Cercle Condorcet de Bourg
en Bresse
Crise de la représentation syndicale en France
Préambule…………………………………………………………………….…….page
1
Première partie
Chapitre
1 - A l’épreuve du mouvement social…………………………….……page 2
Chapitre 2 - Les héritages…………………………………………………………page
3
Chapitre
3 - Le déclin syndical en Europe………………………………….……page 9
Chapitre
4 - Familles désunies et familles recomposées…………………..….page 13
Chapitre
5 - Syndicat et représentation…………………………………………..page 21
Chapitre
6 - Conclusion…………………………………………………………….page 27
Deuxième partie
(Entrées
par le concret, regards et témoignages croisés)
A)
– Regards
croisés sur deux expériences différentes
(Daniel GAUTHERET)…………………………………………………………….page 32
B)
– Mon parcours avec la CFDT
( Pierre DUSSAUGE)……………………...page 34
C)
- Orientation actuelle du syndicalisme (Jean GILBERT) ………………… page 36
D)
- Questions pour alimenter les débats du Cercle
(Georges
SABATIN)……………………………………………………………….page 40
**********
Préambule
Ce travail en commun est une approche de la crise
syndicale en France. A l’étude, il s’avère que cette crise existe aussi au
niveau Européen. Mais il y a bien une problématique Franco-Française. Nous sous
sommes très largement inspirés du livre de Jean-Marie PERNOD « Syndicats,
lendemains de crise ? » puisque les six premiers chapitres sont un
essai pour résumer ce livre.
Ont participé à l’élaboration de cette étude en octobre
et novembre 2006
Pierre DUSSAUGE (Cercle Condorcet de Bourg en Bresse) et
Daniel GAUTHERET (Cercle Condorcet de Bourg en Bresse) pour le résumé du livre.
Jean GILBERT (Cercle Condorcet de Bourg en Bresse) et
Georges SABATIN (Cercle Condorcet de Bourg en Bresse) en soutien.
Première partie
Chapitre 1 : A l’ épreuve du mouvement social
2003 : Le conflit de la réforme des retraites
a rendu manifeste l’impuissance des syndicats. Malgré une mobilisation de haut
niveau le résultat apparaît comme une absence totale de prise en compte de
leurs points de vue. Un examen de ce cas concret permettra d’introduire une
analyse détaillée de la crise syndicale en France et en Europe.
Les épisodes du conflit :
ð Un conflit annoncé : en 1993 1ère réforme Balladur par
décret : passage progressif de 37,5 à 40 annuités ; décote de –10%
par année manquante ; passage de 10 à 25 meilleures années ; salaire
des années cotisées revalorisé de la seule hausse des prix ; et indexation
des pensions sur la hausse des prix au lieu de la moyenne des salaires ;
tous ces éléments font baisser à terme de 75 à 60% le niveau maximum des retraites
du régime général. En 1995, échec de la réforme Juppé (face au mouvement
social né surtout du projet de remise en cause des régimes spéciaux). En
2002 : retour de la droite au pouvoir avec un engagement d’une vraie
réforme des retraites sur deux pivots généralement acceptés : l’équité
des français (soit l’alignement des régimes spéciaux et de la fonction
publique) et la liberté de choix avec une durée pivot de cotisation et un
système de bonus/malus.
ð Un conflit en 4 temps : 7 janvier-13 mai les 7 organisations syndicales situées sur des
conceptions et des stratégies différentes arrivent le 7 janvier à un
rapprochement exceptionnel (déclaration commune encadrant les objectifs et les
moyens de la réforme). Puis montée en puissance de la mobilisation par journées
d’action, appel à la grève et manifestations ; mais déjà une appréciation
différente de la part de la CFDT
sur les intentions du gouvernement ; la CFDT émettait un signal favorable à la réforme
moyennant quelques ajustements. 14-15 mai : l’incroyable négociation :
les politiques pensent pouvoir se passer de l’accord des syndicats ; une
nuit de discussion de Fillon avec les syndicats, mais aucune concession sur son
texte gouvernemental ; l’après-midi suivante 1 heure de discussion de la CFDT avec Chérèque à Matignon
et un avis favorable de la CFDT
sur le projet moyennant quelques ajustements du texte du matin ; puis
signature CFDT et CGC. 16 mai-10 juin : popularité du mouvement d’opposition
à la réforme mais avec un très faible enracinement dans la grève ; 600 000
manifestants le 25 mai. Après le 10 juin : inexorable déclin du
mouvement et sortie difficile ; CGT termine avec une campagne de pétitions
pour la réouverture des négociations alors que le débat parlementaire de la loi
est en cours.
ð Quelques remarques sur le mouvement : la fermeté du gouvernement qui a compris par les
groupes de travail préparatoire à la réforme qu’ il pouvait jouer sur une
possible division syndicale et rallier la CFDT à son projet ; en fait deux mouvements
sociaux qui se sont mêlés avec les enseignants d’un coté sur des revendications
liées à la crise urbaine et sociale et les autres fonctionnaires de l’autre qui
n’ont pu produire que peu d’ entraînement sur les autres secteurs ; la
part importante prise par la manifestation comme expression du conflit, avec
très peu de grèves ; le manque de mobilisation du secteur privé qui
n’envoie que quelques délégations aux manifestations ce qui rejoint le fait que
l’alignement des régimes spéciaux et des fonctionnaires sur le régime général n’
était pas impopulaire.
ð Il apparaît que « sans capacité retrouvée parmi les
salariés du secteur privé, le syndicalisme français est désormais condamné soit
à la résignation à un rôle marginal, soit à la gesticulation dans les franges
de plus en plus réduites du secteur public et des administrations » (page
58).
Quelques
questions ou constats:
ð Comment un monde syndical si faible en adhérents et si
divisé parvient-il à engager tant de
gens dans ces grands mouvements protestataires qui surgissent à échéances régulières à la jointure du
social et du politique ?
ð Les syndicats sont maintenant obligés de faire des
propositions au débat sur les questions sociales.
ð Le syndicalisme garde toujours une image globalement
positive dans l’opinion publique ; sur les grands enjeux économiques et
sociaux, les syndicats sont les acteurs auxquels les salariés font le plus
confiance.
ð Mais même légitimés les syndicats restent faibles, et le
passage de la sympathie à l’adhésion ne se fait pas.
ð L’affaiblissement brutal des syndicats dans les 20
dernières années, après les trente glorieuses et mai 1968, prend en fait racine
dans la longue histoire des relations sociales en France (chapitre II)
Chapitre 2 : Les héritages
A) Deux sources : le syndicalisme d’origine laïque
et socialiste et le syndicalisme chrétien.
1°) La tradition du mouvement ouvrier laïque et
socialiste
1ers éléments : les mutuelles et les
coopératives regroupent par métiers : maçons, plâtriers, peintres,
charpentiers etc.…
1895 : naissance de la CGT (confédération
générale du travail)
1906 : la charte d’Amiens qui pose deux
principes : la séparation de l’action syndicale et de l’action
partisane ; « la double besogne » syndicale, conduire l’action
quotidienne pour la défense des travailleurs et préparer l’œuvre d’émancipation
future. (Page 71)
Les unions départementales remplacent les Bourses du
travail. On passe de la référence du métier à celle de l’industrie :
syndicat du bâtiment, de la métallurgie selon la branche d’activité ; d’où
une hiérarchisation des revendications, la mise en forme des intérêts
collectifs, la création du premier niveau de l’interprofessionnel.
Avec Léon Jouhaux la CGT devient une véritable organisation de masse.
Scission en 1921 (CGTU liée au parti communiste), réunification
en 1936 des réformistes et des révolutionnaires.
Naissance
d’un réformisme syndical qui ne considère plus l’Etat comme un moyen de
domination de la classe ouvrière ; l’intervention économique de l’Etat apparaît comme une source possible de nouveaux
droits et comme un moyen de limitation du pouvoir patronal : revendication
de conventions collectives, de nationalisations, de planification.
En
1938 nouvel éclatement de la CGT
avec exclusion des communistes en 1939, mais réunification pendant la clandestinité
en 1943.
En
1947 explosion de la CGT :
Force Ouvrière et les syndicats autonomes (dans la fonction publique et les
services publics). Véritable big-bang syndical avec atomisation de la
représentation, disparition du lien confédéral. Autonomie des enseignants avec la FEN. CGT de Benoît
Frachon, puis Georges Seguy.
En
1976 la CGT
compte 2 377 000 adhérents (c’est le sommet) ; avec 75 % d’hommes, une
dominante industrielle et ouvrière (65% d’ouvriers et 23% d’employés) ;
majoritairement implantée dans le secteur privé (55%), et une présence forte
dans la fonction publique (30%) et dans le secteur public (15%).
Force
Ouvrière. Naissance en 1948, surtout
implantée dans la fonction publique et
le secteur public ; c’est le monde des employés et des
fonctionnaires ; grande diversité (gaullistes aux trotskistes) ;
croissance lente et régulière ; 482 000 adhérents à son apogée, 370 000 en
1993. Elle fut longtemps l’interlocuteur privilégié du gouvernement.
La FEN. C’est la forteresse enseignante. 550 000 adhérents en 1978. Union
corporative rassemblant des sensibilités politiques diverses (séparées dans les
autres syndicats), elle s‘appuie sur un système d’œuvres sociales important,
mutuelles , assurances, coopératives.
Née de la scission de la
CGT en 1948 (fédération de l’enseignement), elle est autonome
mais reste proche du syndicalisme ouvrier. Elle éclate en morceaux dans les
années 1990 et se retrouve en partie dans l’ UNSA en 2000.
Les
Autonomes : UNSA, FSU, groupe
des 10.
2°)
Le syndicalisme d’origine chrétienne
1891 :
encyclique Rerum Novarum de Léon XIII qui prône la syndicalisation des ouvriers
pour lutter contre l’influence des organisations socialistes.
NB :
avec l’urbanisation et l’industrialisation
il y a émergence d’une classe ouvrière aux droits peu reconnus, victime
du paupérisme, sans droit, donc attirée par les idées révolutionnaires et non
pas par les idées de concorde sociale. En 1848 c’est la rupture entre l’Eglise
et le monde ouvrier, puis le développement d’un catholicisme conservateur, qui s’opposera
à la Commune.
L’appel
du pape Léon XIII a un faible écho parmi les catholiques. A noter toutefois
Marc Sanguier et le mouvement du Sillon.
Après
la 1ère guerre mondiale, avec le retour de l’Alsace et la Lorraine où un
syndicalisme chrétien s’était développé, on note la création par le Vatican d’une
confédération internationale des syndicats chrétiens et la naissance en France de la CFTC en 1920. Elle sera
combattue par l’Action Française en
raison de son orientation démocrate-chrétienne.
Puis
le développement de la JOC
à partir de 1927. Malgré l’indifférence de la hiérarchie ecclésiale sur les
questions sociales, la CFTC
se développe avec le soutien du Vatican, des Jésuites, du Sillon, des Semaines
Sociales, des Œuvres collectives et familiales.
Devise :
« un syndicat libre dans une profession organisée. Responsable :
Gaston Tessier.
De
1919 à 1940 il s’ agit d’ un syndicat modéré, encadré par un conseil
théologique ; il condamne le socialisme et le libéralisme ; il est
contre la luttes des classes, pour l’association des travailleurs aux bénéfices
des entreprises, les commissions mixtes, l’entente sociale, les conventions
collectives, pour des instances de conciliation et d’ arbitrage ; la grève
n’est à utiliser qu’en dernier recours ; pour la collaboration du capital
et du travail ; la paix sociale ne peut résulter que de l’application des
principes de justice et de charité chrétienne.
Deux
traits :
ð L’Etat est responsable du bien commun, il doit
établir un juste équilibre entre les forces en présence, mais il doit rester à
sa juste place et se contenter d’entériner la conclusion des accords. Cette
aspiration à un Etat modeste se retrouvera dans la CFDT avec le thème de l’autogestion
entre 1968 et 1977, puis avec le thème du "recentrage".
ð L’attachement
au pluralisme syndical ; l’unité d’action n’est pas un objectif stratégique
; "quand on déjeune avec le Diable( nb : la CGT) , il faut avoir une
longue cuillère".
Après
la seconde guerre mondiale on note un fort développement, une séparation d’avec
les partis (le MRP) et une évolution vers la
« déconfessionnalisation » avec Eugène Deschamp.
L’abandon
de la référence chrétienne en 1964 (transformation en CFDT) est favorisé par
trois facteurs :
-
le développement dans le bâtiment, le textile,
la métallurgie, la chimie fait naître un désir d’aller plus loin dans l’action
-
le secteur public (PTT,
cheminots, EDF) se rallie au changement de sigle
-
l’Eglise avec le
renouveau du concile Vatican II ne s’ y oppose pas.
A
noter toutefois une scission minoritaire avec la « CFTC maintenue »
aidée par la décision politique de lui conserver le caractère d’organisation
représentative.
La
construction de la nouvelle identité CFDT se fait en trois phases :
-
de 1964 à 1970 :
réformisme social-démocrate à base de planification démocratique et de
socialisation des moyens de production et d’échange ; actions orientées
vers l’obtention de résultats : pacte d’unité d’action avec la CGT en 1968
-
de 1970 à 1977 :
période de radicalisation avec Edmond Maire : référence au socialisme
autogestionnaire ; exaltation de la valeur des
conflits : "les luttes sont le moteur de la transformation
sociale" ; une relativisation de la négociation ; avec le début
de la crise économique c’est le rejet de
l’utopie du changement politique : les changements doivent passer par la
négociation entre acteurs sociaux.
