronat-syndicats-gouvernement :


ð Dans les années 1960-1970 l ‘Etat était un régulateur actif du domaine social (conventions collectives, politique salariale avec rôle du SMIG, Renault moteur, les  rémunérations dans le public), et il intervenait dans l’économie (les grands groupes, l’organisation des flux migratoires, l’orientation du crédit, les modernisations avec la planification, l’organisation des grandes branches industrielles).

ð Depuis les années 1980 le pouvoir prend conscience de la durée de la crise (Giscard), le mot d’ordre est à la modernisation (les socialistes), la concurrence devient le levier de la modernisation de l’économie. La concurrence s’exerçant sur les entreprises il y a un déplacement de la branche vers l’entreprise. « L’action de l’Etat abandonne l’établissement de normes générales notamment sociales centrées sur les branches, pour s’orienter vers les entreprises en leur permettent d’adapter au mieux leurs capacités pour s’imposer dans une nouvelle échelle de concurrence » (page 172).

ð Avec les lois Auroux 1982 et suivantes la négociation se fait au niveau de l’entreprise. L’Etat n’établissant plus de règles normatives, la décentralisation de la négociation favorise les employeurs car les syndicats connaissent des difficultés à assurer la coordination des négociations. On assiste à une extension des règles dérogatoires ; on signe des accords dérogeant aux règles des branches.

E) D’ où ce paradoxe : sur 20 ans la négociation d‘entreprise s’est développée dans les grandes entreprises de façon autonome. Et elle apparaît rétroactivement comme un facteur d’affaiblissement de la puissance syndicale ; alors qu’elle attribuait aux syndicats un rôle de proximité a l’appui de la défense quotidienne des salariés. (Page 178).
NB : dans le reste de l’Europe, les syndicats ont limité la décentralisation de la négociation vers les entreprises et ont continué à coordonner les accords d’entreprises au niveau de la branche.

Les accords locaux portaient sur : les 35 heures, les nouvelles règles technologiques, le débat compétences/qualifications, l’épargne salariale. Cela n’a pas été facteur de progrès, mais a accru les écarts dans le monde du travail. Et la sous-traitance et les activités externalisées ne sont pas concernées par ces accords.

Le développement des accords au niveau des entreprises a de fait contribué à désarticuler les solidarités salariales déjà bousculées par la crise. L’autonomie acquise par la négociation d’entreprise n’apparaît pas comme un vecteur de solidarité du salariat.

Les syndicats n’ont pas su maintenir les quelques éléments de centralisation nécessaires à la construction et à la préservation des intérêts communs ; ils n’ont pas perçu quelles étaient les conditions de leur puissance. Pendant ces 20 ans les syndicats ont été en guerre les uns contre les autres et en crise avec eux-mêmes. (chapitre IV)

 

 

   


 

Chapitre 4 : Familles désunies, familles recomposées (pages 183 à 245)



Retour sur l’évolution de chaque syndicat depuis 1945

Voir page 199 (les scission de la CGT) et 214 (les scissions de la CFTC-CFDT) deux schémas très bien réalisés qui donnent une représentation synthétique des naissances, divisions, recompositions des organisations syndicales françaises ; et page 228 le tableau des représentativités électorales des syndicats de 1992 à 2002


4-1 La CGT, devenir par soi-même

 Elle a connu quatre phases depuis 1948 :

1)     De la scission (CGT-FO et FEN) à 1962 : guerre froide à une timide ouverture, dans une organisation très liée au PCF
2)     De 1962 à 1978 : l’action sociale repart avec la grève des mineurs (1963) et cette période est unitaire. En 1966 un pacte d’unité avec la CFDT sur l’initiative de cette dernière. 1968 consommera celui-ci
3)     De 1978 à 1992 : par suivisme avec le PCF la CGT abandonne le soutien du programme commun mais cette relative dépendance commence à créer des remous qui s’ accélèrent avec l’Afghanistan, le coup d’Etat en Pologne, le licenciement des animatrices du journal Antoinette…L’hémorragie de militants est sérieuse.. Un virage s’amorce avec L.VIANNET à la tête de la confédération.
4)      De 1992 à aujourd'hui. L’actuel secrétaire général B.THIBAULT confirme  un rajeunissement et une évolution de la centrale.

L’auteur perçoit quatre défis pour la CGT :


            1) la distorsion entre  son implantation et les nouveaux secteurs économiques en développement : le tiers de ses adhérents sont dans quatre fédérations cheminots, énergie, postes et télécommunications, et salariés de l’Etat alors que ces 4 secteurs ne pèsent que 5% de la population active ; grande faiblesse dans le secteur privé ; « concentration » dans des secteurs économiques en décroissance ; quasi-absence dans les secteurs des services en peine croissance ; « domination » des  fonctionnaires et statutaires.

2) Le défi de son organisation : Mal organisée ; « le financement des structures repose sur le bon vouloir des syndicats » : beaucoup de syndicats ne cotisent ni à la fédération, ni à l’union départementale. Extrême décentralisation, à l’inverse de la CFDT.  Le ciment commun des valeurs  (luttes, sentiment de classe, solidarité..) était fédérée par « une structuration idéologique produite par la commune appartenance de ses militants au parti communiste…pilotée directement de l’extérieur par le PC. La CGT était une partie dans le tout du PCF que ce dernier articulait et dominait  : le syndicat, le parti, les municipalités ouvrières, les nombreuses associations « qui composaient l’écosystème communiste »[1]. [2]. L’affaissement du PC oblige la CGT à se réorganiser. Mais elle reste arc-boutée sur une organisation datant de plus d’un siècle. L’auteur souligne que « le maintien des baronnies et des duchés dans des frontières professionnelles en partie dépassées relève d’un conservatisme mortifère [3]».

3) La gestion de ses alliances : la CGT s’inscrit depuis 10 ans dans une stratégie de « syndicalisme rassemblé », stratégie unitaire de long terme. La sortie de crise ne sera possible qu’avec l’ensemble des syndicats. Mais la CFDT semblait à l’inverse pouvoir sortir seule de la crise syndicale. L’Union syndicale du groupe des dix à dominante protestataire et du secteur public, la FSU et le tête-à-tête avec FO ne sont pas stratégiquement au cœur de son axe unitaire. L’approche avec la CFDT semble pour l’auteur la démarche unitaire la plus porteuse de sens. D’autant que cette centrale est bien présente dans le secteur privé.

4) La stratégie et le projet syndical : le syndicalisme de masse et de classe a disparu de la centrale. Défini par B.FRACHON en 1936 ce concept syndical distinguait le rôle du syndicat : organiser sur une base très large les travailleurs et dans le cadre des luttes « élever » ceux-ci à la prise de conscience  d’une opposition indépassable entre eux et le capital. Le parti était le fédérateur des stratégies, des alliances et le syndicat la courroie de transmission du parti (IIIéme internationale  communiste 1920). En France cette orientation syndicale s’est affrontée à la tendance révolutionnaire de la Charte d’Amiens (anarcho-syndicalisme)

Mais depuis les années 1980, « la masse a quitté le syndicat » et « la classe s’est effacée comme représentation sociopolitique [4]». Jusqu’où le syndicalisme peut-il aller dans sa capacité à proposer ? Que le syndicat délègue au politique ou qu’il dénie le politique sont deux impasses.  «  Une meilleure organisation sans stratégie n’a pas de sens, une stratégie sans alliance est impuissante, un projet pour la société conçu dans un mouvement de fonctionnaire et de statutaires n’est qu’une chimère »[5] La CGT est en difficulté, mais elle bouge sans avoir la maîtrise « du sens du changement »


4-2 D’une CFDT à l’autre : les déboires de l’hyper réformisme

Jadis pôle des intellectuels elle a un peu perdu de son rayonnement.
Les premiers symptômes de la crise sont apparus à la fin des années 1970. Mai 68 avait apporté dans ses rangs des sensibilités radicales qui poussaient l’orientation modérée vers une organisation plus « gauchisante.  Le « primat des luttes pour la transformation sociale lui convenait mieux que « le programme commun de gouvernement.  La CFDT a favorisé l’élargissement du PS autour de M.ROCARD et du concept de « deuxième gauche » au sein du parti de Mitterrand. Cette période courte a été un échec. Et la centrale  a la conviction que la crise de 1973 est là pour longtemps et que  l’organisation « surévalue la solution politique »[6].



La CFDT a opéré son évolution en trois phases :

-   1977-1980 élaboration de la stratégie dite du recentrage re-syndicalisation. La CFDT choisit de conduire un axe stratégique de changement en visant « la négociation avec le patronat, acteur auquel le syndicalisme est par nature confronté » La négociation peu valorisée dans les périodes précédentes devient la valeur de référence. Fin de l’unité d’action avec la CGT

-   1981-1984 mise en œuvre chaotique de la stratégie de re-syndicalisation. La centrale paya très cher aux élections de la sécurité sociale son soutien au gouvernement Mauroy sur le virage de 1983 en passant en 3ème position, derrière la CGT et FO. L’arrivée de la gauche  mitterrandienne (centralisatrice et étatique) au pouvoir en 1981 a ainsi bloqué la re-syndicalisation de l’action syndicale, dans le sens du « désengagement politique ».

-    Depuis 1985 et après un congrès difficile à Bordeaux la même année, la CFDT poursuit un nouveau recentrage. « L'adaptation du syndicalisme » : socialisation des moyens de production, autogestion, planification démocratique sont abandonnés. Le contractuel est devenu le point absolu de référence, « le prisme unique de lecture du mouvement de la société. La légitimité à agir n’a plus été appréciée qu’à l’aune du « négociable ici et maintenant[7]. La CFDT semble s’éloigner des mobilisations sociales : étudiants en 1986, cheminots la même année, infirmières, transport de la Poste en 1988…La même année des militants sont suspendus de leurs responsabilités aux PTT et dans le secteur de la Santé (entrisme des partis d’extrême gauche) : ils créeront SUD pour les PTT et le CRC pour ceux de la Santé (Coordonner, Rassembler, Construire. Enfin, en 1992 la CFDT sous le règne de Nicole NOTAT conquiert les institutions : l’UNEDIC (bastion de FO depuis 1959) et en 1999 avec JM SPAETH elle prend la présidence de la CNAM. Elle s’engage seule dans la négociation avec le CNPF devenu MEDEF. Avec la réforme des retraites, des intermittents du spectacle, les difficultés de la convention UNEDIC en 2000 la CFDT conduite à présent par F.CHEREQUE cherche le bon ajustement à sa volonté de resyndicaliser l’action syndicale.