-
Depuis la fin des
années 1970 : abandon de l’appel à la grève, recherche de signature d’accords :
l’espace contractuel devient la "nouvelle frontière" ; à
noter aussi une centralisation autour de l’exécutif et le durcissement des
positions pour un renouveau syndical ; à la fin des années 1980 divorce d’avec
une partie encore sur la base des années 1970, et rupture avec création des
syndicats SUD à la Poste
et à France Télécom, et plusieurs vagues de départ.
NB :
mis à part les pays anglo-saxons et nordiques cette double tradition syndicale
se retrouve dans toute l’ Europe ; la CFDT a en partie fait une rupture avec l’héritage
catholique sur la place des femmes, leur droit au travail, l’avortement et la
contraception, la conception des mœurs.
B)
Trois caractéristiques structurelles du syndicalisme français : rapport
entre syndicalisme et classe ouvrière, la question du syndicalisme de service,
une fragile culture de la négociation collective.
1°)
Un syndicalisme né dans et marqué par le monde ouvrier :
-
en Angleterre : le
mouvement des « enclosures » et les lois « poor laws » à la
fin du XVIIIe siècle dégagent la main d’œuvre nécessaire pour la révolution
industrielle naissante ; on a tout de suite un syndicalisme de masse dans
les cités cotonnières, avec organisations dès 1925 en unions, puis en 1868 le
regroupements des unions en TUC avec les mutuelles et les coopératives
-
en Allemagne : la
révolution industrielle est tardive (années 1860), mais rapide et touche de
grandes masses de population avec
création de gros centres urbains ; la loi antisocialiste de 1878 interdit
aux syndicats toute activité politique ; cela favorise le développement
des pratiques gestionnaires (mutuelles, coopératives délivrant de nombreux
services) avec développement d’une bureaucratie syndicale gestionnaire et
réformiste.
-
En France : la
révolution industrielle est lente, et le lien avec le monde rural a été vivace
très longtemps. D’où un syndicalisme de minorité, reflétant l’isolement social
et la faiblesse numérique du monde ouvrier. Il n’a connu de gros bastions que
sur une courte période de 1950 à la fin des années 1970. La classe ouvrière
française a lentement émergé de la paysannerie (c’est en 1935 seulement que la
population des villes atteint celles des campagnes, alors qu’en Angleterre dès
1840 les villes dépassaient les campagnes !), d’ où le besoin de vagues
successives d’immigrations d’Italie, de Pologne, de Belgique ; d’ où l’hétérogénéité
de la classe ouvrière dans sa culture et ses modes de vie. Et une culture de
classe fragile, instable et inquiète. Cela explique que le syndicalisme
français n’a jamais été l’ incarnation sociologique d’ un monde ouvrier se
reconnaissant en lui.
2°) Un syndicalisme extérieur à la fonction de
"services aux adhérents".
Malgré quelques réalisations, la mutualité n’a pas été
une source de services productrice d’assises élargies pour le syndicalisme. Les
Bourses du travail (fin du XIXe siècle)
n’ont jamais réellement développé des services réels tels que les services de
placements, les prêts et crédits pour les victimes du chômage, les caisses de
grève et de chômage, les caisses coopératives, les caisses de secours.
Toutefois
quelques réalisations ; en 1928 la caisse nationale de solidarité
ouvrière ; puis quelques caisses d’affinités ou caisses syndicales et des
mutuelles ouvrières à partir de 1936 qui occupent les vides des assurances
sociales. La fédération des mutuelles ouvrières s’est organisée à côté de la
puissante fédération nationale de la mutualité française, et elles n’ont
fusionné qu’ en 2002.
Cette
extériorité réciproque entre syndicats et mutuelles a une explication :
une loi de 1852 a
séparé organiquement la mutualité du mouvement ouvrier, et en 1884 à la
légalisation des syndicats les mutuelles étaient déjà autonomes et très développées
(2,5 millions d’adhérents en 1900).
3°)
Une culture fragile de la négociation collective qui s’explique par :
-
une culture de
confrontation bien ancrée : ce n’est pas dans la culture des élites de l’Etat
(colbertisme : tout centraliser dans les mains des élites) ; le
patronat français de droit divin a une solide tradition d’affrontement au
syndicalisme. Le patronat a toujours préféré les règles imposées par l’Etat à
la négociation avec les syndicats ; ainsi les syndicats orientent leur
action vers l’Etat pour demander des
droits plutôt que vers les employeurs.
-
La culture politique et
la tradition juridique au nom du principe d’égalité, s’opposent à ce qu’une
convention collective ne s’applique qu’aux seuls syndiqués. Et les syndicats
ont toujours été réticents à lier un avantage à la nécessité de l’adhésion. La
référence au contrat individuel (une tradition française) favorise les droits
de la personne et fort peu le droit collectif. La devise "liberté égalité
fraternité" ne va pas avec des arrangements corporatistes. Le droit du
travail a été construit pour soutenir les individus en situation de
subordination salariale et non pour fournir un support aux acteurs collectifs
du travail. Droit de grève et droit de négociation collective sont des droits
individuels des salariés et non des droits syndicaux. Cette individualisation
du droit explique la faible propension à l’adhésion syndicale.
-
La négociation en
France ne résulte en fait que d’obligations légales : obligation annuelle
de négocier les salaires (loi Auroux) de 1982), l’aménagement du temps de travail
(1989), l’épargne salariale (2001), la mise en place des 35 heures (Aubry I et
II)
B) Retour sur la genèse historique du syndicalisme
français.
-
l’ère barbare (1830 à
1936) : quelques dates : plus de 50 ans de clandestinité de 1830 à
1884 ( légalisation avec la loi Waldek-Rousseau ) ; de 1884 à 1919, le
syndicalisme est une activité à hauts risques (morts, violences,
intimidations) ; en 1919 loi sur la journée de 8 heures et loi sur les
conventions collectives (suite aux clauses sociales du traité de Versailles et
la création de l’OIT pour faire pendant au bolchevisme) ; en 1918 en
Allemagne mise en place de la co-détermination (conseil d’entreprises) ;
en 1936, première négociation collective. Pendant 60 ans c’est une absence de
règles propres à assurer une confrontation pacifique des intérêts sociaux.
-
Le syndicalisme
français n’est pas né révolutionnaire, mais il l’est devenu devant l’absence de
partenaires (patronal ou étatique) modérés. La loi Le Chapelier qui interdisait
tout regroupement des travailleurs a poussé ceux-ci dans le camp de l’engagement
politique. Nécessité de politiser l’action : l’obtention des libertés
fondamentales (réunion, association, expression, coalition) nécessite d’abord
le droit d’exister ; la défense du salaire est liée à la lutte pour un
changement politique qui rendrait légale la défense collective du salaire.
-
1936 : première
confrontation tri-partite syndicats-patronat-gouvernement permet une sortie de l’ère
barbare. Instauration des conventions collectives, des délégués du personnel
(bien longtemps après l’Allemagne et l’Angleterre).
-
Après guerre :
institutionnalisation du rapport salarial : sécurité sociale,
planification, grandes nationalisations. Reconnu par l’Etat (institutionnalisé)
le syndicalisme n’est toujours pas reconnu par le patronat. Les comités
d’entreprises créés en 1945 sont un échec. D’où radicalisation du syndicalisme
chrétien des années 1950-1960 ; pacte d’ unité d’action CGT-CFDT en 1966
pour obtenir des négociations nationales ; après une nouvelle phase de
1968 à 1981, il y a une nouvelle crispation du patronat avec la gauche au
pouvoir ; avec la création du MEDEF en 1998 le libéralisme étatique est
prôné : exaltation des valeurs de l’entreprise, essai de reconquérir par
le politique ce qu’un compromis devrait permettre par la négociation directe.
En conclusion : l’histoire, la culture, la politique
pèsent lourdement dans la crise du syndicalisme français ; ce phénomène
est très complexe. La réforme des retraites et de l’assurance maladie en
2003-2004 (et l’affaire du CPE récemment) ont montré la persistance des
tendances lourdes de confrontation dans
les rapports sociaux en France. On est encore loin d’un syndicalisme
consensuel.
Chapitre 3 : Le déclin syndical en Europe
1°) Les tendances communes d’évolution des syndicats
en Europe
En France le taux des syndiqués était de 20 à 25%
dans les années 1970 ; il n’ est plus que de 8% en 2003.
Le taux de syndicalisation varie selon les usages
sociaux. Plusieurs systèmes existent ou on existé selon les pays qui lient l’adhésion
à un service ou un avantage.
En Angleterre : le closed-shop : fermeture
des professions aux seuls syndiqués ; l’union shop : adhésion
collective obligatoire au syndicat seul habilité à négocier.
Dans les pays nordiques : application des
conventions collectives aux seuls syndiqués.
Au Pays-Bas, Belgique, Autriche : la
syndicalisation est couplée à l’accès à des services d’économie sociale.
En Italie, pays nordiques et Angleterre : le
contrôle de la discipline est exercé par le syndicat et en échange la
cotisation est prélevée sur le salaire.
D’autres fois des missions de service public sont
exercée par le syndicat : gestion du chômage et de la formation
professionnelle.
En France pratiquement aucun de ces systèmes n’a
existé, sauf pour les ouvriers du livre et les dockers (jusqu’ en 1992), et
pour l’empire FEN (mutuelles, coopératives et assurances).
Dans les autres pays ces systèmes ont joué comme
amortisseurs des chocs exogènes que sont la baisse de l’ industrie dans l’
emploi, la « PMEisation » du tissu des entreprises, la montée des
services, le développement du temps partiel, des emplois précaires et de la
flexibilité.
Malgré tout on assiste à une érosion manifeste de l’influence
syndicale en Europe depuis 1990 (d’ ailleurs la même tendance est observée au
niveau mondial par le BIT depuis 1998) : le taux de syndicalisation est en
baisse, surtout dans les grands pays, accompagné d’un affaiblissement marqué de
la capacité d’influencer les politiques sociales des gouvernements et les
politiques patronales dans les entreprises.
En 10 ans entre 1993 et 2003 les taux de syndiqués
ont chuté de 0 à 5% en Belgique, Italie, Norvège, Pays-Bas ; de 5% à 10%
en Allemagne, Autriche, Grèce, Portugal et Royaume-Uni ; de 10% à 15% en Irlande, Finlande, Suède.
En 2003 le niveau de syndiqués est de : plus de
70% en Belgique et Pays nordiques ; 30 à 50% en Italie, Autriche et
Irlande ; 20 à 30% en Allemagne, Pays-Bas, Royaume –Uni, Grèce, Portugal;
10à 20% en Espagne ; 8% en France.
La baisse des capacités des syndicats européens a
produire des compromis sociaux s’est manifestée : en Espagne par la fin
des pactes sociaux, en Autriche par la réforme des retraites ; en
Angleterre par la perte d’influence des syndicats sur la politique du parti
travailliste ; en Allemagne par la réforme des systèmes de protection
sociale et de flexibilité du marché du travail, les remises en cause sur le temps de travail, le niveau des
salaires, le rôle directeur de la branche.
Ces remises en causes ont été rapides et
convergentes.
La pression de la mondialisation - caractérisée par
la mobilité du capital financier, le primat de l’intérêt des actionnaires, la
très grande liberté des multinationales, la concurrence accrue sur les salaires
et la protection sociale – a fait sauter les verrous nationaux.
La pression s’exerce aussi sur les systèmes de pensée
et d’action ; les maîtres-mots sont : flexibilité et adaptabilité.
2°) Les adaptations difficiles
Un vaste mouvement de réorganisation interne des
syndicats par fusion ou « rachat » de syndicats, de branches pour
rester puissant, diminuer les charges d’appareil, dans le but d’accroître le
pouvoir syndical de négocier.
Une distanciation entre champ syndical et partis
politiques : en Espagne entre commissions ouvrières et parti communiste,
entre UGT et socialistes ; en Italie entre CISL et démocratie chrétienne,
en Allemagne, retrait du soutien du DGB vis à vis du SPD ….
La dilution des liens partis-syndicats conduit à deux
orientations : le repli sur la fonction de défense des intérêts au jour le
jour, la recherche du compromis avant tout, l’éviction des questions
macro-économiques et macro-sociales ; l’appropriation par le syndicat de l’ensemble
de la fonction syndicalo-politique.
3°) Le déclin singulier du syndicalisme français.
A) Sous l’économie de croissance et d’intégration des
trente glorieuses (1945-1975).
A la
Libération, le syndicalisme est associé à la mise en place
des Institutions de l’ Etat Social. Croissance importante des effectifs, brisée
avec l’éclatement de la CGT
, mais qui reprend après 1955.
La présence syndicale est confortée par la création
des comités d’entreprises, les conventions collectives au niveau des branches,
les caisses Sécurité sociale avec des gestionnaires syndicaux élus, le Conseil
économique et social, la Commission de
Planification avec présence de
confédérations, par les nationalisations (créant un important secteur public
plus propice au développement syndical et producteur de normes sociales de
progrès) des banques, électricité, charbon, transports.
Malgré un haut niveau d’institutionnalisation on
observe des pratiques actives de terrain avec un tissu militant motivé. Le
régime « fordiste-keynésien » des années 1960-1970 fonctionne avec un
taux de syndiqués supérieur à 20%. On assiste à une répartition des
rôles : la CGT
mobilisait, FO et CGC signait les
accords de branches, la CFTC
(CFDT) pratiquait les deux et l’unité d’action avec la CGT ; il y avait un fort
recours à l’Etat et aux politiques pour pousser la résistance patronale au
compromis ; tout cela sur fond de croissance, de modernisation économique.
Et le système électoral attestait de la capacité des syndicats à représenter
les salariés.
B) Sous l’économie de chômage de masse et de précarité
croissante.
Des ruptures, des saignées d ‘effectifs (perte
de 1,5 millions d’emplois dans la sidérurgie, la construction navale, les
mines, le textile, l’automobile avec destruction entière de régions. De 1978 à
2002 l’emploi industriel baisse de 24% à 16%.
Une baisse précipitée des effectifs syndicaux mettant
fin à la puissance syndicale et installant un doute général sur la capacité des
syndicats à peser sur le mouvement économique en cours. Le rapport de force se
joue en réalité dans les têtes, dans la représentation mentale des individus
qui ne se sentent plus alors représentés par les syndicats.
C) Cette période est caractérisée par :
ð le renforcement des PME dans l’emploi( 60% du secteur
marchand et 1/3 avec moins de 10 salariés.
ð Une réorganisation de la production avec
externalisation (sous-traitance vers les PME).
ð La croissance du travail salarié des femmes, avec
pression du temps partiel et des contrats précaires.
ð La rupture de l’union de la gauche aggravant les
relations CFDT/CGT et poussant la
CGT dans le repli identitaire de la lutte des classes, et
tournant le dos à l’unité d’action.
ð De grandes évolutions technologiques qui transforme
les collectifs de travail en laminant les groupes identitaires tels les
ouvriers qualifiés dans la métallurgie, les typographes dans l’imprimerie. Ce
retrait des ouvriers crée la désertification des rangs syndicaux.
ð Les changements dans les modes de management,
entraînant l’individualisation de la relation de travail et le harcèlement
moral.
ð Les pratiques revendicatives s’étiolent ; l’usage
de la grève décline fortement, les pratiques conflictuelles disparaissent.
ð Le travail n’apparaît plus comme un facteur d’intégration
sociale.
ð Les syndicats n’ont pu imposer un modèle solidaire et
porteur de sens entre la gestion des grands équilibres (la gauche au pouvoir)
et la dénonciation sectaire (extrême gauche) ; ils sont d’ailleurs absents
des nouveaux mouvements des sans-logis, des sans-emplois, des sans-papiers.
ð C’est la fin des grandes utopies collectives ou
références émancipatrices anciennes : communisme, socialisme, autogestion, démocratie-chrétienne ;
et la montée de l’individualisme, de l’hyper-modernité, des valeurs hédonistes.
D)
Autre
trait : la rupture profonde du rôle de l’Etat dans le triangle
patronat-syndicats-gouvernement :
ð Dans les années 1960-1970 l ‘Etat était un régulateur
actif du domaine social (conventions collectives, politique salariale avec rôle
du SMIG, Renault moteur, les
rémunérations dans le public), et il intervenait dans l’économie (les
grands groupes, l’organisation des flux migratoires, l’orientation du crédit,
les modernisations avec la planification, l’organisation des grandes branches
industrielles).
ð Depuis les années 1980 le pouvoir prend conscience de
la durée de la crise (Giscard), le mot d’ordre est à la modernisation (les
socialistes), la concurrence devient le levier de la modernisation de l’économie.
La concurrence s’exerçant sur les entreprises il y a un déplacement de la
branche vers l’entreprise. « L’action de l’Etat abandonne l’établissement
de normes générales notamment sociales centrées sur les branches, pour s’orienter
vers les entreprises en leur permettent d’adapter au mieux leurs capacités pour
s’imposer dans une nouvelle échelle de concurrence » (page 172).
ð Avec les lois Auroux 1982 et suivantes la négociation
se fait au niveau de l’entreprise. L’Etat n’établissant plus de règles
normatives, la décentralisation de la négociation favorise les employeurs car
les syndicats connaissent des difficultés à assurer la coordination des
négociations. On assiste à une extension des règles dérogatoires ; on
signe des accords dérogeant aux règles des branches.
E) D’ où ce paradoxe : sur 20 ans la négociation
d‘entreprise s’est développée dans les grandes entreprises de façon autonome.
Et elle apparaît rétroactivement comme un facteur d’affaiblissement de la
puissance syndicale ; alors qu’elle attribuait aux syndicats un rôle de
proximité a l’appui de la défense quotidienne des salariés. (Page 178).
NB : dans le reste de l’Europe, les syndicats
ont limité la décentralisation de la négociation vers les entreprises et ont
continué à coordonner les accords d’entreprises au niveau de la branche.
Les accords locaux portaient sur : les 35
heures, les nouvelles règles technologiques, le débat
compétences/qualifications, l’épargne salariale. Cela n’a pas été facteur de
progrès, mais a accru les écarts dans le monde du travail. Et la sous-traitance
et les activités externalisées ne sont pas concernées par ces accords.
Le développement des accords au niveau des
entreprises a de fait contribué à désarticuler les solidarités salariales déjà
bousculées par la crise. L’autonomie acquise par la négociation d’entreprise n’apparaît
pas comme un vecteur de solidarité du salariat.
Les syndicats n’ont pas su maintenir les quelques éléments de centralisation nécessaires à la construction et à la préservation des intérêts communs ; ils n’ont pas perçu quelles étaient les conditions de leur puissance. Pendant ces 20 ans les syndicats ont été en guerre les uns contre les autres et en crise avec eux-mêmes. (chapitre IV)
Chapitre 4 : Familles désunies, familles recomposées (pages 183 à 245)
Voir page 199 (les scission de la CGT) et 214 (les scissions de la CFTC-CFDT) deux schémas
très bien réalisés qui donnent une représentation synthétique des naissances,
divisions, recompositions des organisations syndicales françaises ; et
page 228 le tableau des représentativités électorales des syndicats de 1992 à
2002
4-1
La CGT, devenir
par soi-même
Elle a connu quatre phases depuis 1948 :
1) De la scission (CGT-FO et FEN) à 1962 : guerre
froide à une timide ouverture, dans une organisation très liée au PCF
2) De 1962 à 1978 : l’action sociale repart avec la
grève des mineurs (1963) et cette période est unitaire. En 1966 un pacte
d’unité avec la CFDT
sur l’initiative de cette dernière. 1968 consommera celui-ci
3) De 1978 à 1992 : par suivisme avec le PCF la CGT abandonne le soutien du
programme commun mais cette relative dépendance commence à créer des remous qui
s’ accélèrent avec l’Afghanistan, le coup d’Etat en Pologne, le licenciement
des animatrices du journal Antoinette…L’hémorragie de militants est sérieuse..
Un virage s’amorce avec L.VIANNET à la tête de la confédération.
4)
De 1992 à aujourd'hui.
L’actuel secrétaire général B.THIBAULT confirme
un rajeunissement et une évolution de la centrale.
L’auteur
perçoit quatre défis pour la CGT :
1)
la distorsion entre son implantation et
les nouveaux secteurs économiques en développement : le tiers de ses
adhérents sont dans quatre fédérations cheminots, énergie, postes et
télécommunications, et salariés de l’Etat alors que ces 4 secteurs ne pèsent
que 5% de la population active ; grande faiblesse dans le secteur
privé ; « concentration » dans des secteurs économiques en
décroissance ; quasi-absence dans les secteurs des services en peine
croissance ; « domination » des
fonctionnaires et statutaires.
2) Le défi de son organisation : Mal organisée ; « le financement des
structures repose sur le bon vouloir des syndicats » : beaucoup
de syndicats ne cotisent ni à la fédération, ni à l’union départementale.
Extrême décentralisation, à l’inverse de la CFDT.
Le ciment commun des valeurs (luttes, sentiment de classe, solidarité..)
était fédérée par « une structuration idéologique produite par la
commune appartenance de ses militants au parti communiste…pilotée directement
de l’extérieur par le PC. La
CGT était une partie dans le tout du PCF que ce dernier
articulait et dominait : le syndicat, le parti, les municipalités ouvrières,
les nombreuses associations « qui composaient l’écosystème
communiste »[1]. [2].
L’affaissement du PC oblige la CGT
à se réorganiser. Mais elle reste arc-boutée sur une organisation datant de
plus d’un siècle. L’auteur souligne que « le maintien des baronnies et
des duchés dans des frontières professionnelles en partie dépassées relève d’un
conservatisme mortifère [3]».
3) La gestion de ses alliances : la CGT
s’inscrit depuis 10 ans dans une stratégie de « syndicalisme
rassemblé », stratégie unitaire de long terme. La sortie de crise ne sera
possible qu’avec l’ensemble des syndicats. Mais la CFDT semblait à l’inverse
pouvoir sortir seule de la crise syndicale. L’Union syndicale du groupe des dix
à dominante protestataire et du secteur public, la FSU et le tête-à-tête avec FO
ne sont pas stratégiquement au cœur de son axe unitaire. L’approche avec la CFDT semble pour l’auteur la
démarche unitaire la plus porteuse de sens. D’autant que cette centrale est
bien présente dans le secteur privé.
4) La stratégie et le projet syndical : le syndicalisme de masse et de classe a disparu de
la centrale. Défini par B.FRACHON en 1936 ce concept syndical distinguait le
rôle du syndicat : organiser sur une base très large les travailleurs et
dans le cadre des luttes « élever » ceux-ci à la prise de
conscience d’une opposition indépassable
entre eux et le capital. Le parti était le fédérateur des stratégies, des
alliances et le syndicat la courroie de transmission du parti (IIIéme
internationale communiste 1920). En France
cette orientation syndicale s’est affrontée à la tendance révolutionnaire de la Charte d’Amiens
(anarcho-syndicalisme)
Mais
depuis les années 1980, « la masse a quitté le syndicat » et « la
classe s’est effacée comme représentation sociopolitique [4]».
Jusqu’où le syndicalisme peut-il aller dans sa capacité à proposer ? Que
le syndicat délègue au politique ou qu’il dénie le politique sont deux
impasses. « Une meilleure
organisation sans stratégie n’a pas de sens, une stratégie sans alliance est
impuissante, un projet pour la société conçu dans un mouvement de fonctionnaire
et de statutaires n’est qu’une chimère »[5]
La CGT est en
difficulté, mais elle bouge sans avoir la maîtrise « du sens du
changement »
4-2
D’une CFDT à l’autre : les déboires de l’hyper réformisme
Jadis
pôle des intellectuels elle a un peu perdu de son rayonnement.
Les
premiers symptômes de la crise sont apparus à la fin des années 1970. Mai 68
avait apporté dans ses rangs des sensibilités radicales qui poussaient
l’orientation modérée vers une organisation plus « gauchisante. Le « primat des luttes pour la
transformation sociale lui convenait mieux que « le programme commun de
gouvernement. La CFDT a favorisé
l’élargissement du PS autour de M.ROCARD et du concept de « deuxième gauche »
au sein du parti de Mitterrand. Cette période courte a été un échec. Et la
centrale a la conviction que la crise de
1973 est là pour longtemps et que
l’organisation « surévalue la solution politique »[6].
La CFDT a opéré son évolution en trois phases :
- 1977-1980 élaboration de la stratégie
dite du recentrage re-syndicalisation. La CFDT choisit de conduire un axe stratégique de
changement en visant « la négociation avec le patronat, acteur auquel
le syndicalisme est par nature confronté » La négociation peu
valorisée dans les périodes précédentes devient la valeur de référence. Fin de
l’unité d’action avec la CGT
- 1981-1984 mise
en œuvre chaotique de la stratégie de re-syndicalisation. La centrale paya
très cher aux élections de la sécurité sociale son soutien au gouvernement
Mauroy sur le virage de 1983 en passant en 3ème position, derrière la CGT et FO. L’arrivée de la
gauche mitterrandienne (centralisatrice
et étatique) au pouvoir en 1981
a ainsi bloqué la re-syndicalisation de l’action syndicale,
dans le sens du « désengagement politique ».
- Depuis 1985
et après un congrès difficile à Bordeaux la même année, la CFDT poursuit un nouveau
recentrage. « L'adaptation du syndicalisme » : socialisation
des moyens de production, autogestion, planification démocratique sont
abandonnés. Le contractuel est devenu le point absolu de référence, « le
prisme unique de lecture du mouvement de la société. La légitimité à agir n’a
plus été appréciée qu’à l’aune du « négociable ici et maintenant[7].
La CFDT semble s’éloigner
des mobilisations sociales : étudiants en 1986, cheminots la même année,
infirmières, transport de la
Poste en 1988…La même année des militants sont suspendus de
leurs responsabilités aux PTT et dans le secteur de la Santé (entrisme des partis d’extrême
gauche) : ils créeront SUD pour les PTT et le CRC pour ceux de la Santé (Coordonner,
Rassembler, Construire. Enfin, en 1992 la CFDT sous le règne de Nicole NOTAT conquiert les
institutions : l’UNEDIC (bastion de FO depuis 1959) et en 1999 avec JM
SPAETH elle prend la présidence de la CNAM. Elle s’engage seule dans la négociation
avec le CNPF devenu MEDEF. Avec la réforme des retraites, des intermittents du
spectacle, les difficultés de la convention UNEDIC en 2000 la CFDT conduite à présent par
F.CHEREQUE cherche le bon ajustement à sa volonté de resyndicaliser l’action
syndicale.
Trois
défis se posent à la CFDT :
1) Son rayonnement vers l’extérieur et son
fonctionnement interne
Son
repositionnement lui a permis un développement d’adhérents et lui conserve une
bonne image dans l’opinion publique. « Plus que d’autres…la CFDT peut s’appuyer sur une
remontée de son nombre d’adhérents et sur son accroissement de sa présence dans
les entreprises. Une croissance significative de la présence CFDT dans les
entreprises de plus de 50 salariés[8]» Dans
le secteur public elle est plutôt en déclin. Elle représente 25% des voix aux
élections prud’homales de 2002, et 22,1% au niveau des CE.
Par
son organisation interne très centralisée (hégémonie de la Confédération et
chasse aux positions déviantes et illégitimes) elle a perdu de son ouverture à
la société et de sa capacité à influencer celle-ci ; et son débat interne
s’ est dévitalisé : en se privant de son ouverture aux idées et aux pratiques
diverses et à sa capacité à conduire le débat, la CFDT s’est privée de ce qui
avait fait sa force.
2) Son positionnement par rapport à l’Etat et aux
mouvements sociaux.