Trois défis se posent à la CFDT :

1)     Son rayonnement vers l’extérieur et son fonctionnement interne 
Son repositionnement lui a permis un développement d’adhérents et lui conserve une bonne image dans l’opinion publique. « Plus que d’autres…la CFDT peut s’appuyer sur une remontée de son nombre d’adhérents et sur son accroissement de sa présence dans les entreprises. Une croissance significative de la présence CFDT dans les entreprises de plus de 50 salariés[8]» Dans le secteur public elle est plutôt en déclin. Elle représente 25% des voix aux élections prud’homales de 2002, et 22,1% au niveau des CE.
Par son organisation interne très centralisée (hégémonie de la Confédération et chasse aux positions déviantes et illégitimes) elle a perdu de son ouverture à la société et de sa capacité à influencer celle-ci ; et son débat interne s’ est dévitalisé : en se privant de son ouverture aux idées et aux pratiques diverses et à sa capacité à conduire le débat, la CFDT s’est privée de ce qui avait fait sa force.

2)     Son positionnement par rapport à l’Etat et aux mouvements sociaux.
La CFDT avait l’ambition de rassembler les forces sociales désireuses d’innovations et de changements  à travers « la deuxième gauche » contre la gauche « conservatrice » et étatique du programme commun. Elle accompagnait par exemple les mobilisations autour de Solidarnosc en adhérent à se modèle de mobilisation. A  partir e 1985 la CFDT s’est un peu coupée de ces typologies de mouvements sociaux en raison de leur forte demande pour plus d’Etat. L’adaptation du syndicalisme déboucha sur l’identité CFDT réformiste. Et passer de l’identité autogestionnaire à celle du réformisme pose d’épineux problèmes de déplacements internes et externes, par rapport à FO, CFTC et CGC qui sont dans ce type de stratégie sans compter les organisations qui tout en s’en défendant le pratiquent au quotidien. La conduite de la négociation a développé sans doute un excès à la négociation en réduisant l’obtention des résultats : « le contenu des accords conclus compte moins que le fait de les signer ».

       3)    La question de ses alliances : dans sa démarche contractuelle, la CFDT admet un travail avec le patronat et le gouvernement. Elle semble plus rétive à l’égard de ses partenaires syndicaux. L’unité semble ne se concevoir que si les autres syndicats viennent sur ses positions. L’unité syndicale est importante pour la CFDT mais pas stratégique. La tendance à se positionner en « sauveur » (retraites, sécurité sociale, intermittents, UNEDIC etc..) signifierait une vieille identité missionnaire à prétendre représenter « l’intérêt général de toute la société »

 « La CFDT reste une grande organisation… » Et « rien ne sera possible sans un aménagement raisonnable des relations entre les deux premières centrales syndicales (La CFDT et la CGT) C’est « le point de passage obligé d’un lendemain de crise du syndicalisme français »[9]

4-3 La CGT-FO, l’identité bousculée

Au début FO incarnait un programme socialisant. L’époque qui s’étendra de 1963 à 1989 avec A.BERGERON produira un syndicalisme pragmatique, proche du gaullisme réformiste, gestionnaire dans les années de croissance. Avec M.BLONDEL, la scission de 1948 conforte l’organisation en raison de l’effondrement du mur et du bloc communiste. Le nouveau secrétaire général durcit le ton pour tenter de récupérer les forces désemparées de la CGT. Les années de croissance passées, cette stratégie contestataire justifiait un repositionnement « contre » dans «une période devenue moins propice à la politique contractuelle » Fortement implantée dans le secteur public, faible dans le secteur privé, hostile au réformisme de la CFDT, la stratégie de M.BLONDEL marquait un tournant radical . En février 2004 JC MAILLY incarne apparemment la continuité. "Longtemps brocardée par les intellectuels, FO se méfiait du monde des idées et trouvait un réconfort dans l’immobilité de sa doctrine" [10]


L’auteur relève trois défis difficiles pour la centrale :

1)     La fragilité de ses assises sociales : FO était la centrale privilégiée des gouvernements de la Vème république et la confédération incarnait le pragmatisme de la négociation et des pratiques contractuelles. Essentiellement développée dans les secteurs publics et les administrations, son rayonnement restait limité. Le recul institutionnel est réel : UNEDIC, Assurance maladie. Elle se maintient dans les caisses de retraites complémentaires et de prévoyance. Dans le contractuel, qu’elle poursuit, elle est supplantée par l’efficacité de la CFDT. Elle conserve des appuis importants dans les branches de la métallurgie et du bâtiment. Reste un « épais mystère » sur la connaissance et l’évolution de ses effectifs. Ses résultats toutes élections confondues sont mauvais : recul dans la FP territoriale (14 % en 2000) ; dans le secteur privé, FO redescend à 12,3 % dans les années 2000-2001 ; aux prud’homales de 2002 FO recul à 18,3% des voix .

2)      Son identité mise en péril par l’avènement d’une CGT post-communiste. La centrale attachée aux libertés individuelles et collectives trouvait sa raison dans l’anticommunisme. Son ciment interne se basait sur cette référence et regroupait « des anarchistes, des trotskistes, …des gaullistes, voire parfois plus à droite et, entre les deux, toutes les nuances socialisantes, tel est le spectre des opinions présentes dans FO[11] ». La disparition du communisme pose à FO un problème identitaire entre le courant trotskiste (marxiste-léniniste), l’anarcho-syndicalisme et une minorité anarchiste.

3)      Le défi des nouvelles règles sociales émergentes : la perte de légitimité des accords conclus par des organisations minoritaires impacte directement FO. L’organisation « paraît un peu déboussolée dans ce grand chambardement  qui se produit depuis une dizaine d’années dans les soubassements du syndicalisme français » : pas d’élargissement de sa base sociale, base trotskiste visible, sur-représentation des fonctionnaires quasi hégémonique


4-4 Les turbulences du monde autonome

Il s’agit d’une galaxie essentiellement présente dans les administrations et le secteur public. Leur  encrage et leur histoire sont celles du syndicalisme des fonctionnaires avec les deux  éléments difficiles à dépasser du repli corporatiste et de l’ouverture interprofessionnelle. Ils sont principalement le résultat d’éclatements en dehors des confédérations en deux vagues :

-          L’une née en partie des scissions de la CGT d’après guerre : syndicat national des cadres hospitaliers, syndicat SGP de la police, SNPT syndicat national de la police en tenue, et le plus important avant qu’elle ne disparaisse syndicat de la FEN né de la scission des enseignants en 1948 avec la CGT, la FGAF fédération autonome des fonctionnaires.
-          L’autre plus récente née de départs (nous l’avons vu dans le paragraphe concernant la CFDT) de la CFDT avec la création de syndicats SUD. La FSU issue de la disparition de la FEN agrégeant quelques syndicats de son côté.
-          Le syndicalisme autonome a lui aussi généré ses scissions augmentant encore l’éclatement et l’expansion de la galaxie syndicale autonome.

La galaxie des autonomes a pour but principal d’obtenir l’agrément de la représentation.  C’est un enjeu clé pour concurrencer les 3 grandes confédérations françaises et aussi obtenir l’accès aux Conseils Supérieur de la FP pour défendre la corporation des fonctionnaires. Fruit de l’histoire syndicale française marquée par des scissions-recompositions, la galaxie des autonomes cherche à se positionner pour être au centre de la « recomposition unitaire ». Mais paradoxalement ils ajoutent de la « variété » aux divisions des confédérations.

Cette galaxie cherche  à s’organiser autour de deux pôles : l’UNSA (Union nationale des syndicats autonomes) et l’USS (Union syndicale solidaire)

-          1) L’UNSA : créée par la FEN qui a tenté dans les années 80-90 un rapprochement du pôle réformiste et socialisant avec la CFDT et FO, alors qu’elle fédérait dans son giron des enseignants de sensibilités communistes et socialistes. Le SGEN lui prenait une partie du monde enseignant et la CGT organisait d’anciens ouvriers passés dans le monde enseignant technique. La FEN, véritable business de services nombreux et variés arriva à organiser jusqu’à environ 500.000 adhérents dans sa corporation enseignante. Son corporatisme étroit et son historique affinité avec les socialistes ajoutés à son échec de recomposition d’un pôle réformiste FO CFDT FEN pour isoler la CGT l’ont fragilisé en radicalisant la diversité de ses courants internes.

En décidant d’exclure le SNES (enseignants du secondaire, tendance communiste)  de peur que celui-ci prenne la tête de la centrale, celui-ci s’est allié avec d’autres déçus de la FEN et créèrent la FSU en 1993. La FSU dépassa la FEN aux élections professionnelles qui suivirent sa création. Et cela accéléra la création par la FEN de l’UNSA. Déjà en 1981 l’ex FEN avait participé avec d’autres syndicats autonomes à la création du groupe des dix : le SNUI (autonomes des impôts) SNJ (autonomes des journalistes), FGSOA (autonomes ouvriers agriculture et agroalimentaire) De nombreuses crises dont celles du SGP (Syndicat général des Policiers) et de la FASP (fédération autonome des syndicats de police) montrent que le syndicalisme autonome s’inscrit activement dans le mouvement des recompositions. Nous noterons aussi que l’UNSA alliée à la CFDT dans un premier temps s’en est éloignée à la suite du conflit portant sur la réforme des retraites (difficile ajustement entre corporatisme et ouverture interprofessionnelle, c’est à dire solidarité… ?) L’UNSA, à la différence de la CFDT, continue « d’inscrire son syndicalisme dans le champ de la gauche réformiste »[12]. Par petits paquets issus des « déçus » de FO et un peu de la CFDT (cheminots suite aux retraites), l’UNSA s’est développée peu à peu jusqu’à approcher la barre symbolique des 5% aux élections prud’homales de 2002. Mais la perspective très éloignée de cette reconnaissance a conduit l’UNSA à une tentative de rapprochement soit avec l’organisation historiquement proche d’elle, la CFDT, soit avec la CGT en fonction des évolutions réformistes de celle-ci.

-          2) Le Groupe des dix (G10) : longtemps un lieu d’échanges passoire de la galaxie autonome, la radicalisation des syndicats autonomes des impôts et des banques et l’arrivée de SUD-PTT et le CRC Santé-Sociaux (SUD  Santé) au sein de ce G10 en ont changé l’orientation. Le G10 est le produit de sorties de la CFDT depuis 1989 ou d’éléments de la CGT. Sud-Rail naît au cours du mouvement social de 1995, puis dans l’éducation nationale, au ministère de la culture, au Crédit Agricole, chez Michelin, dans l’Energie…En 1998, tout cela débouche sur la modification du G10 en USS (Union Syndicale Solidaire) En 2004 cette union regroupe 36 syndicats ou fédérations, soit selon leurs déclarations 80.000 adhérents. Cette croissance est essentiellement née des crises internes des grandes confédérations ou du syndicalisme autonome. Elles ne mordent pas sur un développement de leur rayonnement dans les couches employés, ouvriers, techniciens, encadrement et produisent un développement mécanique « sans effort » de ce type d’organisation. "Le plein" étant atteint….le développement de cette galaxie risque de s’inverser, au moins de stagner. La majeure partie « des SUD » vient d’une génération CFDT qui n’a pas supporté l’adaptation de la grande confédération aux réalités économiques et sociales du présent, aux déplacements dans tous les domaines qui se sont opérés en 30 ans. Deux dérives guettent donc ses regroupements autonomes : l’enfermement corporatiste et des petits groupes « minoritaires et tribunitiens »

Les difficultés clés des autonomes aujourd’hui :

1 USS rencontrera indéniablement des difficultés à gérer son principe de fonctionnement basé sur la règle du consensus : les débats peuvent s’en trouver plus riches, mais tant que l’unanimité n’est pas acquise, la règle consensuelle bloque l’expression commune. Et donc, ce type de fonctionnement favorise l’enfermement dans la dénonciation
2 La FSU : elle arrive aux limites de sa croissance, en raison de son corporatisme et des causes de son développement (transvasement entre organisations). Présente sur les terrains des diverses mobilisations sociales (1994, 1995, 2003) elle a attiré des déçus des autres organisations. Mais des rivalités intra-corporatistes parmi les enseignants lui posent quelques difficultés et l’absence d’histoire confédérale et interprofessionnelle est une limite majeure à son développement. Elle est aussi interpellée par les jeunes générations (conflit de 2003) qui posent les problèmes autrement (vision concrète des jeunes profs sur la crise des banlieues).  Enfin son tête-à-tête dans l’USS la gêne.
3 Division supplémentaire suite à l’éclatement de la FEN : l’UNSA remplaçante de la FEN apparaît comme une sixième confédération…de fonctionnaires ! Mais la légitimité à ce niveau-là ne se décide pas dans les Congrès et les bureaux….Ni « ne se construit en quelques années » !

4-5 La CFTC, la CGE-CGC et quelques « âmes mortes »

La CFTC est le résultat d’une composante réfractaire au Congrès créant la CFDT en 1964. En 1966 elle représentait 2,3 % des voix aux élections des CE et n’est pas sortie de cette marginalité depuis. Elle revendiquait 130 000 adhérents en 2004. A la fin des années 90 elle passe à 5% aux élections CE et à 9,7 % aux prud’homales de 2002. Dans la FP elle décroît (3,3% des électeurs en 2003). Le développement de la centrale semble, y compris en son sein, présenter peu de perspectives…Les représentants de la CFTC sont des modérés, réticents à la grève mais se situent en phase avec le mouvement général de sécularisation de la société.

La CFE- CGC est née en 1944 en regroupant des associations de cadres. Elle a obtenu sa place en participant activement à la mise en place de la sécurité sociale des salariés. Son « idéologie » se référait à  une position ajustée entre capitalisme sauvage et socialisme oppressif. Les cadres seraient les arbitres de cet équilibre…Mais l’évolution du salariat a conduit les cadres à  se situer comme partie intégrante du salariat. Les cadres s’intégrant de plus en plus dans les grandes confédérations. « La CFE-CGC semble avoir bel et bien parcouru son cycle historique [13]» 

Ces deux organisations sont l’objet d’attaques croissantes quant à leur représentativité par l’UNSA. Leur rapprochement pourrait s’opérer : « mais le rapprochement de deux malades n’a jamais fait un homme bien-portant ».

Le syndicalisme indépendant : notons aussi qu’en 2002 la CSL s’est dissoute. Son origine vient en 1901 d’un regroupement des syndicats des Bourses du travail dits indépendants et d’une scission de ce regroupement en 1902 qui créa « la Fédération nationale des jaunes[14]  de France ». Il y eut plus tard la CFT en 1975 (confédération française du travail), puis la CSL. « La CSL ne peut pas être totalement assimilée au syndicalisme d’extrême droite, dans la mesure où cette famille a vécu dans une certaine hostilité au Front National. En revanche, elle a à voir avec le syndicalisme jaune des origines, antigrève et antirouge. Le problème de la CSL, qui lui a sans doute coûté la vie, est que le patronat qui utilisait volontiers ses services, a en partie disparu…Le développement du management et de la communication d’entreprise a rendu superflu l’entretien de chien de garde dont le patrona,, peu reconnaissant, s’est lentement débarrassé. La CSL a été la première victime des relations sociales [15]»  



 

Chapitre 5 : Syndicats et représentations (pages 259 à 304)


Le concept de représentation devient au siècle des Lumières une réflexion sur les modes de gouvernement : « elle est au centre des débats sur la forme du régime politique lors des révolutions américaine et française puisqu’elle s’intéresse aux médiations par lesquelles le citoyen participe au corps politique »[16]

 

En France la loi Le Chapellier en 1791  interdit les regroupements pendant un siècle pour la défense des intérêts collectifs (ce qui n’a pas empêché  les  acteurs de s’organiser collectivement « en coulisse » cf : la mise en place des caisses mutuelles ouvrières de secours au XIXème siècle). Avec la reconnaissance des syndicats en 1884 va émerger, très lentement en France,  «une nouvelle forme de participation à la vie sociale et politique »

La place institutionnelle généralisée que le syndicalisme occupe dans l’espace public conduit à « interroger les fondements et la légitimité de la représentation qu’il assure » Nous conviendrons de positionner cette première définition de la représentation dans le champ premier des sciences : représentation = objet, but premier, rationnel du syndicat «celui qui est chargé de représenter un groupe et de défendre ses intérêts »[17]. Seconde modalité de la « représentation syndicale », nommée « cognitive » par l’auteur, et que nous traduirons comme la représentation mentale individuelle et collective des salariés produite d’une part par leur culture et leur identité[18] dans les conditions de salariat qui sont concrètement les leurs aujourd’hui et d’autre part les liens qui peuvent se construire entre l’histoire syndicale française, la réalité présente du salariat et la possibilité de se projeter dans l’avenir.

Les syndicats exercent par leurs actions revendicatives une influence et une pression sur les décideurs politiques et économiques, sur l’opinion et en même temps ils donnent aux salariés une représentation mentale[19], à la fois personnelle (sens plus large qu’individuelle) et collective de leurs situations dans les rapports sociaux tant dans que hors leur cadre de travail. Telles sont les points que ce chapitre traite.

5-1 La représentation entre autonomie et intégration

Autonomie du syndicat est comprise dans ce paragraphe comme la capacité des syndicats à exercer leur influence sur la base de leur capacité d’organisation, de rassemblement, de mobilisation des groupes de salariés dont ils défendent les intérêts.

Intégration est définie par l’auteur comme le résultat de l’institutionnalisation des syndicats «dans une multitude de lieux et d’institutions »[20]

Il existe toujours des « communautés » de métiers, mais la construction  des identités professionnelles est toujours aussi difficile et, à l’image de  la société actuelle, de plus en plus complexe (taille des collectifs à représenter de plus en plus grande, hétérogénéité des individus en âges, culture, positions dans le travail, vision du monde, croyances, aspirations etc.) Ce qui conduit J.Marie PERNOT à l’observation suivante : « Faire de cet ensemble disparate un groupe aux fins de le représenter n’est pas une opération anodine…elle n’est pas là toute prête au moment où le syndicat apparaît. Pour représenter un groupe il faut donc que le groupe se représente à lui-même, que ceux qui le constituent aient conscience d’un intérêt commun, de quelques bonnes raisons d’être et d’agir ensemble.

Autour de ces deux éléments constitutifs de la représentation syndicale, J. Marie PERNOT montre comment elle va se construire concrètement. Quatre modalités la caractérisent :

            1 La revendication : élément complexe, fruit de mise en œuvre des ressources de chaque syndicat : histoire, différentes lectures des besoins des salariés, éléments « idéologiques ». Il va falloir construire une unité, processus d’accord. Les « va et vient » pour ajuster cette élaboration sera en rapport avec les liens du syndicat avec ses ressources, fortes : les élus (DP, DS, élus CHSCT, CE) véritables palpeurs des vécus et ses adhérents (plus nombreux seront-ils, plus l’ajustement sera proche du vécu) : «L’établissement des revendications est donc un moment très important et assez compliqué de construction de la représentation »[21]

            2 La production des soutiens : toute la panoplie de la mobilisation.

            3 Les négociations : son intensité varie proportionnellement à la préparation des phases précédentes.

            4 Les résultats : vont clore le cycle de la pratique syndicale : « l’adéquation du résultat aux revendications est une dimension d’appréciation de la légitimité du processus »[22]

L’auteur prend soin de souligner que son schéma est « une image d’Epinal » et que dans la réalité, cela fonctionne avec beaucoup plus de complexité (stratégies des directions, des autres acteurs, de l’environnement de l’entreprise politique, associatif… etc.) Mais, pour l’étude qui nous intéresse, celui-ci aide à la réflexion. Il souligne que chaque phase conditionne les suivantes, les deux premières répondant plus de l’autonomie dont nous avons parlé et les deux suivantes de l’intégration. Il montre aussi quand et comment survient « le dérèglement de la représentation ». Et c’est bien un des points principaux que notre réflexion Condorciste voudrait éclairer.

Il applique donc son concept schématique et théorique à chaque organisation syndicale pour laisser apparaître les points de dérèglement :


-          La CGT : a longtemps accordé le primat aux deux premiers éléments. La crise de mutation a précipité la perte de son « savoir » dans ce domaine et malgré son souci de donner toute sa place à la négociation elle reste en mal sur ce point.
-          La CFDT : avait bien réussi à tenir tous les éléments dans les années 60. Sa période de radicalisation (fin des années 60 et début 1970) insistait sur les luttes, moteur de la transformation sociale à la suite de laquelle ses recentrages successifs (le premier la négociation, le second éloignement de l’action) lui ont fait perdre un relatif ajustement. Lui restent à présent les 2 seconds éléments du schéma.
-          FO : depuis la fin des années 80 se situe plutôt dans les éléments 2 et 3.  Mais semble avoir abandonné le terrain des résultats.
-          Les 2 autres syndicats représentatifs  CGC et CFTC minoritaires par rapport aux trois confédérations principales sont plutôt sur l’axe « négociations et résultats », alors que les autonomes (SUD, FSU) se fixent sur les éléments revendications et production de soutiens.