La CFDT avait l’ambition de rassembler les forces sociales
désireuses d’innovations et de changements à travers « la deuxième gauche »
contre la gauche « conservatrice » et étatique du programme commun.
Elle accompagnait par exemple les mobilisations autour de Solidarnosc en
adhérent à se modèle de mobilisation. A
partir e 1985 la CFDT
s’est un peu coupée de ces typologies de mouvements sociaux en raison de leur
forte demande pour plus d’Etat. L’adaptation du syndicalisme déboucha sur
l’identité CFDT réformiste. Et passer de l’identité autogestionnaire à celle du
réformisme pose d’épineux problèmes de déplacements internes et externes, par
rapport à FO, CFTC et CGC qui sont dans ce type de stratégie sans compter les
organisations qui tout en s’en défendant le pratiquent au quotidien. La
conduite de la négociation a développé sans doute un excès à la négociation en
réduisant l’obtention des résultats : « le contenu des accords
conclus compte moins que le fait de les signer ».
3) La question de ses
alliances : dans sa démarche contractuelle, la CFDT admet un travail avec le
patronat et le gouvernement. Elle semble plus rétive à l’égard de ses
partenaires syndicaux. L’unité semble ne se concevoir que si les autres
syndicats viennent sur ses positions. L’unité syndicale est importante pour la CFDT mais pas stratégique. La
tendance à se positionner en « sauveur » (retraites, sécurité
sociale, intermittents, UNEDIC etc..) signifierait une vieille identité
missionnaire à prétendre représenter « l’intérêt général de toute la
société »
« La CFDT reste une grande organisation… » Et
« rien ne sera possible sans un aménagement raisonnable des relations
entre les deux premières centrales syndicales (La CFDT et la CGT) C’est « le point
de passage obligé d’un lendemain de crise du syndicalisme français »[9]
4-3
La CGT-FO,
l’identité bousculée
Au
début FO incarnait un programme socialisant. L’époque qui s’étendra de 1963 à
1989 avec A.BERGERON produira un syndicalisme pragmatique, proche du gaullisme
réformiste, gestionnaire dans les années de croissance. Avec M.BLONDEL, la
scission de 1948 conforte l’organisation en raison de l’effondrement du mur et
du bloc communiste. Le nouveau secrétaire général durcit le ton pour tenter de
récupérer les forces désemparées de la CGT. Les années de croissance passées, cette
stratégie contestataire justifiait un repositionnement « contre »
dans «une période devenue moins propice à la politique contractuelle »
Fortement implantée dans le secteur public, faible dans le secteur privé,
hostile au réformisme de la CFDT,
la stratégie de M.BLONDEL marquait un tournant radical . En février 2004 JC
MAILLY incarne apparemment la continuité. "Longtemps brocardée par les
intellectuels, FO se méfiait du monde des idées et trouvait un réconfort dans
l’immobilité de sa doctrine" [10]
L’auteur
relève trois défis difficiles pour la centrale :
1) La fragilité de ses assises sociales : FO était la centrale privilégiée des gouvernements
de la Vème
république et la confédération incarnait le pragmatisme de la négociation et
des pratiques contractuelles. Essentiellement développée dans les secteurs
publics et les administrations, son rayonnement restait limité. Le recul
institutionnel est réel : UNEDIC, Assurance maladie. Elle se maintient
dans les caisses de retraites complémentaires et de prévoyance. Dans le
contractuel, qu’elle poursuit, elle est supplantée par l’efficacité de la CFDT. Elle conserve des
appuis importants dans les branches de la métallurgie et du bâtiment. Reste un
« épais mystère » sur la connaissance et l’évolution de ses
effectifs. Ses résultats toutes élections confondues sont mauvais : recul
dans la FP
territoriale (14 % en 2000) ; dans le secteur privé, FO redescend à 12,3 %
dans les années 2000-2001 ; aux prud’homales de 2002 FO recul à 18,3% des
voix .
2)
Son identité mise en
péril par l’avènement d’une CGT post-communiste. La centrale attachée aux libertés individuelles et
collectives trouvait sa raison dans l’anticommunisme. Son ciment interne se
basait sur cette référence et regroupait « des anarchistes, des
trotskistes, …des gaullistes, voire parfois plus à droite et, entre les deux,
toutes les nuances socialisantes, tel est le spectre des opinions présentes
dans FO[11] ».
La disparition du communisme pose à FO un problème identitaire entre le courant trotskiste (marxiste-léniniste),
l’anarcho-syndicalisme et une minorité anarchiste.
3)
Le défi des
nouvelles règles sociales émergentes : la perte de légitimité des accords conclus par des organisations
minoritaires impacte directement FO. L’organisation « paraît un peu
déboussolée dans ce grand chambardement
qui se produit depuis une dizaine d’années dans les soubassements du
syndicalisme français » : pas d’élargissement de sa base sociale,
base trotskiste visible, sur-représentation des fonctionnaires quasi
hégémonique
4-4
Les turbulences du monde autonome
Il
s’agit d’une galaxie essentiellement présente dans les administrations et le
secteur public. Leur encrage et leur
histoire sont celles du syndicalisme des fonctionnaires avec les deux éléments difficiles à dépasser du repli
corporatiste et de l’ouverture interprofessionnelle. Ils sont principalement le
résultat d’éclatements en dehors des confédérations en deux vagues :
-
L’une née en partie des
scissions de la CGT
d’après guerre : syndicat national des cadres hospitaliers, syndicat SGP
de la police, SNPT syndicat national de la police en tenue, et le plus
important avant qu’elle ne disparaisse syndicat de la FEN né de la scission des
enseignants en 1948 avec la CGT,
la FGAF
fédération autonome des fonctionnaires.
-
L’autre plus récente
née de départs (nous l’avons vu dans le paragraphe concernant la CFDT) de la CFDT avec la création de
syndicats SUD. La FSU
issue de la disparition de la FEN
agrégeant quelques syndicats de son côté.
-
Le syndicalisme
autonome a lui aussi généré ses scissions augmentant encore l’éclatement et
l’expansion de la galaxie syndicale autonome.
La
galaxie des autonomes a pour but principal d’obtenir l’agrément de la
représentation. C’est un enjeu clé pour concurrencer les 3
grandes confédérations françaises et aussi obtenir l’accès aux Conseils
Supérieur de la FP
pour défendre la corporation des fonctionnaires. Fruit de l’histoire syndicale
française marquée par des scissions-recompositions, la galaxie des autonomes
cherche à se positionner pour être au centre de la « recomposition
unitaire ». Mais paradoxalement ils ajoutent de la « variété »
aux divisions des confédérations.
Cette
galaxie cherche à s’organiser autour de
deux pôles : l’UNSA (Union nationale des syndicats autonomes) et l’USS
(Union syndicale solidaire)
-
1) L’UNSA : créée par la
FEN qui a tenté dans les années 80-90 un rapprochement du
pôle réformiste et socialisant avec la
CFDT et FO, alors qu’elle fédérait dans son giron des
enseignants de sensibilités communistes et socialistes. Le SGEN lui prenait une
partie du monde enseignant et la
CGT organisait d’anciens ouvriers passés dans le monde
enseignant technique. La FEN,
véritable business de services nombreux et variés arriva à organiser jusqu’à
environ 500.000 adhérents dans sa corporation enseignante. Son corporatisme
étroit et son historique affinité avec les socialistes ajoutés à son échec de
recomposition d’un pôle réformiste FO CFDT FEN pour isoler la CGT l’ont fragilisé en
radicalisant la diversité de ses courants internes.
En décidant d’exclure le SNES (enseignants du
secondaire, tendance communiste) de peur
que celui-ci prenne la tête de la centrale, celui-ci s’est allié avec d’autres
déçus de la FEN
et créèrent la FSU
en 1993. La FSU
dépassa la FEN
aux élections professionnelles qui suivirent sa création. Et cela accéléra la création
par la FEN de
l’UNSA. Déjà en 1981 l’ex FEN avait participé avec d’autres syndicats
autonomes à la création du groupe des dix : le SNUI (autonomes des impôts)
SNJ (autonomes des journalistes), FGSOA (autonomes ouvriers agriculture et
agroalimentaire) De nombreuses crises dont celles du SGP (Syndicat général des
Policiers) et de la FASP
(fédération autonome des syndicats de police) montrent que le syndicalisme
autonome s’inscrit activement dans le mouvement des recompositions. Nous
noterons aussi que l’UNSA alliée à la
CFDT dans un premier temps s’en est éloignée à la suite du
conflit portant sur la réforme des retraites (difficile ajustement entre
corporatisme et ouverture interprofessionnelle, c’est à dire
solidarité… ?) L’UNSA, à la différence de la CFDT, continue
« d’inscrire son syndicalisme dans le champ de la gauche réformiste »[12]. Par
petits paquets issus des « déçus » de FO et un peu de la CFDT (cheminots suite aux
retraites), l’UNSA s’est développée peu à peu jusqu’à approcher la barre
symbolique des 5% aux élections prud’homales de 2002. Mais la perspective très
éloignée de cette reconnaissance a conduit l’UNSA à une tentative de
rapprochement soit avec l’organisation historiquement proche d’elle, la CFDT, soit avec la CGT en fonction des évolutions
réformistes de celle-ci.
-
2) Le Groupe des
dix (G10) : longtemps un
lieu d’échanges passoire de la galaxie autonome, la radicalisation des
syndicats autonomes des impôts et des banques et l’arrivée de SUD-PTT et le CRC
Santé-Sociaux (SUD Santé) au sein de ce G10
en ont changé l’orientation. Le G10 est le produit de sorties de la CFDT depuis 1989 ou
d’éléments de la CGT.
Sud-Rail naît au cours du mouvement social de 1995, puis dans
l’éducation nationale, au ministère de la culture, au Crédit Agricole, chez Michelin,
dans l’Energie…En 1998, tout cela débouche sur la modification du G10 en USS (Union
Syndicale Solidaire) En 2004 cette union regroupe 36 syndicats ou
fédérations, soit selon leurs déclarations 80.000 adhérents. Cette croissance
est essentiellement née des crises internes des grandes confédérations ou du
syndicalisme autonome. Elles ne mordent pas sur un développement de leur
rayonnement dans les couches employés, ouvriers, techniciens, encadrement et
produisent un développement mécanique « sans effort » de ce type
d’organisation. "Le plein" étant atteint….le développement de cette
galaxie risque de s’inverser, au moins de stagner. La majeure partie « des
SUD » vient d’une génération CFDT qui n’a pas supporté l’adaptation de la
grande confédération aux réalités économiques et sociales du présent, aux
déplacements dans tous les domaines qui se sont opérés en 30 ans. Deux dérives
guettent donc ses regroupements autonomes : l’enfermement corporatiste et des
petits groupes « minoritaires et tribunitiens »
Les difficultés clés des autonomes aujourd’hui :
1 USS rencontrera indéniablement des difficultés à gérer
son principe de fonctionnement basé sur la règle du consensus : les débats
peuvent s’en trouver plus riches, mais tant que l’unanimité n’est pas acquise,
la règle consensuelle bloque l’expression commune. Et donc, ce type de
fonctionnement favorise l’enfermement dans la dénonciation
2 La FSU : elle arrive aux limites de sa croissance, en raison
de son corporatisme et des causes de son développement (transvasement entre
organisations). Présente sur les terrains des diverses mobilisations sociales
(1994, 1995, 2003) elle a attiré des déçus des autres organisations. Mais des
rivalités intra-corporatistes parmi les enseignants lui posent quelques difficultés
et l’absence d’histoire confédérale et interprofessionnelle est une limite
majeure à son développement. Elle est aussi interpellée par les jeunes
générations (conflit de 2003) qui posent les problèmes autrement (vision
concrète des jeunes profs sur la crise des banlieues). Enfin son tête-à-tête dans l’USS la gêne.
3 Division supplémentaire suite
à l’éclatement de la FEN : l’UNSA remplaçante de la FEN apparaît comme une sixième
confédération…de fonctionnaires ! Mais la légitimité à ce niveau-là ne se décide
pas dans les Congrès et les bureaux….Ni « ne se construit en quelques
années » !
4-5
La CFTC, la CGE-CGC et quelques
« âmes mortes »
La CFTC est le résultat d’une composante réfractaire au
Congrès créant la CFDT
en 1964. En 1966 elle représentait 2,3 % des voix aux élections des CE et n’est
pas sortie de cette marginalité depuis. Elle revendiquait 130 000 adhérents en 2004. A la fin des années
90 elle passe à 5% aux élections CE et à 9,7 % aux prud’homales de 2002. Dans la FP elle décroît (3,3% des
électeurs en 2003). Le développement de la centrale semble, y compris en son
sein, présenter peu de perspectives…Les représentants de la CFTC sont des modérés,
réticents à la grève mais se situent en phase avec le mouvement général de
sécularisation de la société.
La CFE-
CGC est née en
1944 en regroupant des associations de cadres. Elle a obtenu sa place en
participant activement à la mise en place de la sécurité sociale des salariés.
Son « idéologie » se référait à
une position ajustée entre capitalisme sauvage et socialisme oppressif.
Les cadres seraient les arbitres de cet équilibre…Mais l’évolution du salariat
a conduit les cadres à se situer comme
partie intégrante du salariat. Les cadres s’intégrant de plus en plus dans les
grandes confédérations. « La
CFE-CGC semble avoir bel et bien parcouru son cycle
historique [13]»
Ces
deux organisations sont l’objet d’attaques croissantes quant à leur
représentativité par l’UNSA. Leur rapprochement pourrait s’opérer : « mais
le rapprochement de deux malades n’a jamais fait un homme bien-portant ».