Le schéma est « opérationnel » à démontrer plusieurs points :

1 - le pluralisme syndical a un côté positif : un seul syndicat ne représente pas un groupe unifié de salariés, donc la pluralité va représenter un plus grand nombre de salariés et à partir de là « la qualité des relations entre les syndicats compte plus que leur nombre. Le syndicat unique n’est pas la traduction la plus efficace de la question clé d’une unification de la représentation des travailleurs »[23]

2 – aucun syndicat ne maîtrise le processus d’ensemble : « il  y a spécialisation sur les segments »

3 – En Europe ce schéma se retrouve dans nombre de nos pays voisins avec des difficultés proches de la situation française, dans des systèmes d’organisation différents : des enquêtes ont montré qu’en Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, France la légitimité syndicale se fonde sur le même principe clé : non pas d’abord « leur participation aux institutions qui sont différentes d’un pays à un l’autre, mais des rapports qu’ils nouent au quotidien avec ceux (et celles) qu’ils ont vocation à représenter »[24] . Des difficultés réelles se sont présentées pour la plupart des syndicats européens affrontés à perdre certains points de protections acquises. Tous sont affrontés à la problématique : « Jusqu'où faut-il aller et où se situe le compromis trop déséquilibré qui peut remettre en cause le rapport de représentation ? [25]» Exemple de la fédération IG-Métall qui a soutenu la grève des ouvriers de SIEMENS à BOCHUM en 2004 (rallongement de la durée du travail et baisse des salaires) dans le seul but de son souci représentatif, alors que cette action avec ses revendications allaient à l’inverse de sa stratégie depuis des années.

Jusqu’aux années de crise, le schéma décrit théoriquement a fonctionné. Les restructurations industrielles et les mutations ont fait éclater celui-ci, très gravement dans le secteur privé. La crise du militantisme a achevé de « dissoudre des pratiques élémentaires ». Le secteur public, majoritairement protégé des flexibilités par le statut d’emploi n’a pas perdu des bastions d’adhérents et de militants comme ce fût le cas dans le secteur privé. 

Ce long, parce que le plus important, paragraphe du chapitre s’achève sur des remarques qui soulignent combien la légitimité syndicale est ancrée principalement par les salariés sur le terrain : «C.DUFOUR et A.HEGE ont montré que les tâches représentatives quotidiennes supposaient pour les représentants de se tenir à une certaine distance du groupe dont ils portent la parole (…)  mais pas trop, car elle doit préserver un rapport de connivence avec les « représentés (…) L’institutionnalisation du syndicalisme, c’est cela, non pas le fait d’être là où se discutent les intérêts des salariés, mais d’y être dépourvu de ce lien représentatif qui donne sens et force à la présence »[26] C’est à dire : que le délégué, DS, DP, CHSCT, CE  soit celui qui reste « un des leurs » afin qu’ils puissent  « se reconnaître ou se projeter dans l’image du représentant (…) faire partie du « nous » construit par la fonction d’autonomie »[27]

5-2 Représentations et idéologies

Le mouvement des retraites en 2003 a particulièrement démontré la coupure entre les salariés du secteur privé et ceux du secteur public. Les premiers ont été « hors le jeu » social en question…. Ce qui montre que le processus d’articulation décrit dans le paragraphe précédent est « désintégré », ne s’articule plus dans ses phases indissociables. La lecture macro et micro-sociale que ce concept permet d’appliquer à la représentation, ne suffit pas à « expliquer comment l’on passe d’un niveau à un autre, comment le syndicalisme parvient à agréger les unités élémentaires de la représentation pour produire un acteur global [28]» 

Cette lecture complémentaire, transverse aux phases du processus précédemment décrit répond des « idées, d’images ou d’affects qui flottent dans la conscience des individus et qui sont produits par des acteurs collectifs de la vie sociale, politique, culturelle »[29] L’auteur souligne la fonction des représentations mentales et aborde donc l’idéologie comme un facteur complémentaire de la représentation syndicale première dans l’entreprise - qui aujourd’hui se passe du syndicat à proprement parler avec des CE de non-syndiqués en grand nombre. En rappelant les travaux de D.SEGRESTIN des trois idéaux-types de communautés pertinentes de l’action collective pour réussir une mobilisation : communautés professionnelles, de groupes, de territoires, nous percevons que « le syndicat est ce qui est et ce qui n’est pas dans l’entreprise » Nous pouvons conclure avec l’auteur que l’idéologie, comprise non pas comme système d’explication théorique intangible de la réalité (« un écran de fumée ») joue aussi un rôle qui aujourd’hui pèse aussi sur sa légitimité. Cette dernière « est une représentation des salariés (au sens concret sur le terrain ndlr) et, en même temps, il produit des représentations qui créent des repères, stimule des valeurs qui influencent, voire orientent la conduite des individus ».[30]



5-3 La représentativité contre la représentation

En analysant sommairement les profondes modifications de la structure du travail entre le présent et l’ère industrielle nous retiendrons la référence entre autres aux travaux de G.FRIEDMANN : au-delà de la défense de ses intérêts, le syndicat représente aussi pour l’ouvrier une boussole, « un lien humain sans lequel il serait perdu dans la jungle industrielle »[31]. A présent les nouvelles méthodes de management et de communications en rapport avec les évolutions technologiques et structurelles du travail (tâches individualisées, objectifs par service etc.) ont « détrôné le rôle dans le travail de l’identification dans le travail du syndicat »

Mais JM PERNOT souligne que c’est l’Etat qui a porté le coup le plus radical contre la représentation syndicale. Il démontre que le système de représentation syndicale n’a guère changé depuis l’après guerre (loi sur les conventions collectives, les DP, les CE) et s’est construit sur les rapports de forces de la Libération. Le système de la proportionnelle aux élections conduit à la compétition entre les organisations dans des élections assez fréquentes en définitive. Il faut donc marquer sa différence ; et cela prend beaucoup d’énergie en lieu et place d’une réflexion collective. La division syndicale est donc renforcée par le système de représentation.

Historiquement la CGT majoritaire lorsqu’elle était encore majoritaire dans les industries n’était pas beaucoup disposée au jeu contractuel. Pour éviter les blocages, la règle majoritaire a donc dû être contournée. Des syndicats non majoritaires ont donc pu participer à la production contractuelle. Et le décret Parodi de 1945 a retenu cinq critères de représentation : des effectifs suffisants, l’indépendance par rapport aux employeurs, financement par les adhérents, l’expérience et l’ancienneté, l’attitude patriotique pendant l’Occupation. La CGT, la CFDT, FO, la CGC et la CFTC sont les 5 confédérations reconnues aujourd’hui représentatives. Tant que les fruits de la croissance étaient à négocier, ce système a fonctionné cahin caha entre l’Etat, les Employeurs et les Syndicats. Mais les tensions se sont développées lorsque dans les années 80 sont apparues les négociations sur la base d’accords « donnant-donnant ». Les revendications syndicales devaient aussi pour aboutir intégrer celles des employeurs pour déboucher sur un compromis. Donc, « qui signe pour les salariés ? Qui est assez légitime pour renoncer en leur nom, à des acquis existants ? ».[32] Après plusieurs aléas, les conditions de la négociation se précisent et la loi Fillon tend à ruser avec le principe majoritaire en s’appuyant sur une coalition des syndicats sans tenir compte de la représentativité cumulée des signataires. L’auteur parle d’une usine à gaz pour contourner le principe majoritaire qui ne résout pas la question.

Le fond du problème est que les salariés ne se sentent pas impliqués dans le processus de négociation collective. Et de souligner que « responsabiliser  les syndicats et reconstruire le lien représentatif » ne sera efficace que si les « représentés », c’est à dire les salariés concernés sont concrètement impliqués dans le processus. Donc un processus de négociation articulée avec eux autrement qu’aux seules échéances des élections DP, CE et CAP.


Vu la faiblesse de toutes les centrales syndicales, le système de contournement de la représentation n’est plus adapté. Il met les syndicats en situation de « guerre froide » permanente, permet aux syndicats radicalistes de justifier « la pratique toujours risquée de la signature d’accords » C’est « l’ensemble du bloc juridique » qu’il faut nécessairement revoir.


L’auteur démontre combien le système est à la dérive : avantages juridiques et financiers qui deviennent la légitimité de référence : « s’est développée une étonnante représentation sociale, une scène officielle, où évoluent des syndicats sans syndiqués, rendue possible par la déconnexion opérée entre les ressources provenant des cotisations et la vie des organisations »[33] .


En conclusion du chapitre, la représentation a été en définitive « absorbée par l’Etat ». Le syndicalisme est devenu un outil secondaire utilisé, « fabriqué » dit avec justesse l’auteur, par l’Etat  (et les forces politiques ndlr) aux propres fins stratégiques de celui-ci. L’exemple de la gestion de la sécurité sociale montre le recul du paritarisme et a même signé sa fin avec le plan Juppé en 1995. Il y a inversion du rôle et de la fonction. L’Etat, en plus des règles de la représentativité, a aussi fixé ces 20 dernières années les règles internes à l’entreprise : obligations de négocier annuellement, sur les salaires, la RTT et son aménagement, l’épargne salariale etc…Tous ces thèmes imposés par l’Etat ont engorgé les agendas des représentants au détriment du travail « d’autonomie de la représentation »[34]. En soulignant que l’analyse de cette « étatisation » imposée du rôle des syndicats est un peu forcée, elle veut en cela exposer une approche critique d’une réalité qui conduit à montrer tous les volets complexes de la crise syndicale présente. En ce sens, « forcer le trait » sur le poids de l’Etat dans l’accélération de la crise syndicale lève le voile. La main invisible de l’Etat est trop peu en compte dans les analyses diverses des médias, des sociologues etc.


Pour rendre justice en partie à l’Etat celui-ci apporte une relative survie au syndicalisme « anémié » en adhérents, en l’intégrant à sa propre stratégie. Ce dernier pour survivre, sans lendemains certains pour autant « a sans s’en rendre compte, abandonné un peu son « âme », si l’on peut ainsi nommer le rapport de représentation qui, normalement, l’habite ».[35]









Chapitre 6 : Conclusion (pages 314 à  323)


Après avoir souligné les parties les plus difficiles du paysage syndical français dans tout le développement de l’étude, la conclusion met l’accent en trois parties sur ce qu’il convient de retenir des forces qui peuvent lui permettre de retrouver sa pleine légitimité représentative 

« L’actualité (et l’action contre le CPE de ce printemps qui a suivi la sortie de cette étude de l’IRES le confirme  ndlr) fournit son lot de conflits ou de négociations dans lesquels les syndicats montrent leur utilité. Les implantations ont cessé de se tarir, la participation électorale lors des consultations de proximité est à peu près stable. La CFDT, après la passe difficile de 2003, pourrait retrouver peu à peu un courant favorable de syndicalisation et si la CGT ne décolle pas, comme le regrette son secrétaire général, elle a cessé depuis plusieurs années de reculer et progresse faiblement parmi les actifs » [36].

L’étude ne manque pas de souligner combien s’arque bouter sur la crise de la représentation syndicale comporte un biais qui cacherait le tout. Celle-ci «….produit un éclairage sur le pays tout entier, sa crise en reflète d’autres : la désaffiliation sociale et politique de larges fractions des couches populaires, l’étirement des inégalités, la légitimité déclinante du système politique (au moins au niveau central)…L’avenir du syndicalisme n’est pas dissociable des évolutions d’autres acteurs sociaux[37] et politiques, de l’évolution des idées en France et ailleurs »[38]. Et pour prendre tout le recul  possible dans le regard conclusif de notre étude du Cercle Condorcet de Bourg-en-Bresse, ajoutant le concept sociologique sur l’interaction des cadres particuliers et du cadre général que nous lègue E.DURKHEIM : «C’est un état du groupe qui se répète chez les individus parce qu’il s’impose à eux. Il est dans chaque partie parce qu’il est dans le tout, loin qu’il soit dans le tout parce qu’il est dans les parties »[39]

Ce qui souligne dans le cas du paysage syndical français que certains éléments de sa crise lui appartiennent mais que d’autres éléments sont en rapport avec le cadre général de la société actuelle et particulièrement la crise de  la représentation politique dont, nous l’avons vu, le centralisme étatique français a été particulièrement dévastateur pour ce qui concerne les syndicats français.

6-1 Développer l’adhésion ?

Le mode de financement des organisations syndicales est depuis une trentaine d’années un sujet fréquent des discussions. L’auteur questionne : pourquoi financer un outil de régulation syndical (au mode de financement actuellement sous assistance respiratoire) alors que les salariés, premiers intéressés par son existence le délaissent ? Certains syndicalistes de toutes organisations considèrent leur action comme une œuvre  « de service public délégué » et que la société doit donc contribuer à son existence (financière et institutionnelle) en dépit des salariés qui délaisse cette implication d’adhésion financière et active. A juste titre l’auteur montre que la mise en oeuvre de cette idée serait très lourde de conséquences :  « cette fonction sociale  ne s’inscrit(rait) pas dès lors dans un rapport de représentation des salariés mais dans une délégation de service public concédé par l’Etat »[40].

La synthèse  que nous présentons de J.Marie PERNOT a déjà montré les effets dévastateurs de trop d’Etat en France dans la crise syndicale. Une telle évolution, qu’elle vienne du financement de l’Etat ou/et des entreprises sonnerait le glas de l’autonomie, déjà très à mal, des syndicats en France.

Dans cette synthèse, comme dans l’étude de J.Marie PERNOT nous considérons comme un postulat la place incontournable et centrale des adhérents (principe d’un syndicalisme d’adhérents), vivier sur lequel se fonde toute la « production » syndicale, et pour enfoncer le clou, que  celui-ci est « souvent aux yeux de l’employeur, la forme la plus effective de la représentativité du syndicat, le signe de sa capacité en « puissance » »[41]

Pourquoi adhérer à un syndicat est une question qui trop souvent trouve des réponses dans les éléments matériels, comparativement à d’autres formes institutionnelles dans les pays développés (application des accords aux seuls syndiqués, services à l’adhérent etc.…) Or, les enquêtes montrent qu’en France l’adhésion aux méthodes, aux idées est au moins aussi importante que les aspects « gains individuels » Sur ce point l’essai d’A.HIRSCHMAN « Bonheur privé, action publique »[42] confirme ces enquêtes : au-delà des intérêts individuels, il y a un degré d’implication qui imprime aussi sa marque dans la dynamique humaine, qui propose en quelque sorte à  chaque homme la possibilité d’apporter librement et  volontairement sa pierre à l’édifice de  la marche de l’humanité : « Autant qu’un acte défensif, l’implication dans la vie syndicale repose aussi (et peut-être d’abord) sur une vision positive de l’avenir, elle est reliée par quelque fil à l’idée de progrès social promis pour peu qu’on s’en occupe. A cet égard la CFDT n’a pas tort de relever que les discours catastrophistes tenus en permanence au sein même du mouvement syndical entretiennent le sentiment de son impuissance et écartent plus qu’ils n’attirent. La pratique syndicale à la base est un des enjeux majeurs de reconstruction du syndicalisme. C’est là que peuvent prendre corps deux idées (et des pratiques de terrain – non pas « basistes », mais fondées sur la raison syndicale -  en partie perdue ces 25 dernières années ndlr) importantes : d’une part la confiance dans les possibilités de l’action collective, d’autre part la conviction qu’un futur meilleur peut surgir d’un engagement d’aujourd’hui »[43].
Jean Marie PERNOT trace les actions engagées et relève que toutes les organisations syndicales tentent de relever ce défi de retrouver la dynamique des adhésions : la CGT depuis son Congrès de  2003 notamment, la CFDT a relancé depuis 2005 ses développeurs « dans une démarche ancienne de sa part et professionnelle, FO de son côté parle de syndicalisation et dans le rang des autonomes la même volonté s’exprime. La CGT affiche clairement des orientations qui articulent plus efficacement "propositions-mobilisation-négociations". Mais cette dynamique ne sera guère possible sans un changement au sein des syndicats. La démographie du « baby-papy-boum » va marquer sensiblement les syndicats. Selon les enquêtes commandées sur cette problématique, les jeunes ont une « image » des syndicats meilleure que les autres générations mais paradoxe, une implication bien moindre ! Si les statuts d’emplois jouent en partie sur ce « retrait actuel », la culture de l’organisation syndicale est une raison sûrement aussi forte. Les femmes également restent en dehors du champ syndical. Or leur syndicalisation est une des voies incontournables pour  élargir le champ des adhésions aux syndicats. L’adaptation de ces derniers est donc inéluctable : simplification de l’organisation, des codes du langage,  assouplissement des parcours internes, hiérarchies internes et rapport au pouvoir etc.


6-2 L’individualisation, la segmentation, contre la syndicalisation ?


La montée de l’individualisme sape-t-elle les bases de l’action collective ?  L’étude montre  que loin de là, les mobilisations  depuis quelques années montrent plutôt l’inverse, notamment au niveau des jeunes. L’individualisme (et sans doute aussi la montée des niveaux de connaissance) montre plutôt les exigences compréhensives, participatives et d’efficacité que recherche les jeunes : « la société moderne et complexe conserve et renforce les liens entre les individus et les groupes. Que les premiers aient davantage le souci de soi et les moyens de se construire un destin personnel n’est nullement contradictoire avec l’action collective »[44]…..

Alors où est le risque majeur qui nous guette ? « Moins dans cette élévation des aspirations individuelles que dans la soumission de masse aux canons de la pensée « hyper-moderne », encouragée par la crétinisation tendancielle des grands médias »[45]

Jean Marie PERNOT tord aussi le cou à des raccourcis simplistes concernant l’impact de la fragmentation des statuts entre salariés qui constituerait une entrave à l’action syndicale  : « la CGT du début du Xxème siècle qui regroupait des typographes, des instituteurs et des garçons coiffeurs n’avaient pas moins de difficultés à assurer la communauté d’intérêts que celle d’aujourd’hui (.) L’organisation par métiers ou toute forme communautaire n’était pas seulement un principe identitaire opposé à l ‘employeur, elle visait à distinguer des autres communautés et des autres métiers. Les bases sociales du syndicalisme ont toujours été d’une grande diversité et l’effort pour les rassembler est un processus toujours difficile »[46].






6-3 Trois conditions pour réussir le changement des syndicats, plus une transversale

Trois défis sont à relever par les syndicats français pour dépasser sa situation actuelle :
1        La disparition-recomposition du travailleur collectif
2        L’internationalisation, en partie liée au premier point.
3        Les projets et valeurs sous-jacentes à un syndicalisme pensé au niveau européen et international.
4        Une condition transversale aux 3 précédentes : un changement radical dans les relations intersyndicales.

« Près de la moitié des entreprises de plus de 500 salariés  externalisent leur informatique»[47].
 Filialisations, sous-traitances, externalisation de la « recherche-développement », des « RH ». La conséquence pour les syndicats de ces formes nouvelles d’organisation est une profonde modification de ce sur quoi s’appuyait leur développement et leur action au quotidien, le collectif de travail : « L’évolution en cours impose une révolution dans les modes d’organisation du syndicalisme plus importante encore que le passage du métier à l’industrie au début du XXème siècle. Qu ‘ y a-t-il à défendre en commun, dans ce mot (et cette réalité) qu’est la mode de travail en réseau ? Les vieilles questions du rassemblement et de l’agir ensemble demeurent, elles doivent être repensées parce que les salariés se trouvent dans des organisations d’entreprises mêlant : une dépendance de plusieurs entreprises différentes – services et industrie - sur plusieurs pays ou continents, des cultures différentes, des statuts différents – stables et précaires -  etc… Le partage des terrains n’est plus possible car tous les terrains s’entremêlent et c’est de sa capacité à les combiner que le syndicalisme peut regagner visibilité et efficacité. Le recours à l’intervention étatique n’est plus suffisant à l’heure de la diversification de l’intervention publique (de l’Europe aux régions), de la pluralité croissante des instances de régulation (les sources du droit, les autorités de régulation) et du primat des règles de la concurrence. L’appel au resserrement du syndicalisme international est une banalité à laquelle il est difficile d’échapper »[48].

L’étude souligne une étape positive en ce sens en 2004 lors du Congrès de la CISL (Confédération Internationale des Syndicats Libres) qui a entériné une démarche d’unification des syndicats à l’échelle mondiale.

Dans ce paysage d’organisation urgent au niveau international Jean Marie PERNOT montre que le syndicalisme français ne souffre d’aucun retard, voire que son déficit de dialogue social historique sur le plan national l’ouvre même davantage, car il n’a pas d’accords nationaux particulièrement avantageux à mettre dans la balance. La CFDT a toujours été en avance et mobilisée dans son  orientation stratégique sur la visée d’êtres organisés au niveau international. La CGT, bien qu’entrée plus tard dans cette dynamique, a pu entrer dans la CES en 1999. Seule FO semble en retard sur ce point au  niveau confédéral, car certaines de ses fédérations sont bien engagées dans les organisations de branches de la CES.

Pour avancer dans cette dynamique, le frein le plus important des syndicats français,  y compris vu par Bruxelles et les partenaires syndicaux des autres pays, reste leur repli dans leurs tranchées, …« la méconnaissance que les organisations cultivent entre elles ». Mais cela évolue, notamment à travers les travaux de branches au niveau de l’Europe et de la CES. Par exemple, dans le secteur de la communication, les acteurs syndicaux français de la CFDT, de la CGT et de FO se rencontrent régulièrement, travaillent ensemble au sein de l’UNI qui est la structure professionnelle de ce secteur au sein de la CES.