Le
syndicalisme indépendant :
notons aussi qu’en 2002 la CSL
s’est dissoute. Son origine vient en 1901 d’un regroupement des syndicats des
Bourses du travail dits indépendants et d’une scission de ce regroupement en
1902 qui créa « la
Fédération nationale des jaunes[14] de France ». Il y eut plus tard la CFT en 1975 (confédération
française du travail), puis la
CSL. « La
CSL ne peut pas être totalement assimilée au syndicalisme
d’extrême droite, dans la mesure où cette famille a vécu dans une certaine
hostilité au Front National. En revanche, elle a à voir avec le syndicalisme
jaune des origines, antigrève et antirouge. Le problème de la CSL, qui lui a sans doute
coûté la vie, est que le patronat qui utilisait volontiers ses services, a en
partie disparu…Le développement du management et de la communication
d’entreprise a rendu superflu l’entretien de chien de garde dont le patrona,,
peu reconnaissant, s’est lentement débarrassé. La CSL a été la première victime
des relations sociales [15]»
Chapitre 5 : Syndicats et représentations (pages 259 à 304)
Le
concept de représentation devient au siècle des Lumières une réflexion sur les
modes de gouvernement : « elle est au centre des débats sur la
forme du régime politique lors des révolutions américaine et française
puisqu’elle s’intéresse aux médiations par lesquelles le citoyen participe au
corps politique »[16]
En
France la loi Le Chapellier en 1791
interdit les regroupements pendant un siècle pour la défense des intérêts
collectifs (ce qui n’a pas empêché
les acteurs de s’organiser
collectivement « en coulisse » cf : la mise en place des caisses
mutuelles ouvrières de secours au XIXème siècle). Avec la reconnaissance des
syndicats en 1884 va émerger, très lentement en France, «une nouvelle forme de participation à la
vie sociale et politique »
La
place institutionnelle généralisée que le syndicalisme occupe dans l’espace
public conduit à « interroger les fondements et la légitimité de la
représentation qu’il assure » Nous conviendrons de positionner cette
première définition de la représentation dans le champ premier des
sciences : représentation = objet, but premier, rationnel du syndicat «celui
qui est chargé de représenter un groupe et de défendre ses intérêts »[17]. Seconde
modalité de la « représentation syndicale », nommée
« cognitive » par l’auteur, et que nous traduirons comme la
représentation mentale individuelle et collective des salariés produite d’une
part par leur culture et leur identité[18] dans
les conditions de salariat qui sont concrètement les leurs aujourd’hui et
d’autre part les liens qui peuvent se construire entre l’histoire syndicale
française, la réalité présente du salariat et la possibilité de se projeter
dans l’avenir.
Les
syndicats exercent par leurs actions revendicatives une influence et une
pression sur les décideurs politiques et économiques, sur l’opinion et en même
temps ils donnent aux salariés une représentation mentale[19], à
la fois personnelle (sens plus large qu’individuelle) et collective de leurs
situations dans les rapports sociaux tant dans que hors leur cadre de travail.
Telles sont les points que ce chapitre traite.
5-1
La représentation entre autonomie et intégration
Autonomie du syndicat est comprise dans ce paragraphe comme
la capacité des syndicats à exercer leur influence sur la base de leur capacité
d’organisation, de rassemblement, de mobilisation des groupes de salariés dont
ils défendent les intérêts.
Intégration
est définie par l’auteur comme le résultat de l’institutionnalisation des
syndicats «dans une multitude de lieux et d’institutions »[20]
Il existe toujours des « communautés » de métiers,
mais la construction des identités
professionnelles est toujours aussi difficile et, à l’image de la société actuelle, de plus en plus complexe
(taille des collectifs à représenter de plus en plus grande, hétérogénéité des
individus en âges, culture, positions dans le travail, vision du monde,
croyances, aspirations etc.) Ce qui conduit J.Marie PERNOT à l’observation
suivante : « Faire de cet ensemble disparate un groupe aux
fins de le représenter n’est pas une opération anodine…elle n’est pas là toute
prête au moment où le syndicat apparaît. Pour représenter un groupe il faut
donc que le groupe se représente à lui-même, que ceux qui le constituent aient
conscience d’un intérêt commun, de quelques bonnes raisons d’être et d’agir
ensemble.
Autour de ces deux éléments constitutifs de la
représentation syndicale, J. Marie PERNOT montre comment elle va se construire
concrètement. Quatre modalités la caractérisent :
1 La
revendication : élément complexe, fruit de mise en œuvre des
ressources de chaque syndicat : histoire, différentes lectures des besoins
des salariés, éléments « idéologiques ». Il va falloir construire une
unité, processus d’accord. Les « va et vient » pour ajuster cette
élaboration sera en rapport avec les liens du syndicat avec ses ressources,
fortes : les élus (DP, DS, élus CHSCT, CE) véritables palpeurs des vécus
et ses adhérents (plus nombreux seront-ils, plus l’ajustement sera proche du
vécu) : «L’établissement des revendications est donc un moment très
important et assez compliqué de construction de la représentation »[21]
2 La
production des soutiens : toute la panoplie de la mobilisation.
3 Les
négociations : son intensité varie proportionnellement à la
préparation des phases précédentes.
4 Les
résultats : vont clore le cycle de la pratique syndicale : « l’adéquation
du résultat aux revendications est une dimension d’appréciation de la
légitimité du processus »[22]
L’auteur prend soin de souligner que son schéma est
« une image d’Epinal » et que dans la réalité, cela fonctionne avec
beaucoup plus de complexité (stratégies des directions, des autres acteurs, de
l’environnement de l’entreprise politique, associatif… etc.) Mais, pour l’étude
qui nous intéresse, celui-ci aide à la réflexion. Il souligne que chaque phase
conditionne les suivantes, les deux premières répondant plus de l’autonomie
dont nous avons parlé et les deux suivantes de l’intégration. Il montre aussi
quand et comment survient « le dérèglement de la représentation ». Et
c’est bien un des points principaux que notre réflexion Condorciste voudrait
éclairer.
Il applique donc son concept schématique et théorique à
chaque organisation syndicale pour laisser apparaître les points de
dérèglement :
-
La CGT : a longtemps accordé le
primat aux deux premiers éléments. La crise de mutation a précipité la perte de
son « savoir » dans ce domaine et malgré son souci de donner toute sa
place à la négociation elle reste en mal sur ce point.
-
La CFDT : avait bien réussi à tenir
tous les éléments dans les années 60. Sa période de radicalisation (fin des
années 60 et début 1970) insistait sur les luttes, moteur de la transformation
sociale à la suite de laquelle ses recentrages successifs (le premier la
négociation, le second éloignement de l’action) lui ont fait perdre un relatif
ajustement. Lui restent à présent les 2 seconds éléments du schéma.
-
FO :
depuis la fin des années 80 se situe plutôt dans les éléments 2 et 3. Mais semble avoir abandonné le terrain des
résultats.
-
Les
2 autres syndicats représentatifs CGC et
CFTC minoritaires par rapport aux trois confédérations principales sont plutôt
sur l’axe « négociations et résultats », alors que les autonomes
(SUD, FSU) se fixent sur les éléments revendications et production de soutiens.
Le schéma est « opérationnel » à démontrer
plusieurs points :
1 - le pluralisme syndical a
un côté positif : un seul syndicat ne représente pas un groupe
unifié de salariés, donc la pluralité va représenter un plus grand nombre de
salariés et à partir de là « la qualité des relations entre les
syndicats compte plus que leur nombre. Le syndicat unique n’est pas la
traduction la plus efficace de la question clé d’une unification de la représentation
des travailleurs »[23]
2 – aucun syndicat ne maîtrise
le processus d’ensemble : « il y a spécialisation sur les segments »
3 – En Europe ce schéma se
retrouve dans nombre de nos pays voisins avec des difficultés proches
de la situation française, dans des systèmes d’organisation différents :
des enquêtes ont montré qu’en Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, France la
légitimité syndicale se fonde sur le même principe clé : non pas d’abord « leur
participation aux institutions qui sont différentes d’un pays à un l’autre,
mais des rapports qu’ils nouent au quotidien avec ceux (et celles) qu’ils ont
vocation à représenter »[24] .
Des difficultés réelles se sont présentées pour la plupart des syndicats
européens affrontés à perdre certains points de protections acquises. Tous sont
affrontés à la problématique : « Jusqu'où faut-il aller et où
se situe le compromis trop déséquilibré qui peut remettre en cause le rapport
de représentation ? [25]»
Exemple de la fédération IG-Métall qui a soutenu la grève des ouvriers de
SIEMENS à BOCHUM en 2004 (rallongement de la durée du travail et baisse des
salaires) dans le seul but de son souci représentatif, alors que cette action
avec ses revendications allaient à l’inverse de sa stratégie depuis des années.
Jusqu’aux années de crise, le schéma décrit théoriquement a
fonctionné. Les restructurations industrielles et les mutations ont fait
éclater celui-ci, très gravement dans le secteur privé. La crise du
militantisme a achevé de « dissoudre des pratiques élémentaires ». Le
secteur public, majoritairement protégé des flexibilités par le statut d’emploi
n’a pas perdu des bastions d’adhérents et de militants comme ce fût le cas dans
le secteur privé.
Ce long, parce que le plus important, paragraphe du chapitre
s’achève sur des remarques qui soulignent combien la légitimité syndicale est
ancrée principalement par les salariés sur le terrain : «C.DUFOUR et
A.HEGE ont montré que les tâches représentatives quotidiennes supposaient pour
les représentants de se tenir à une certaine distance du groupe dont ils
portent la parole (…) mais pas trop, car
elle doit préserver un rapport de connivence avec les « représentés (…)
L’institutionnalisation du syndicalisme, c’est cela, non pas le fait d’être là
où se discutent les intérêts des salariés, mais d’y être dépourvu de ce lien
représentatif qui donne sens et force à la présence »[26]
C’est à dire : que le délégué, DS, DP, CHSCT, CE soit celui qui reste « un des
leurs » afin qu’ils puissent « se
reconnaître ou se projeter dans l’image du représentant (…) faire partie du
« nous » construit par la fonction d’autonomie »[27]
5-2
Représentations et idéologies
Le
mouvement des retraites en 2003
a particulièrement démontré la coupure entre les
salariés du secteur privé et ceux du secteur public. Les premiers ont été
« hors le jeu » social en question…. Ce qui montre que le processus
d’articulation décrit dans le paragraphe précédent est
« désintégré », ne s’articule plus dans ses phases indissociables. La
lecture macro et micro-sociale que ce concept permet d’appliquer à la
représentation, ne suffit pas à « expliquer comment l’on passe d’un
niveau à un autre, comment le syndicalisme parvient à agréger les unités
élémentaires de la représentation pour produire un acteur global [28]»
Cette lecture complémentaire, transverse aux phases du
processus précédemment décrit répond des « idées, d’images ou d’affects
qui flottent dans la conscience des individus et qui sont produits par des
acteurs collectifs de la vie sociale, politique, culturelle »[29] L’auteur
souligne la fonction des représentations mentales et aborde donc l’idéologie
comme un facteur complémentaire de la représentation syndicale première dans
l’entreprise - qui aujourd’hui se passe du syndicat à proprement parler avec
des CE de non-syndiqués en grand nombre. En rappelant les travaux de
D.SEGRESTIN des trois idéaux-types de communautés pertinentes de l’action
collective pour réussir une mobilisation : communautés professionnelles,
de groupes, de territoires, nous percevons que « le syndicat est ce qui
est et ce qui n’est pas dans l’entreprise » Nous pouvons conclure avec
l’auteur que l’idéologie, comprise non pas comme système d’explication
théorique intangible de la réalité (« un écran de fumée »)
joue aussi un rôle qui aujourd’hui pèse aussi sur sa légitimité. Cette dernière
« est une représentation des salariés (au sens concret sur le terrain
ndlr) et, en même temps, il produit des représentations qui créent des repères,
stimule des valeurs qui influencent, voire orientent la conduite des
individus ».[30]
5-3 La représentativité contre la représentation
En analysant sommairement les profondes modifications de la
structure du travail entre le présent et l’ère industrielle nous retiendrons la
référence entre autres aux travaux de G.FRIEDMANN : au-delà de la défense
de ses intérêts, le syndicat représente aussi pour l’ouvrier une boussole,
« un lien humain sans lequel il serait perdu dans la jungle
industrielle »[31].
A présent les nouvelles méthodes de management et de communications en rapport
avec les évolutions technologiques et structurelles du travail (tâches
individualisées, objectifs par service etc.) ont « détrôné le rôle dans
le travail de l’identification dans le travail du syndicat »
Mais JM PERNOT souligne que c’est l’Etat qui a porté le coup
le plus radical contre la représentation syndicale. Il démontre que le système
de représentation syndicale n’a guère changé depuis l’après guerre (loi sur les
conventions collectives, les DP, les CE) et s’est construit sur les rapports de
forces de la
Libération. Le système de la proportionnelle aux élections
conduit à la compétition entre les organisations dans des élections assez
fréquentes en définitive. Il faut donc marquer sa différence ; et cela
prend beaucoup d’énergie en lieu et place d’une réflexion collective. La
division syndicale est donc renforcée par le système de représentation.
Historiquement la
CGT majoritaire lorsqu’elle était encore majoritaire dans les
industries n’était pas beaucoup disposée au jeu contractuel. Pour éviter les
blocages, la règle majoritaire a donc dû être contournée. Des syndicats non
majoritaires ont donc pu participer à la production contractuelle. Et le décret
Parodi de 1945 a
retenu cinq critères de représentation : des effectifs suffisants,
l’indépendance par rapport aux employeurs, financement par les adhérents,
l’expérience et l’ancienneté, l’attitude patriotique pendant l’Occupation. La CGT, la CFDT, FO, la CGC et la CFTC sont les 5
confédérations reconnues aujourd’hui représentatives. Tant que les fruits de la
croissance étaient à négocier, ce système a fonctionné cahin caha entre l’Etat,
les Employeurs et les Syndicats. Mais les tensions se sont développées lorsque
dans les années 80 sont apparues les négociations sur la base d’accords
« donnant-donnant ». Les revendications syndicales devaient aussi
pour aboutir intégrer celles des employeurs pour déboucher sur un compromis.