Changer les règles sociales pour passer des jeux de divisions actuels des syndicats français au rassemblement suppose qu’il y ait accord dans cette visée des organisations.

L’excès de confiance dans la loi et le rôle égalisateur de l’Etat en France ne se retrouve pas ailleurs, là où l’Etat a moins de place prépondérante et aussi dans les pays qui ont été affrontés au fascisme. Le prestige exagéré de l’Etat en France qui limite d’autant le déploiement, le développement de plus d’acteurs engagés dans la construction de la « production » syndicale se trouve renforcé par la « cacophonie du champ syndical français.

Les différences sont le fruit de l’histoire, des idées,, d’une vision du monde qui reste positive entre les organisations. Jean Marie PERNOT souligne d’ailleurs que nous les retrouvons ailleurs dans d’autres pays. Sans les nier totalement, il s’agit de les dépasser avec le sens de la raison. De la légitimité reconnue des différences, écrit-il, il est nécessaire de « trouver des formes d’accords minimums susceptibles de remettre l’arbitrage au sein de la relation entre syndicats et salariés, et non plus de confier en permanence ce soin à l’Etat ou aux employeurs. Ce sont eux qui disposent aujourd’hui du pouvoir d’arbitrer entre les syndicats. La vérification de la représentativité, c’est l’exercice qui conduit à redonner ce pouvoir d’arbitrage aux salariés [49]».
Entre les grandes tensions du printemps 2005 sur le refus de la constitution de certains (pas de la CFDT, d’une partie de la CGT et de FO, pour ne citer que les principales confédérations), la mise en cause du statut des salariés avec le CNE et le feu-CPE, l’histoire sociale n’est pas pré-déterminée.

L’auteur de cette  étude très fouillée termine en soulignant que les syndicats n’ont pas tous les leviers pour sortir de leurs difficultés. Mais ils en possèdent suffisamment pour redevenir, dans un contexte internationalisé (au sens d’une évolution incontournable du monde et de l’humanité) « un acteur social avec lequel il faut compter. C’est une nécessité pour des millions de travailleurs qui auraient bien besoin d’un outil de défense efficace face aux forces grandissantes du marché et au pouvoir plus étendu que jamais des employeurs. C’est une nécessité aussi pour la société tout entière. Le syndicalisme est l’endroit où se noue à l’échelle la plus large dans les sociétés modernes un rapport concret entre l’individu et le groupe, entre les aspirations personnelles et des projets collectifs. Il est un lieu de création de sens dans une relation à la fois intersubjective et sociale entre les individus privés, dispersés dans leur vie personnelle et leurs manières de voir le monde et participant ensemble à une cause  commune : la dignité de la condition salariale[50].

Deuxième partie




LES ENTREES PAR LE CONCRET .

A) REGARDS CROISES SUR DEUX EXPERIENCES DIFFERENTES (Daniel GAUTHERET)

En préambule à ce témoignage, je souligne trois éléments qui caractérisent le cadre général des deux expériences syndicales qui sont succinctement présentées. La responsabilité et les actions syndicales se sont déployées dans le secteur de la grande entreprise. L’organisation du travail s’est profondément modifiée et j’y reviendrai (cf : partie III). L’unique visée des deux expériences présentées était de retisser la présence de syndicalistes sur le terrain. De ces trois éléments, je dégage trois constats afin d’aider à comprendre les expériences syndicales qui vont suivre :

- Premier constat : en France, la rareté des syndicalistes au « travail réel » (terme d’ergonomie) avec les salariés renforce l’hypertrophie institutionnelle des syndicats et  fragilise ceux qui restent sur le terrain.

- Deuxième constat : la complexité de la société et le relatif simplisme des mouvements sociaux : difficultés de participer à ceux-ci sur la base d’un syndicalisme de propositions et de négociation alors que le mouvement additionne les mécontentements…à quelles fins ? Politiciennes…?

- Troisième constat : le fort repli « individualiste » sur la corporation affaiblit la dimension interprofessionnelle fondée sur la compréhension socioéconomique et le dépassement des corporatismes étroits : quasi impossibilité de porter des propositions revendicatives réellement solidaires : notamment, la priorité aux plus défavorisés (ex : les retraites en 2003)

 

I UNE EXPERIENCE NEGATIVE


Plusieurs points concourraient à générer des tensions. Il y avait les militants qui avec l’expérience percevaient l’urgence de prioriser l’ancrage sur le terrain de l’action syndicale : réactiver des équipes de militants qui se réunissent pour échanger et bien connaître les positions de la CFDT, les comprendre et les présenter en s’appuyant sur les vécus locaux des salariés. Et il y avait ceux qui ne juraient que via l’institutionnel avec l’entreprise en déniant le fonctionnement démocratique du syndicat et le terrain. Les structures syndicales  étaient de véritables coquilles vides. Le mouvement des grèves de 1995 avait bien montré ces deux sensibilités de pratiques syndicales différentes. Pourtant, les orientations du Congrès de notre Fédération demandaient un ré-ancrage sur le terrain :

         Développer un syndicalisme d’adhérents, de proximité, de propositions, de négociations et de mobilisation.

         S’appuyer sur des équipes syndicales organisées en sections syndicales au plus près des réalités vécues.

         Faire connaître les positions CFDT au plus près du terrain pour rendre les salariés « acteurs ».

C’est pourquoi nous avons reconstitué une équipe de militants CFDT en section syndicale. Nous étions confiants. Ce travail s’est mis en place, en informant régulièrement le syndicat départemental – l’un de nous de surcroît était membre du Conseil syndical et faisait le lien -. Nous mettions simplement en pratique  les orientations fédérales : réunions 1 fois / mois (équipe 6 à 10 personnes), travail dans les services, écoute sur le terrain, tracts, actions vers la direction locale, explications  des propositions CFDT etc. Des effets positifs sur les salariés se sont faits sentir : indicateurs de « reconquête » de la légitimité syndicale.

Mais ce patient travail s’est heurté à l’ignorance voir au déni systématique de la part des structures du syndicat départemental et régional professionnel pendant 2 ans. Malgré le lien de notre collègue présent dans la structure du syndicat départemental et sa patience pour le dialogue, cette structure a refusé de reconnaître le travail de la section syndicale au plus près des réalités. Pourquoi ? Le but n’était pourtant rien d’autre que la mise en œuvre des orientations de notre fédération professionnelle (cf : ci-dessus). Déraison incompréhensible d’une dérive de certaines structures vides…à l’époque. L’essentiel est là. Les entraves abracadabrantesques ont fini par détruire le patient travail de re-création de liens et du collectif syndical au plus près des réalités. Au final : quasi disparition du potentiel de militants et d’adhérents, donc du syndicalisme d’adhérents sur le secteur géographique ; perte de la crédibilité « reconquise » auprès des salariés ; conséquences professionnelles discriminatoires : jeux entre la direction locale et les secrétaires départementaux et régionaux pour marginaliser certains syndicalistes.

 

II UNE EXPERIENCE POSITIVE

 

Dans la même entreprise, mais une toute autre entité sur un autre bassin géographique. Nous avons tenté la même re-création syndicale que dans l’expérience précédente. Il y avait une visée cohérente des responsables syndicaux CFDT dans les structures avec les orientations fédérales et confédérales (cf : I) : développer le syndicalisme d’adhérents : cotisation, fonctionnement démocratique, propositions, négociations, salariés acteurs, articulation avec le vécu sur le terrain ; Repartir du b a ba syndical : à travers les liens dans le travail,  parler du travail « réel », du syndicat, des positions CFDT, recréer une présence de la culture syndicale ; Articuler l’institutionnel avec le terrain, fondement de la légitimité et des raisons de l’action syndicale ; Organisation dynamique des premières IRP (Instances de Représentation du Personnel)

 

Les effets positifs ont été démontrés :

         La CFDT est première organisation aux résultats des IRP sur le bassin d’emplois.

         Pendant 2 ans le développement se poursuit lentement mais sûrement.

         Les pratiques CFDT dans les IRP (instances de représentation du personnel) s’appuient sur les « vécus-concrets », articulés avec les positions de l’organisation (pas d’addition de mécontentements)

         Transmission et innovation : avec des acteurs porteurs de mémoire collective qui re-créent du collectif avec de nouveaux acteurs syndicaux CFDT.

         Des compétences spécifiques sont nécessaires et complémentaires pour « transmettre » ce type de pratique syndicale (juridique, prud’homme , économie, organisation, CHS-CT, écoute des salariés, conduite de réunions, expérience syndicale etc.)

 

III DES ENJEUX POUR LE PRESENT ET L’AVENIR

 

A partir des deux expériences qui précèdent, je me risque à exposer quelques points des enjeux qui me paraissent urgents pour tenter de re-syndicaliser dans les entreprises. Ce sont mes convictions, sans pour autant qu’elles constituent une prétention à l’exhaustivité ni à détenir la vérité absolue.

            3.1 Prendre au sérieux la réalité de la crise de la représentation syndicale pour commencer à la dépasser :

Nous savons bien que dans tout groupe, les tensions sont normales mais à condition de mettre à la tête de celles-ci plusieurs personnes capables de les gérer de la « moins mauvaise façon ». Ces deux expériences croisées et différentes montrent que la crise de la représentation comporte des enjeux qui impliquent de désigner des personnes compétentes et responsables (capable de se remettre en cause et de décider en équipe) aux postes stratégiques. Il y a là une responsabilité basique qui est fondamentale.

 

            3.2 Oser engager dès à présent le débat public sur trois points :


1 - Les changements sociaux, culturels, techniques, scientifiques, économiques, politiques présents sont incommensurables et la mondialité une réalité « durable ».  Certains scientifiques parlent d’un basculement de civilisation non sans raison. Ces changements ont conduit, depuis le début des années 80, à une forte implication des services RH sur les relations sociales dans les organisations du travail (cf : tous les travaux sur l’enjeu de la subjectivité dans le travail). Ils ont pris la place sur un segment que maîtrisaient assez bien les syndicats dans le mode d’organisation antérieur des entreprises, aidés par ces mêmes évolutions (technologies, restructurations, implication des salariés, hyper institutionnalisation du syndicalisme etc.) Ne pas tenir compte de ces faits est suicidaire pour l’action syndicale en France.

2 - Il est également urgent de sortir des idéologisations (systèmes de pensées qui prétendent expliquer la réalité par une théorie dogmatique et sont opposés aux indispensables idées et propositions) toujours très dangereuses parce que irréelles. Comme par le passé, dans la réalité du monde présent caractérisé par une grande complexité, les idéologisations conduiront au chaos. Par exemple, du passé…faisons non pas table rase, mais place à un langage plus ouvert à tous (femmes, immigrés, jeunes) et en phase avec les déplacements de la société. L’histoire a sa place comme mémoire collective. Elle est indispensable à la recomposition du présent et de l’avenir, mais elle ne se rejoue jamais….à l’identique !