Donc, « qui signe pour les salariés ? Qui est assez légitime pour
renoncer en leur nom, à des acquis existants ? ».[32]
Après plusieurs aléas, les conditions de la négociation se précisent et la loi
Fillon tend à ruser avec le principe majoritaire en s’appuyant sur une
coalition des syndicats sans tenir compte de la représentativité cumulée des
signataires. L’auteur parle d’une usine à gaz pour contourner le principe
majoritaire qui ne résout pas la question.
Le fond du problème est que les salariés ne se sentent pas
impliqués dans le processus de négociation collective. Et de souligner que « responsabiliser
les syndicats et reconstruire le lien représentatif » ne sera efficace
que si les « représentés », c’est à dire les salariés concernés sont
concrètement impliqués dans le processus. Donc un processus de négociation
articulée avec eux autrement qu’aux seules échéances des élections DP, CE et
CAP.
Vu la faiblesse de toutes les centrales syndicales, le
système de contournement de la représentation n’est plus adapté. Il met les
syndicats en situation de « guerre froide » permanente, permet aux
syndicats radicalistes de justifier « la pratique toujours risquée de
la signature d’accords » C’est « l’ensemble du bloc
juridique » qu’il faut nécessairement revoir.
L’auteur démontre combien le système est à la dérive :
avantages juridiques et financiers qui deviennent la légitimité de référence :
« s’est développée une étonnante représentation sociale, une scène
officielle, où évoluent des syndicats sans syndiqués, rendue possible par la
déconnexion opérée entre les ressources provenant des cotisations et la vie des
organisations »[33] .
En conclusion du chapitre, la représentation a été en
définitive « absorbée par l’Etat ». Le syndicalisme est devenu un
outil secondaire utilisé, « fabriqué » dit avec justesse l’auteur,
par l’Etat (et les forces politiques
ndlr) aux propres fins stratégiques de celui-ci. L’exemple de la gestion de la
sécurité sociale montre le recul du paritarisme et a même signé sa fin avec le
plan Juppé en 1995. Il y a inversion du rôle et de la fonction. L’Etat, en plus
des règles de la représentativité, a aussi fixé ces 20 dernières années les
règles internes à l’entreprise : obligations de négocier annuellement, sur
les salaires, la RTT
et son aménagement, l’épargne salariale etc…Tous ces thèmes imposés par l’Etat
ont engorgé les agendas des représentants au détriment du travail
« d’autonomie de la représentation »[34]. En
soulignant que l’analyse de cette « étatisation » imposée du rôle des
syndicats est un peu forcée, elle veut en cela exposer une approche critique d’une
réalité qui conduit à montrer tous les volets complexes de la crise syndicale
présente. En ce sens, « forcer le trait » sur le poids de l’Etat dans
l’accélération de la crise syndicale lève le voile. La main invisible de l’Etat
est trop peu en compte dans les analyses diverses des médias, des sociologues
etc.
Pour rendre justice en partie à l’Etat celui-ci apporte une
relative survie au syndicalisme « anémié » en adhérents, en
l’intégrant à sa propre stratégie. Ce dernier pour survivre, sans lendemains
certains pour autant « a sans s’en rendre compte, abandonné un peu son
« âme », si l’on peut ainsi nommer le rapport de représentation qui,
normalement, l’habite ».[35]
Chapitre 6 : Conclusion (pages 314 à 323)
Après
avoir souligné les parties les plus difficiles du paysage syndical français
dans tout le développement de l’étude, la conclusion met l’accent en trois
parties sur ce qu’il convient de retenir des forces qui peuvent lui permettre
de retrouver sa pleine légitimité représentative
« L’actualité
(et l’action contre le CPE de ce printemps qui a suivi la sortie de cette
étude de l’IRES le confirme ndlr)
fournit son lot de conflits ou de négociations dans lesquels les syndicats
montrent leur utilité. Les implantations ont cessé de se tarir, la
participation électorale lors des consultations de proximité est à peu près
stable. La CFDT,
après la passe difficile de 2003, pourrait retrouver peu à peu un courant
favorable de syndicalisation et si la
CGT ne décolle pas, comme le regrette son secrétaire général,
elle a cessé depuis plusieurs années de reculer et progresse faiblement parmi
les actifs » [36].
L’étude
ne manque pas de souligner combien s’arque bouter sur la crise de la
représentation syndicale comporte un biais qui cacherait le tout. Celle-ci «….produit
un éclairage sur le pays tout entier, sa crise en reflète d’autres : la
désaffiliation sociale et politique de larges fractions des couches populaires,
l’étirement des inégalités, la légitimité déclinante du système politique (au
moins au niveau central)…L’avenir du syndicalisme n’est pas dissociable des
évolutions d’autres acteurs sociaux[37]
et politiques, de l’évolution des idées en France et ailleurs »[38].
Et pour prendre tout le recul possible
dans le regard conclusif de notre étude du Cercle Condorcet de Bourg-en-Bresse,
ajoutant le concept sociologique sur l’interaction des cadres particuliers et
du cadre général que nous lègue E.DURKHEIM : «C’est un état du groupe
qui se répète chez les individus parce qu’il s’impose à eux. Il est dans chaque
partie parce qu’il est dans le tout, loin qu’il soit dans le tout parce qu’il
est dans les parties »[39]
Ce qui souligne dans le cas du paysage syndical français
que certains éléments de sa crise lui appartiennent mais que d’autres éléments
sont en rapport avec le cadre général de la société actuelle et
particulièrement la crise de la
représentation politique dont, nous l’avons vu, le centralisme étatique
français a été particulièrement dévastateur pour ce qui concerne les syndicats
français.
6-1
Développer l’adhésion ?
Le
mode de financement des organisations syndicales est depuis une trentaine
d’années un sujet fréquent des discussions. L’auteur questionne : pourquoi
financer un outil de régulation syndical (au mode de financement actuellement
sous assistance respiratoire) alors que les salariés, premiers intéressés par
son existence le délaissent ? Certains syndicalistes de toutes
organisations considèrent leur action comme une œuvre « de service public délégué » et
que la société doit donc contribuer à son existence (financière et
institutionnelle) en dépit des salariés qui délaisse cette implication
d’adhésion financière et active. A juste titre l’auteur montre que la mise en
oeuvre de cette idée serait très lourde de conséquences : « cette fonction sociale ne s’inscrit(rait) pas dès lors dans un
rapport de représentation des salariés mais dans une délégation de service
public concédé par l’Etat »[40].
La
synthèse que nous présentons de J.Marie
PERNOT a déjà montré les effets dévastateurs de trop d’Etat en France dans la
crise syndicale. Une telle évolution, qu’elle vienne du financement de l’Etat
ou/et des entreprises sonnerait le glas de l’autonomie, déjà très à mal, des
syndicats en France.
Dans
cette synthèse, comme dans l’étude de J.Marie PERNOT nous considérons comme un
postulat la place incontournable et centrale des adhérents (principe d’un
syndicalisme d’adhérents), vivier sur lequel se fonde toute la
« production » syndicale, et pour enfoncer le clou, que celui-ci est « souvent aux yeux de
l’employeur, la forme la plus effective de la représentativité du syndicat, le
signe de sa capacité en « puissance » »[41]
Pourquoi
adhérer à un syndicat est une question qui trop souvent trouve des réponses
dans les éléments matériels, comparativement à d’autres formes
institutionnelles dans les pays développés (application des accords aux seuls
syndiqués, services à l’adhérent etc.…) Or, les enquêtes montrent qu’en France
l’adhésion aux méthodes, aux idées est au moins aussi importante que les
aspects « gains individuels » Sur ce point l’essai d’A.HIRSCHMAN « Bonheur
privé, action publique »[42]
confirme ces enquêtes : au-delà des intérêts individuels, il y a un
degré d’implication qui imprime aussi sa marque dans la dynamique humaine, qui
propose en quelque sorte à chaque homme
la possibilité d’apporter librement et volontairement
sa pierre à l’édifice de la marche de
l’humanité : « Autant qu’un acte défensif, l’implication dans la
vie syndicale repose aussi (et peut-être d’abord) sur une vision positive de
l’avenir, elle est reliée par quelque fil à l’idée de progrès social promis
pour peu qu’on s’en occupe. A cet égard la CFDT n’a pas tort de relever que les discours
catastrophistes tenus en permanence au sein même du mouvement syndical
entretiennent le sentiment de son impuissance et écartent plus qu’ils
n’attirent. La pratique syndicale à la base est un des enjeux majeurs de
reconstruction du syndicalisme. C’est là que peuvent prendre corps deux idées
(et des pratiques de terrain – non pas « basistes », mais fondées
sur la raison syndicale - en partie
perdue ces 25 dernières années ndlr) importantes : d’une part la
confiance dans les possibilités de l’action collective, d’autre part la
conviction qu’un futur meilleur peut surgir d’un engagement d’aujourd’hui »[43].
Jean
Marie PERNOT trace les actions engagées et relève que toutes les organisations
syndicales tentent de relever ce défi de retrouver la dynamique des
adhésions : la CGT
depuis son Congrès de 2003 notamment, la CFDT a relancé depuis 2005
ses développeurs « dans une démarche ancienne de sa part et
professionnelle, FO de son côté parle de syndicalisation et dans le rang des
autonomes la même volonté s’exprime. La
CGT affiche clairement des orientations qui articulent plus
efficacement "propositions-mobilisation-négociations". Mais cette
dynamique ne sera guère possible sans un changement au sein des syndicats. La
démographie du « baby-papy-boum » va marquer sensiblement les
syndicats. Selon les enquêtes commandées sur cette problématique, les jeunes
ont une « image » des syndicats meilleure que les autres générations
mais paradoxe, une implication bien moindre ! Si les statuts d’emplois
jouent en partie sur ce « retrait actuel », la culture de
l’organisation syndicale est une raison sûrement aussi forte. Les femmes
également restent en dehors du champ syndical. Or leur syndicalisation est une
des voies incontournables pour élargir
le champ des adhésions aux syndicats. L’adaptation de ces derniers est donc
inéluctable : simplification de l’organisation, des codes du langage, assouplissement des parcours internes,
hiérarchies internes et rapport au pouvoir etc.
6-2
L’individualisation, la segmentation, contre la syndicalisation ?
La
montée de l’individualisme sape-t-elle les bases de l’action
collective ? L’étude montre que loin de là, les mobilisations depuis quelques années montrent plutôt
l’inverse, notamment au niveau des jeunes. L’individualisme (et sans doute
aussi la montée des niveaux de connaissance) montre plutôt les exigences
compréhensives, participatives et d’efficacité que recherche les jeunes :
« la société moderne et complexe conserve et renforce les liens entre
les individus et les groupes. Que les premiers aient davantage le souci de soi
et les moyens de se construire un destin personnel n’est nullement
contradictoire avec l’action collective »[44]…..
Alors
où est le risque majeur qui nous guette ? « Moins dans cette
élévation des aspirations individuelles que dans la soumission de masse aux
canons de la pensée « hyper-moderne », encouragée par la
crétinisation tendancielle des grands médias »[45]
Jean
Marie PERNOT tord aussi le cou à des raccourcis simplistes concernant l’impact
de la fragmentation des statuts entre salariés qui constituerait une entrave à
l’action syndicale : « la
CGT du début du Xxème siècle qui regroupait des typographes,
des instituteurs et des garçons coiffeurs n’avaient pas moins de difficultés à
assurer la communauté d’intérêts que celle d’aujourd’hui (.) L’organisation par
métiers ou toute forme communautaire n’était pas seulement un principe
identitaire opposé à l ‘employeur, elle visait à distinguer des autres
communautés et des autres métiers. Les bases sociales du syndicalisme ont
toujours été d’une grande diversité et l’effort pour les rassembler est un
processus toujours difficile »[46].
6-3
Trois conditions pour réussir le changement des syndicats, plus une
transversale
Trois
défis sont à relever par les syndicats français pour dépasser sa situation
actuelle :
1
La
disparition-recomposition du travailleur collectif
2
L’internationalisation,
en partie liée au premier point.
3
Les projets et
valeurs sous-jacentes à un syndicalisme pensé au niveau européen et
international.
4
Une condition
transversale aux 3 précédentes : un changement radical dans les relations
intersyndicales.
« Près
de la moitié des entreprises de plus de 500 salariés externalisent leur informatique»[47].
Filialisations, sous-traitances,
externalisation de la « recherche-développement », des
« RH ». La conséquence pour les syndicats de ces formes nouvelles
d’organisation est une profonde modification de ce sur quoi s’appuyait leur
développement et leur action au quotidien, le collectif de travail :
« L’évolution en cours impose une révolution dans les modes
d’organisation du syndicalisme plus importante encore que le passage du métier
à l’industrie au début du XXème siècle. Qu ‘ y a-t-il à défendre en
commun, dans ce mot (et cette réalité) qu’est la mode de travail en
réseau ? Les vieilles questions du rassemblement et de l’agir ensemble
demeurent, elles doivent être repensées parce que les salariés se trouvent dans
des organisations d’entreprises mêlant : une dépendance de plusieurs
entreprises différentes – services et industrie - sur plusieurs pays ou
continents, des cultures différentes, des statuts différents – stables et
précaires - etc… Le partage des terrains
n’est plus possible car tous les terrains s’entremêlent et c’est de sa capacité
à les combiner que le syndicalisme peut regagner visibilité et efficacité. Le
recours à l’intervention étatique n’est plus suffisant à l’heure de la diversification
de l’intervention publique (de l’Europe aux régions), de la pluralité
croissante des instances de régulation (les sources du droit, les autorités de
régulation) et du primat des règles de la concurrence. L’appel au resserrement
du syndicalisme international est une banalité à laquelle il est difficile
d’échapper »[48].
L’étude
souligne une étape positive en ce sens en 2004 lors du Congrès de la CISL (Confédération
Internationale des Syndicats Libres) qui a entériné une démarche d’unification
des syndicats à l’échelle mondiale.
Dans
ce paysage d’organisation urgent au niveau international Jean Marie PERNOT
montre que le syndicalisme français ne souffre d’aucun retard, voire que son
déficit de dialogue social historique sur le plan national l’ouvre même
davantage, car il n’a pas d’accords nationaux particulièrement avantageux à
mettre dans la balance. La CFDT
a toujours été en avance et mobilisée dans son
orientation stratégique sur la visée d’êtres organisés au niveau
international. La CGT,
bien qu’entrée plus tard dans cette dynamique, a pu entrer dans la CES en 1999. Seule FO semble
en retard sur ce point au niveau
confédéral, car certaines de ses fédérations sont bien engagées dans les
organisations de branches de la
CES.
Pour
avancer dans cette dynamique, le frein le plus important des syndicats
français, y compris vu par Bruxelles et
les partenaires syndicaux des autres pays, reste leur repli dans leurs
tranchées, …« la méconnaissance que les organisations cultivent entre
elles ». Mais cela évolue, notamment à travers les travaux de branches
au niveau de l’Europe et de la
CES. Par exemple, dans le secteur de la communication, les
acteurs syndicaux français de la
CFDT, de la CGT
et de FO se rencontrent régulièrement, travaillent ensemble au sein de l’UNI
qui est la structure professionnelle de ce secteur au sein de la CES.
Changer
les règles sociales pour passer des jeux de divisions actuels des syndicats
français au rassemblement suppose qu’il y ait accord dans cette visée des
organisations.
L’excès
de confiance dans la loi et le rôle égalisateur de l’Etat en France ne se
retrouve pas ailleurs, là où l’Etat a moins de place prépondérante et aussi
dans les pays qui ont été affrontés au fascisme. Le prestige exagéré de l’Etat
en France qui limite d’autant le déploiement, le développement de plus
d’acteurs engagés dans la construction de la « production » syndicale
se trouve renforcé par la « cacophonie du champ syndical français.
Les
différences sont le fruit de l’histoire, des idées,, d’une vision du monde qui
reste positive entre les organisations. Jean Marie PERNOT souligne d’ailleurs
que nous les retrouvons ailleurs dans d’autres pays. Sans les nier totalement,
il s’agit de les dépasser avec le sens de la raison. De la légitimité reconnue des
différences, écrit-il, il est nécessaire de « trouver des formes
d’accords minimums susceptibles de remettre l’arbitrage au sein de la relation
entre syndicats et salariés, et non plus de confier en permanence ce soin à
l’Etat ou aux employeurs. Ce sont eux qui disposent aujourd’hui du pouvoir
d’arbitrer entre les syndicats. La vérification de la représentativité, c’est
l’exercice qui conduit à redonner ce pouvoir d’arbitrage aux salariés [49]».
Entre
les grandes tensions du printemps 2005 sur le refus de la constitution de
certains (pas de la CFDT,
d’une partie de la CGT
et de FO, pour ne citer que les principales confédérations), la mise en cause
du statut des salariés avec le CNE et le feu-CPE, l’histoire sociale n’est pas
pré-déterminée.
L’auteur
de cette étude très fouillée termine en
soulignant que les syndicats n’ont pas tous les leviers pour sortir de leurs
difficultés. Mais ils en possèdent suffisamment pour redevenir, dans un
contexte internationalisé (au sens d’une évolution incontournable du monde et
de l’humanité) « un acteur social
avec lequel il faut compter. C’est une nécessité pour des millions de
travailleurs qui auraient bien besoin d’un outil de défense efficace face aux
forces grandissantes du marché et au pouvoir plus étendu que jamais des
employeurs. C’est une nécessité aussi pour la société tout entière. Le
syndicalisme est l’endroit où se noue à l’échelle la plus large dans les
sociétés modernes un rapport concret entre l’individu et le groupe, entre les
aspirations personnelles et des projets collectifs. Il est un lieu de création
de sens dans une relation à la fois intersubjective et sociale entre les
individus privés, dispersés dans leur vie personnelle et leurs manières de voir
le monde et participant ensemble à une cause
commune : la dignité de la condition salariale.»[50].
Deuxième partie
LES ENTREES PAR LE CONCRET
.
A) REGARDS CROISES SUR DEUX EXPERIENCES DIFFERENTES (Daniel GAUTHERET)
En préambule à ce témoignage, je souligne trois éléments qui caractérisent le cadre général des deux expériences syndicales qui sont succinctement présentées. La responsabilité et les actions syndicales se sont déployées dans le secteur de la grande entreprise. L’organisation du travail s’est profondément modifiée et j’y reviendrai (cf : partie III). L’unique visée des deux expériences présentées était de retisser la présence de syndicalistes sur le terrain. De ces trois éléments, je dégage trois constats afin d’aider à comprendre les expériences syndicales qui vont suivre :
- Premier constat : en France, la rareté des syndicalistes au « travail réel » (terme d’ergonomie) avec les salariés renforce l’hypertrophie institutionnelle des syndicats et fragilise ceux qui restent sur le terrain.
- Deuxième constat : la complexité de la société et le relatif simplisme des mouvements sociaux : difficultés de participer à ceux-ci sur la base d’un syndicalisme de propositions et de négociation alors que le mouvement additionne les mécontentements…à quelles fins ? Politiciennes…?
- Troisième constat : le fort repli « individualiste » sur la corporation affaiblit la dimension interprofessionnelle fondée sur la compréhension socioéconomique et le dépassement des corporatismes étroits : quasi impossibilité de porter des propositions revendicatives réellement solidaires : notamment, la priorité aux plus défavorisés (ex : les retraites en 2003)
I UNE EXPERIENCE NEGATIVE
Plusieurs
points concourraient à générer des tensions. Il y avait les militants qui avec
l’expérience percevaient l’urgence de prioriser l’ancrage sur le terrain de
l’action syndicale : réactiver des équipes de militants qui se réunissent
pour échanger et bien connaître les positions de la CFDT, les comprendre et les
présenter en s’appuyant sur les vécus locaux des salariés. Et il y avait ceux
qui ne juraient que via l’institutionnel avec l’entreprise en déniant le
fonctionnement démocratique du syndicat et le terrain. Les structures syndicales étaient de véritables coquilles vides. Le
mouvement des grèves de 1995 avait bien montré ces deux sensibilités de
pratiques syndicales différentes. Pourtant,
les orientations du Congrès de notre Fédération demandaient un ré-ancrage sur
le terrain :
– Développer un syndicalisme d’adhérents, de proximité, de propositions, de négociations et de mobilisation.
– S’appuyer sur des équipes syndicales organisées en sections syndicales au plus près des réalités vécues.
– Faire connaître les positions CFDT au plus près du terrain pour rendre les salariés « acteurs ».
C’est pourquoi nous avons reconstitué une équipe de militants CFDT en section syndicale. Nous étions confiants. Ce travail s’est mis en place, en informant régulièrement le syndicat départemental – l’un de nous de surcroît était membre du Conseil syndical et faisait le lien -. Nous mettions simplement en pratique les orientations fédérales : réunions 1 fois / mois (équipe 6 à 10 personnes), travail dans les services, écoute sur le terrain, tracts, actions vers la direction locale, explications des propositions CFDT etc. Des effets positifs sur les salariés se sont faits sentir : indicateurs de « reconquête » de la légitimité syndicale.
Mais ce patient travail s’est heurté à l’ignorance voir au déni systématique de la part des structures du syndicat départemental et régional professionnel pendant 2 ans. Malgré le lien de notre collègue présent dans la structure du syndicat départemental et sa patience pour le dialogue, cette structure a refusé de reconnaître le travail de la section syndicale au plus près des réalités. Pourquoi ? Le but n’était pourtant rien d’autre que la mise en œuvre des orientations de notre fédération professionnelle (cf : ci-dessus). Déraison incompréhensible d’une dérive de certaines structures vides…à l’époque. L’essentiel est là. Les entraves abracadabrantesques ont fini par détruire le patient travail de re-création de liens et du collectif syndical au plus près des réalités. Au final : quasi disparition du potentiel de militants et d’adhérents, donc du syndicalisme d’adhérents sur le secteur géographique ; perte de la crédibilité « reconquise » auprès des salariés ; conséquences professionnelles discriminatoires : jeux entre la direction locale et les secrétaires départementaux et régionaux pour marginaliser certains syndicalistes.
II UNE EXPERIENCE POSITIVE
Dans la même entreprise, mais une toute autre entité sur un autre bassin géographique. Nous avons tenté la même re-création syndicale que dans l’expérience précédente. Il y avait une visée cohérente des responsables syndicaux CFDT dans les structures avec les orientations fédérales et confédérales (cf : I) : développer le syndicalisme d’adhérents : cotisation, fonctionnement démocratique, propositions, négociations, salariés acteurs, articulation avec le vécu sur le terrain ; Repartir du b a ba syndical : à travers les liens dans le travail, parler du travail « réel », du syndicat, des positions CFDT, recréer une présence de la culture syndicale ; Articuler l’institutionnel avec le terrain, fondement de la légitimité et des raisons de l’action syndicale ; Organisation dynamique des premières IRP (Instances de Représentation du Personnel)
Les effets positifs ont été démontrés :
– La CFDT est première organisation aux résultats des IRP sur le bassin d’emplois.
– Pendant 2 ans le développement se poursuit lentement mais sûrement.
– Les pratiques CFDT dans les IRP (instances de représentation du personnel) s’appuient sur les « vécus-concrets », articulés avec les positions de l’organisation (pas d’addition de mécontentements)
– Transmission et innovation : avec des acteurs porteurs de mémoire collective qui re-créent du collectif avec de nouveaux acteurs syndicaux CFDT.
– Des compétences spécifiques sont nécessaires et complémentaires pour « transmettre » ce type de pratique syndicale (juridique, prud’homme , économie, organisation, CHS-CT, écoute des salariés, conduite de réunions, expérience syndicale etc.)
III DES ENJEUX POUR LE PRESENT ET L’AVENIR
A
partir des deux expériences qui précèdent, je me risque à exposer quelques
points des enjeux qui me paraissent urgents pour tenter de re-syndicaliser dans
les entreprises. Ce sont mes convictions, sans pour autant qu’elles constituent
une prétention à l’exhaustivité ni à détenir la vérité absolue.
3.1 Prendre au sérieux la réalité de la crise de la représentation
syndicale pour commencer à la dépasser :
Nous savons bien que dans tout groupe, les tensions sont normales mais à condition de mettre à la tête de celles-ci plusieurs personnes capables de les gérer de la « moins mauvaise façon ». Ces deux expériences croisées et différentes montrent que la crise de la représentation comporte des enjeux qui impliquent de désigner des personnes compétentes et responsables (capable de se remettre en cause et de décider en équipe) aux postes stratégiques. Il y a là une responsabilité basique qui est fondamentale.
3.2 Oser engager dès à présent le débat public sur trois points :
1 - Les changements sociaux,
culturels, techniques, scientifiques, économiques, politiques présents sont incommensurables et la mondialité une
réalité « durable ». Certains
scientifiques parlent d’un basculement de civilisation non sans raison. Ces
changements ont conduit, depuis le début des années 80, à une forte implication
des services RH sur les relations sociales dans les organisations du travail
(cf : tous les travaux sur l’enjeu de la subjectivité dans le travail). Ils ont
pris la place sur un segment que maîtrisaient assez bien les syndicats dans le
mode d’organisation antérieur des entreprises, aidés
par ces mêmes évolutions (technologies, restructurations, implication des salariés,
hyper institutionnalisation du syndicalisme etc.) Ne pas tenir compte de ces
faits est suicidaire pour l’action syndicale en France.
2 - Il est également urgent de sortir des idéologisations (systèmes de pensées qui prétendent expliquer la réalité par une théorie dogmatique et sont opposés aux indispensables idées et propositions) toujours très dangereuses parce que irréelles. Comme par le passé, dans la réalité du monde présent caractérisé par une grande complexité, les idéologisations conduiront au chaos. Par exemple, du passé…faisons non pas table rase, mais place à un langage plus ouvert à tous (femmes, immigrés, jeunes) et en phase avec les déplacements de la société. L’histoire a sa place comme mémoire collective. Elle est indispensable à la recomposition du présent et de l’avenir, mais elle ne se rejoue jamais….à l’identique !
3 - Si la
base n’a pas la vérité, les représentants institutionnels non plus.
Reconstruire l’articulation des deux paraît IMPERATIF, en recentrant l’outil
syndical comme :
- une organisation de la régulation sociale contre les excès des marchés, des pouvoirs dans les entreprises, des évolutions où des archaïsmes des processus de production dans l’industrie et les services avec la visée de la justice pour défendre la dignité des salariés, notamment les plus défavorisés. Par exemple, ré-enraciner l’action syndicale en priorité sur le terrain et la dégager des contrôles des partis politiques et des jeux politiciens. Par ailleurs, l’amélioration du fonctionnement démocratique des organisations syndicales en articulant les réalités du terrain (finalité de la légitimité) et les structures (moyen) est incontournable.