3 - Si la base n’a pas la vérité, les représentants institutionnels non plus. Reconstruire l’articulation des deux paraît IMPERATIF, en recentrant l’outil syndical comme :

 

- une organisation de la régulation sociale contre les excès des marchés, des pouvoirs dans les entreprises, des évolutions où des archaïsmes des processus de production dans l’industrie et les services avec la visée de la justice pour défendre la dignité des salariés, notamment les plus défavorisés. Par exemple, ré-enraciner l’action syndicale en priorité sur le terrain et la dégager des contrôles des partis politiques et des jeux politiciens. Par ailleurs, l’amélioration du fonctionnement démocratique des organisations syndicales en articulant les réalités du terrain (finalité de la légitimité) et les structures (moyen) est incontournable.

 

- une organisation de médiation sociale dont la visée est de créer des liens sociaux, de favoriser l’intégration personnelle et professionnelle grâce aux identités professionnelles et aux liens coopératifs dans le travail (à réhabiliter), de réguler les relations et le rapport social au travail. Elément parmi d’autres dans la société, il participe à la traduction concrète des valeurs humanistes, des droits de l’Homme, de la fraternité, des solidarités réelles, etc. et à la construction du sens. Il est fondamental qu’il s’appuie sur des adhérents en visant les adhésions en masse des salariés (le secteur privé devient une ultra-urgence sur ce point). Qu’il pratique également l’ouverture culturelle en visant l’émancipation des salariés et non plus les manipulations idéologisées.



B) MON PARCOURS AVEC LA CFDT ( Pierre DUSSAUGE)


1°) Genèse de mon adhésion à la CFDT

Mon éducation dans une école privée catholique de 1956 à 1963 avec une insistance particulière sur la nécessité de l’ engagement dans l’ action catholique, en particulier l’ ACO action catholique ouvrière, et son prolongement par un engagement dans un syndicat respectueux des valeurs chrétiennes.

Ma formation Bac+1 et 2 (1963 à 1965) en théologie dans un grand séminaire voisin ; c’était la période de l’aggiornamento de l’Eglise catholique avec Vatican II, son ouverture au monde, et l’incitation à l’engagement pour que le monde change ; et une vue très positive de la déconfessionnalisation de la CFTC en CFDT (abandon dans le sigle de l’organisation, de la référence chrétienne trop limitative)

Ma formation universitaire à Grenoble en sciences-économiques de 1967 à 1971 avec un enseignement de la macro-économie fortement imprégnée de l’analyse marxiste remise au goût du jour comme modèle solide d’ explication de l’ économie (économie « marxiste » opposée à l’économie « bourgeoise »). Thème de la création de valeur ajoutée fruit du seul travail ; problème du partage de la plus-value engendrée par le travail ; nécessité d’une planification ; nécessité de l’appropriation des moyens de production par les travailleurs ; lutte des classes seule à même d’apporter l’émancipation des travailleurs ; dénonciation de l’impérialisme américain dernier avatar du capitalisme en crise etc. Et tout naturellement la valorisation de l’action syndicale (et politique) plutôt révolutionnaire que réformiste.

Tout cela explique mon adhésion (que je qualifie d’idéologique) à la CFDT dès les premiers mois de mon entrée dans le monde du travail (aux PTT) en 1972 lors de mon stage de formation initiale au métier d’inspecteur.

2°) De mon adhésion en 1972 à ma radiation début 2001

Période de militantisme actif avec poste de responsabilité


Affecté en 1972 dans les services du ministère des PTT (comme analyste informaticien) j’ai pris contact avec le syndicat CFDT local, j’ai été rapidement membre du Conseil Syndical (une réunion mensuelle environ de 30 à 35 militants) puis du bureau syndical avec poste de secrétaire adjoint (deux réunions mensuelles de 12 à 15 militants).
Participation au conflit des PTT d’octobre à décembre 1974 (deux mois de grève) ; conflit généralisé à l’ensemble des PTT sur diverses revendications (avec en toile de fond  le refus de la soumission aux multinationales  des télécommunications) ; avec à la fin des négociations une bonne liste de revendications catégorielles satisfaites dont un plan de titularisation des auxiliaires. Les avancées ne pouvaient qu’être négociées au niveau central ; tout le social était unifié et les droits définis au niveau central, les directeurs locaux n’ayant qu’ une très faible marge de manœuvre.

Période de militant de base, intéressé par mon organisation


En 1978, mutation sur ma demande à Bourg en Bresse, au service des lignes dépendant du directeur des télécommunications. Je participe au syndicat départemental. Environ 150 adhérents ; mais seulement 4 ou 5 syndiqués à la CFDT dans mon établissement. Je suis membre du Conseil syndical (environ 15 à 20 militants venant des différents secteurs : agence, central téléphonique, service des lignes côté télécommunications ; centre de tri postal, direction départementale et gros bureaux de poste côté poste ; et une réunion mensuelle). Travail en collaboration avec le bureau départemental pour suivre les problèmes d’actualité des PTT, défendre les salariés, mener des actions revendicatives, négocier localement etc. Ce travail se fait en lien avec l’ UD (union départementale), et avec la Région PTT. Bref il s’agit d’un syndicat départemental CFDT bien implanté, actif (tracts locaux, panneaux d’affichage tenus régulièrement, audiences, participation aux actions revendicatives CFDT ou unitaires etc.)…Aux élections professionnelles la CFDT est 1ère organisation aux télécommunications et 2ème à la poste après la CGT.
Vers la fin des années 1980, aux télécommunications, qui étaient le bastion fort de la CFDT, je constate un affaiblissement de la CFDT : les militants se retirent peu à peu, restent simples adhérents cotisants ou disparaissent dans la nature. Au point que vers 1992 il n’ y a plus de militant télecom au bureau départemental, alors que de toute part la pression s’ accentue pour moderniser et rentabiliser les télecom, pour faire la séparation définitive d’avec la poste, pour privatiser France Télécom. C’est la valse des réorganisations, des restructurations, des externalisations, qui cassent les gros centres, les re-découpent, créant des équipes certes implantées dans les mêmes bâtiments, mais dépendant de responsables différents, parfois éloignés géographiquement.
Pendant ce temps là, la CFDT locale n’ a plus aucune activité aux télécom : aucun militant au bureau départemental, encore quelques rares militants isolés au Conseil syndical ; les anciens militants disparaissent (on n’ose plus se dire CFDT), et souvent prennent des postes de promotion avec la période des « reclassifications » (qui est l’ aboutissement d’ un processus interne réclamé et appuyé par la CFDT pour refondre et simplifier les échelles indiciaires et les carrières en tirant tout le monde vers le haut).
Il n’ y a plus de travail syndical fait à partir du terrain pour faire remonter vers le bureau et la région ; tout le travail semble fait d’en haut (à la Fédération), la base se contentant de se faire prélever sa cotisation trimestriellement (le métier de collecteur a disparu vers 1985)  et d’expliquer, si elle peut comprendre, les évolutions inéluctables ; la base n’a plus du tout à débattre des questions d’actualité pour faire remonter son point de vue.
A noter toutefois un essai de re-saisissement, de re-création d’ une équipe locale CFDT à France Télécom  en 1996-1997-1998 avec 6 à 8 militants qui se réunissent 2 à 3 fois par trimestre; mais cette démarche se heurte à une incompréhension des responsables CFDT locaux et régionaux ; le bureau veut continuer à fonctionner seul, sans militant actif à France Télécom ; d’ ailleurs dès les années 1995 le terme de « militant » n’existe plus dans les textes CFDT ; il n’ y a en haut que des responsables dans les structures et en bas des adhérents qui doivent se prendre en charge eux-mêmes, les militants étant superflus.
A l’automne 1999, devant l’absence de vie locale CFDT et face au blocage mis par les responsables à la re-adhésion d’un militant,  je fais suspendre le prélèvement automatique de ma cotisation, demandant à pouvoir payer ma cotisation manuellement lors de la prochaine réunion du Conseil syndical dont je suis toujours membre ; mais il n’ y plus de réunion ; et au bout d’un an je suis radié administrativement pour non paiement de ma cotisation.
Ainsi s’arrête mon parcours de 29 ans à la CFDT.    


C) Orientation actuelle du syndicalisme (Jean GILBERT)


1 - ROLE DU SYNDICALISME


Le rôle des syndicats de salariés est de défendre les intérêts matériels et moraux des salariés, cela dans une stricte indépendance vis à vis de l’Etat, des employeurs, des confessions et des partis politiques.
Pour cela, il doit se doter de moyens pour créer des sections syndicales et les animer ; à travers celles-ci être à l’écoute des salariés et les guider dans leurs revendications.
Etre présent dans tous les organismes dont les intérêts des salariés sont concernés : sécurité sociale, formation continue, Prud’hommes, etc…
Contrôler la bonne application du Droit du travail et des Conventions Collectives dans les entreprises.

2 - STRUCTURE SYNDICALE


Pour mieux être à l’écoute des adhérents et apporter son aide à leurs demandes, le syndicalisme agit dans une double structure : la structure confédérale et la structure fédérale.

La structure confédérale :
Elle  définit la politique de la confédération à travers les unions départementales, apporte son soutien aussi bien par des aides que dans les moments difficiles : particulièrement les grèves ou la fermeture d’entreprises (qui ferment ou sont délocalisées à l’étranger)
Cette structure confédérale traite les problèmes communs de l’ensemble des salariés « âge de la retraite, horaires, protection sociale, droits du travail, Prud’hommes »

La structure fédérale :
Le monde du travail est d’une très grande complexité avec une diversité sur l’accomplissement du travail. Citons quelques exemples de cette diversité. Entre un métallo, une aide ménagère, un agent hospitalier, un cadre hôtelier, chacun est soumis à des règles particulières que ce soit au niveau des horaires, de la pénibilité du travail, de l’hygiène, des permanences de jour et de nuit, des jours fériés. Tout celai justifiant des accords bilatéraux consignés dans un livret que nous appelons  Conventions Collectives ou statut du Personnel. Ces documents ne sont pas figés et doivent être améliorés continuellement.

3 - INFLUENCE SYNDICALE


L’influence du syndicalisme se reconnaît par la qualité de ses responsables, par les actions décidées et réussies et par le nombre d’adhérents.
Le nombre de cartes placées est un bon baromètre mais à traiter avec précaution.
Les chiffres avancés ici ne sont pas contestés et donnent une bonne image de la réalité.
Il y aurait seulement 10% de salariés qui seraient syndiqués et dans ces 10% il y aurait 80% de salariés de la fonction publique, des grands services nationaux, des grandes entreprises. On peut dire que la grosse majorité des petites entreprises échappent à l’influence et qu’ils ne bénéficient pas d’avantages exceptionnels.
Le personnel de ces petites et moyennes entreprises est moins protégé. Devant les pressions des employeurs, ces salariés n’ont pas une réelle sécurité de l’emploi et sont davantage soumis aux licenciements. 
Dans 100 ans, un historien du syndicalisme pourra écrire que les syndicats de cette période ont été impuissants à influencer l’ensemble des salariés.

4 - DIVISIONS SYNDICALES

L’histoire du syndicalisme est parsemée d’affrontements sur des grandes idées, jouant un rôle capital par son existence.
Faut-il chercher un appui auprès de certains partis politiques ? Faut-il avoir un syndicalisme révolutionnaire ou réformiste ? Faut-il se réclamer d’une doctrine ?
Tout cela a engendré des luttes intestines parfois violentes et des scissions dont certaines portent les blessures très longtemps.
Les affrontements d’idées s’accompagnent de propagandes internes, de tracts, de batailles de communiqués dans la presse locale et d’affichages.
Il y a concurrence pour occuper des sièges dans divers organismes où le syndicat a conquis le droit de siéger. Dans cette rivalité continuelle, chacun s’attribue les bons résultats obtenus, rejetant sur les autres les échecs et entretenant une méfiance réciproque.
Tout cela porte un grand préjudice au syndicalisme dont les militants s’usent à la tâche.
Cette situation éloigne encore plus les inorganisés qui regardent ce spectacle avec un sourire narquois ou avec indifférence. Et puis pourquoi se battre quand on sait très bien que les combats de certains profitent à tous ?

5 - DEMAGOGIE – SURENCHERES


Rien d’étonnant, devant cette situation que nous assistions à une concurrence continue des organisations syndicales entre elles.
Devant le nombre important de non-syndiqués, chacun veut se donner une bonne image et faire croire qu’il est le meilleur, que c’est lui qui obtient le plus, et tous les moyens sont bons pour le faire savoir : « presses syndicales, communiqués de presse, tracts, affichages…».
La démagogie c’est faire des demandes trop nombreuses dont on sait par avance qu’elles sont irréalisables.
Pour se donner une bonne figure, c’est attirer l’attention à soi, c’est quitter la salle de négociations avec fracas, faire annuler les élections ou monopoliser la tribune.
La démagogie est sœur de la surenchère qui consiste à demander plus que la dernière demande quitte à voir un troisième syndicat demander encore plus.
La démagogie c’est chercher la complaisance des salariés, c’est dramatiser les problèmes, c’est nourrir l’insatisfaction par une contestation permanente.
Cela ne mène à rien et montre son incapacité à présenter un cahier de revendications équilibré, possible, avec des résultats à notre portée.
Les inorganisés, déçus dans leur peu de foi dans les organisations, ne peuvent venir renforcer le camp des syndiqués.

6 – RELATIONS SALARIES – EMPLOYEURS


Dans le monde du travail, il y a plusieurs types d’entreprises que l’on pourrait grouper en 4 grandes catégories
Ø L’Etat (Fonction Publique) qui emploie plusieurs milliers de fonctionnaires
Ø Les Services Publics ; « Energie, Transports, Postes, etc… »
Ø Les grandes entreprises « Métallurgie, Chimie, Travaux Publics, Banques, Assurances, Soins, etc… »
Ø Les petites et moyennes entreprises à caractère plus ou moins artisanales.

Ces entreprises sont dirigées par des Conseils d’administration représenté par un Président, par des directeurs voire même par l’employeur qui est propriétaire de son outil de production mais aussi responsable de ses réussites ou de ses échecs.
Le combat syndical ne peut être identique devant cette variété d’entreprises dont certaines ont leurs sièges à l’étranger.
Aussi le terme « chef d’entreprise » ou « patron » s’il est précis surtout pour les petites entreprises reste bien vague pour les autres.
Le syndicalisme doit s’adapter à cette diversité et bien connaître les limites du possible.
La qualité des discussions employeur-salariés repose sur trois mots-clés qui résument bien comment elles doivent se dérouler : Discuter – Négocier – Contracter 


7 - NEGOCIATION


C’est à travers le dialogue engagé entre les employeurs et les salariés, au niveau des délégués du personnel, du Comité d’entreprise, des sections syndicales voire des unions départementales, et de la Fédération ou Confédération que se construit la négociation.
Les discussions, salariés-Employeurs doivent se dérouler autour de 3 mots clés :
Discuter – Négocier – Contracter.
Les discussions doivent se dérouler dans un esprit serein avec un minimum de respect et de confiance mutuelle, cela n’empêchant pas la fermeté nécessaire.
La grève est le dernier recours à utiliser à bon escient. Les grèves répétées perdent leur impact auprès des employeurs gênant les citoyens et éloignent davantage le monde du travail du syndicalisme.

8 - CONCLUSION


Ce serait une erreur de s’attarder uniquement sur les défauts du syndicalisme et ne pas voir ce qu’il apporte dans notre société.
On peut dire que ces combats ont contribué à une meilleure distribution des fruits du progrès, de faire bénéficier des avancées capitales dans les domaines des horaires de travail, des congés, des soins.
Il permet l’expression des salariés qui peuvent dialoguer avec tous les partenaires concernés et être écoutés.
Le syndicalisme, c’est une leçon de camaraderie et un précieux contrepoids dans nos sociétés libérales où technologiques.
Pour les responsables, c’est acquérir la capacité de guider des groupes, de préparer et présider des réunions, d’écrire des comptes-rendus ou des rapports, d’argumenter, en somme d’acquérir la capacité de dialoguer sans complexe d’infériorité.
Le militant syndical, par ces actions à multiples facettes se hisse au niveau de ses interlocuteurs.
C’est acquérir des connaissances dans le social, sur l’économie, l’histoire.
Le syndicalisme permet à chacun de se grandir, de s’exprimer. 


D) Questions pour alimenter les débats du Cercle 
(Georges SABATIN)


Les chapitres 1 à 3 du livre de J.Marie PERNOD, fort bien résumés par mes collègues du Cercle Condorcet, Daniel GAUTHERET et Pierre DUSSAUGE ont soulevé de ma part des interrogations sur des points précis. C’est l’objet de ce texte avec ses questions et des propositions d’explications qui pourraient donner lieu à débat. S'y rajoutent des questions que se posent les adhérents du Cercle lors des exposés.


Ì Comment un monde syndical si faible en adhérents et si divisé parvient-il à engager tant de gens dans ces grands mouvements protestataires qui surgissent à échéances régulières à la jointure du social et du politique ?


Ì Les Conventions collectives s’appliquent à tous et pas aux seuls syndiqués (réticence des syndicats). Les avantages obtenus lors des grèves s’appliquent à tous et pas aux seuls syndiqués. Que penser de cela ?


Ì Le taux de syndicalisation est passé de 20% en 1970 à 8% en 2003. Comment expliquer cette décrue ?


Ì La syndicalisation est-elle le propre des grandes entreprises voire des entreprises du secteur public ?


Ì La politisation des syndicats a-t-elle affaibli leurs positions ?


Ì Le rôle des Comités d’entreprises est-il lié à celui des syndicats ?


Ì Quel avenir pour le syndicalisme en France ?


Ì Le temps partiel destiné à améliorer la qualité de vie n'a-t-il pas donné les effets inverses dans certains cas (fragilisation de l'esprit de revendication, réorientation du travail vers le travail du Week-end..)?

Ì Le syndicalisme doit naviguer entre la défense individuelle du salarié (source de discorde dans le cas de salariés ne respectant pas les règles élémentaires au travail..) et la défense collective d'une classe de salariés. Est-ce compatible ?

Ì La société de consommation n'a-t-elle pas affaibli elle aussi l'engagement syndical par une individualisation excessive ?





 






[1] Jean-MARIE PERNOT, idem, pages 190
[2] Jean-MARIE PERNOT, idem, pages 189
[3] Jean-MARIE PERNOT, idem, pages 191
[4] Jean-MARIE PERNOT, idem, pages 196
[5] Jean-MARIE PERNOT, idem, pages 197
[6] Jean-MARIE PERNOT, idem, pages 201
[7] Jean-MARIE PERNOT, idem, pages 204
[8] Jean-MARIE PERNOT, idem, pages 206
[9] Jean-MARIE PERNOT, idem, pages 215
[10] Jean-MARIE PERNOT, idem, pages 218
[11] Jean-MARIE PERNOT, idem, pages 224
[12]Idem…page 235
[13] Idem page 249
[14] Expression des ouvriers dont l’origine est née des grèves dans le Nord au début du XXème siècle, les commerçants fermant les rideaux jaunes de leurs magasins au déclenchement de celles-ci (cf : J.BRON tome I « Histoire du mouvement ouvrier français »)
[15] Idem pages 254-255
[16] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 259
[17] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 260
[18] Philippe BERNOUX « La sociologie des organisations », Paris Seuil, 1985, 378 pages
[19] JODELET, « Les représentations mentales »
[20]  Jean-MARIE PERNOT, idem, négociation collective, paritarisme, CTP, CHSCT, CA, CES COR etc. page 262
[21] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 271
[22] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 272
[23] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 277
[24] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 278 : C.DUFOUR, A.HEGE « L’Europe sociale au quotidien. La représentation en France, Allemagne, Grande-Bretagne, et Italie », Bruxelles, PIE-Peter Lang, 2002
[25] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 279
[26] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 283
[27] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 283
[28] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 285
[29] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 285
[30] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 289
[31] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 291
[32] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 298
[33] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 300 et 301
[34] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 302
[35] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 304

[36] Jean-Marie PERNOT « Syndicats : lendemains de crise ? »,  Gallimard-Folio, 2005, pge 305
[37] Jean-MARIE PERNOT : l’auteur souligne notamment la crise du MEDEF dans un renvoi de note
[38] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 306
[39] Emile DURKHEIM, « Les règles de la méthode sociologique », PUF, 1937, page 10, in introduction mémoire « Les permanents syndicaux aux PTT. Contribution à l’étude d’une entité (le permanent) délaissée par l’histoire et la sociologie » Collège Coopératif Rhône Alpes 1992
[40] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 308
[41] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 308
[42] Albert HIRSCHMANN « Bonheur privé, action publique », Fayard, 1989,
[43] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 309
[44] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 312
[45] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 313
[46] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 314
[47] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 315
[48] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 315-316
[49] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 322
[50] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 323

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