- une organisation de médiation sociale dont la visée est de créer des liens sociaux, de favoriser l’intégration personnelle et professionnelle grâce aux identités professionnelles et aux liens coopératifs dans le travail (à réhabiliter), de réguler les relations et le rapport social au travail. Elément parmi d’autres dans la société, il participe à la traduction concrète des valeurs humanistes, des droits de l’Homme, de la fraternité, des solidarités réelles, etc. et à la construction du sens. Il est fondamental qu’il s’appuie sur des adhérents en visant les adhésions en masse des salariés (le secteur privé devient une ultra-urgence sur ce point). Qu’il pratique également l’ouverture culturelle en visant l’émancipation des salariés et non plus les manipulations idéologisées.
B) MON PARCOURS AVEC LA CFDT ( Pierre DUSSAUGE)
1°)
Genèse de mon adhésion à la CFDT
Mon
éducation dans une école privée catholique de 1956 à 1963 avec une insistance
particulière sur la nécessité de l’ engagement dans l’ action catholique, en
particulier l’ ACO action catholique ouvrière, et son prolongement par un
engagement dans un syndicat respectueux des valeurs chrétiennes.
Ma
formation Bac+1 et 2 (1963 à 1965) en théologie dans un grand séminaire
voisin ; c’était la période de l’aggiornamento de l’Eglise catholique avec
Vatican II, son ouverture au monde, et l’incitation à l’engagement pour que le
monde change ; et une vue très positive de la déconfessionnalisation de la CFTC en CFDT (abandon dans le
sigle de l’organisation, de la référence chrétienne trop limitative)
Ma
formation universitaire à Grenoble en sciences-économiques de 1967 à 1971 avec
un enseignement de la macro-économie fortement imprégnée de l’analyse marxiste
remise au goût du jour comme modèle solide d’ explication de l’ économie
(économie « marxiste » opposée à l’économie
« bourgeoise »). Thème de la création de valeur ajoutée fruit du seul
travail ; problème du partage de la plus-value engendrée par le
travail ; nécessité d’une planification ; nécessité de l’appropriation
des moyens de production par les travailleurs ; lutte des classes seule à
même d’apporter l’émancipation des travailleurs ; dénonciation de l’impérialisme
américain dernier avatar du capitalisme en crise etc. Et tout naturellement la
valorisation de l’action syndicale (et politique) plutôt révolutionnaire que
réformiste.
Tout
cela explique mon adhésion (que je qualifie d’idéologique) à la CFDT dès les premiers mois de
mon entrée dans le monde du travail (aux PTT) en 1972 lors de mon stage de
formation initiale au métier d’inspecteur.
2°)
De mon adhésion en 1972 à ma radiation début 2001
Période de militantisme actif avec poste de responsabilité
Affecté
en 1972 dans les services du ministère des PTT (comme analyste informaticien) j’ai
pris contact avec le syndicat CFDT local, j’ai été rapidement membre du Conseil
Syndical (une réunion mensuelle environ de 30 à 35 militants) puis du bureau
syndical avec poste de secrétaire adjoint (deux réunions mensuelles de 12 à 15
militants).
Participation
au conflit des PTT d’octobre à décembre 1974 (deux mois de grève) ;
conflit généralisé à l’ensemble des PTT sur diverses revendications (avec en
toile de fond le refus de la soumission
aux multinationales des
télécommunications) ; avec à la fin des négociations une bonne liste de
revendications catégorielles satisfaites dont un plan de titularisation des
auxiliaires. Les avancées ne pouvaient qu’être négociées au niveau
central ; tout le social était unifié et les droits définis au niveau
central, les directeurs locaux n’ayant qu’ une très faible marge de manœuvre.
Période de militant de base, intéressé par mon organisation
En
1978, mutation sur ma demande à Bourg en Bresse, au service des lignes
dépendant du directeur des télécommunications. Je participe au syndicat
départemental. Environ 150 adhérents ; mais seulement 4 ou 5 syndiqués à la CFDT dans mon établissement.
Je suis membre du Conseil syndical (environ 15 à 20 militants venant des
différents secteurs : agence, central téléphonique, service des lignes
côté télécommunications ; centre de tri postal, direction départementale
et gros bureaux de poste côté poste ; et une réunion mensuelle). Travail
en collaboration avec le bureau départemental pour suivre les problèmes d’actualité
des PTT, défendre les salariés, mener des actions revendicatives, négocier
localement etc. Ce travail se fait en lien avec l’ UD (union départementale),
et avec la Région PTT.
Bref il s’agit d’un syndicat départemental CFDT bien implanté, actif (tracts
locaux, panneaux d’affichage tenus régulièrement, audiences, participation aux
actions revendicatives CFDT ou unitaires etc.)…Aux élections professionnelles la CFDT est 1ère organisation
aux télécommunications et 2ème à la poste après la CGT.
Vers
la fin des années 1980, aux télécommunications, qui étaient le bastion fort de la CFDT, je constate un
affaiblissement de la CFDT :
les militants se retirent peu à peu, restent simples adhérents cotisants ou
disparaissent dans la nature. Au point que vers 1992 il n’ y a plus de militant
télecom au bureau départemental, alors que de toute part la pression s’
accentue pour moderniser et rentabiliser les télecom, pour faire la séparation
définitive d’avec la poste, pour privatiser France Télécom. C’est la valse des
réorganisations, des restructurations, des externalisations, qui cassent les
gros centres, les re-découpent, créant des équipes certes implantées dans les
mêmes bâtiments, mais dépendant de responsables différents, parfois éloignés
géographiquement.
Pendant
ce temps là, la CFDT
locale n’ a plus aucune activité aux télécom : aucun militant au bureau
départemental, encore quelques rares militants isolés au Conseil
syndical ; les anciens militants disparaissent (on n’ose plus se dire
CFDT), et souvent prennent des postes de promotion avec la période des
« reclassifications » (qui est l’ aboutissement d’ un processus
interne réclamé et appuyé par la
CFDT pour refondre et simplifier les échelles indiciaires et
les carrières en tirant tout le monde vers le haut).
Il
n’ y a plus de travail syndical fait à partir du terrain pour faire remonter
vers le bureau et la région ; tout le travail semble fait d’en haut (à la Fédération), la base se
contentant de se faire prélever sa cotisation trimestriellement (le métier de
collecteur a disparu vers 1985) et d’expliquer,
si elle peut comprendre, les évolutions inéluctables ; la base n’a plus du
tout à débattre des questions d’actualité pour faire remonter son point de vue.
A
noter toutefois un essai de re-saisissement, de re-création d’ une équipe
locale CFDT à France Télécom en
1996-1997-1998 avec 6 à 8 militants qui se réunissent 2 à 3 fois par
trimestre; mais cette démarche se heurte à une incompréhension des responsables
CFDT locaux et régionaux ; le bureau veut continuer à fonctionner seul,
sans militant actif à France Télécom ; d’ ailleurs dès les années 1995 le
terme de « militant » n’existe plus dans les textes CFDT ; il n’
y a en haut que des responsables dans les structures et en bas des adhérents
qui doivent se prendre en charge eux-mêmes, les militants étant superflus.
A
l’automne 1999, devant l’absence de vie locale CFDT et face au blocage mis par
les responsables à la re-adhésion d’un militant, je fais suspendre le prélèvement automatique
de ma cotisation, demandant à pouvoir payer ma cotisation manuellement lors de
la prochaine réunion du Conseil syndical dont je suis toujours membre ;
mais il n’ y plus de réunion ; et au bout d’un an je suis radié
administrativement pour non paiement de ma cotisation.
Ainsi
s’arrête mon parcours de 29 ans à la
CFDT.
C) Orientation actuelle du
syndicalisme (Jean GILBERT)
1 - ROLE DU SYNDICALISME
Le rôle des syndicats de
salariés est de défendre les intérêts matériels et moraux des salariés, cela
dans une stricte indépendance vis à vis de l’Etat, des employeurs, des
confessions et des partis politiques.
Pour
cela, il doit se doter de moyens pour créer des sections syndicales et les
animer ; à travers celles-ci être à l’écoute des salariés et les guider
dans leurs revendications.
Etre
présent dans tous les organismes dont les intérêts des salariés sont
concernés : sécurité sociale, formation continue, Prud’hommes, etc…
Contrôler
la bonne application du Droit du travail et des Conventions Collectives dans
les entreprises.
2 - STRUCTURE SYNDICALE
Pour mieux être à l’écoute des adhérents et apporter
son aide à leurs demandes, le syndicalisme agit dans une double
structure : la structure confédérale et la structure fédérale.
La
structure confédérale :
Elle définit la politique de la confédération à
travers les unions départementales, apporte son soutien aussi bien par des
aides que dans les moments difficiles : particulièrement les grèves ou la
fermeture d’entreprises (qui ferment ou sont délocalisées à l’étranger)
Cette structure confédérale traite les problèmes communs de
l’ensemble des salariés « âge de la retraite, horaires, protection
sociale, droits du travail, Prud’hommes »
La
structure fédérale :
Le
monde du travail est d’une très grande complexité avec une diversité sur
l’accomplissement du travail. Citons quelques exemples de cette diversité.
Entre un métallo, une aide ménagère, un agent hospitalier, un cadre hôtelier,
chacun est soumis à des règles particulières que ce soit au niveau des horaires,
de la pénibilité du travail, de l’hygiène, des permanences de jour et de nuit,
des jours fériés. Tout celai justifiant des accords bilatéraux consignés dans
un livret que nous appelons Conventions
Collectives ou statut du Personnel. Ces documents ne sont pas figés et doivent
être améliorés continuellement.
3 - INFLUENCE SYNDICALE
L’influence
du syndicalisme se reconnaît par la qualité de ses responsables, par les
actions décidées et réussies et par le nombre d’adhérents.
Le
nombre de cartes placées est un bon baromètre mais à traiter avec précaution.
Les
chiffres avancés ici ne sont pas contestés et donnent une bonne image de la
réalité.
Il
y aurait seulement 10% de salariés qui seraient syndiqués et dans ces 10% il y
aurait 80% de salariés de la fonction publique, des grands services nationaux,
des grandes entreprises. On peut dire que la grosse majorité des petites
entreprises échappent à l’influence et qu’ils ne bénéficient pas d’avantages
exceptionnels.
Le
personnel de ces petites et moyennes entreprises est moins protégé. Devant les
pressions des employeurs, ces salariés n’ont pas une réelle sécurité de
l’emploi et sont davantage soumis aux licenciements.
Dans
100 ans, un historien du syndicalisme pourra écrire que les syndicats de cette
période ont été impuissants à influencer l’ensemble des salariés.
L’histoire
du syndicalisme est parsemée d’affrontements sur des grandes idées, jouant un
rôle capital par son existence.
Faut-il
chercher un appui auprès de certains partis politiques ? Faut-il avoir un
syndicalisme révolutionnaire ou réformiste ? Faut-il se réclamer d’une
doctrine ?
Tout
cela a engendré des luttes intestines parfois violentes et des scissions dont
certaines portent les blessures très longtemps.
Les
affrontements d’idées s’accompagnent de propagandes internes, de tracts, de
batailles de communiqués dans la presse locale et d’affichages.
Il
y a concurrence pour occuper des sièges dans divers organismes où le syndicat a
conquis le droit de siéger. Dans cette rivalité continuelle, chacun s’attribue
les bons résultats obtenus, rejetant sur les autres les échecs et entretenant
une méfiance réciproque.
Tout
cela porte un grand préjudice au syndicalisme dont les militants s’usent à la
tâche.
Cette
situation éloigne encore plus les inorganisés qui regardent ce spectacle avec
un sourire narquois ou avec indifférence. Et puis pourquoi se battre quand on
sait très bien que les combats de certains profitent à tous ?
5 - DEMAGOGIE – SURENCHERES
Rien
d’étonnant, devant cette situation que nous assistions à une concurrence
continue des organisations syndicales entre elles.
Devant
le nombre important de non-syndiqués, chacun veut se donner une bonne image et
faire croire qu’il est le meilleur, que c’est lui qui obtient le plus, et tous
les moyens sont bons pour le faire savoir : « presses syndicales,
communiqués de presse, tracts, affichages…».
La
démagogie c’est faire des demandes trop nombreuses dont on sait par avance
qu’elles sont irréalisables.
Pour
se donner une bonne figure, c’est attirer l’attention à soi, c’est quitter la
salle de négociations avec fracas, faire annuler les élections ou monopoliser
la tribune.
La
démagogie est sœur de la surenchère qui consiste à demander plus que la
dernière demande quitte à voir un troisième syndicat demander encore plus.
La démagogie c’est chercher la complaisance des salariés,
c’est dramatiser les problèmes, c’est nourrir l’insatisfaction par une
contestation permanente.
Cela
ne mène à rien et montre son incapacité à présenter un cahier de revendications
équilibré, possible, avec des résultats à notre portée.
Les
inorganisés, déçus dans leur peu de foi dans les organisations, ne peuvent
venir renforcer le camp des syndiqués.
6 – RELATIONS SALARIES – EMPLOYEURS
Dans
le monde du travail, il y a plusieurs types d’entreprises que l’on pourrait
grouper en 4 grandes catégories
Ø L’Etat (Fonction Publique) qui emploie plusieurs
milliers de fonctionnaires
Ø Les Services Publics ; « Energie,
Transports, Postes, etc… »
Ø Les grandes
entreprises « Métallurgie, Chimie, Travaux Publics, Banques, Assurances,
Soins, etc… »
Ø Les petites et
moyennes entreprises à caractère plus ou moins artisanales.
Ces entreprises sont
dirigées par des Conseils d’administration représenté par un Président, par des
directeurs voire même par l’employeur qui est propriétaire de son outil de
production mais aussi responsable de ses réussites ou de ses échecs.
Le combat syndical ne peut
être identique devant cette variété d’entreprises dont certaines ont leurs
sièges à l’étranger.
Aussi le terme « chef
d’entreprise » ou « patron » s’il est précis surtout pour les
petites entreprises reste bien vague pour les autres.
Le syndicalisme doit
s’adapter à cette diversité et bien connaître les limites du possible.
La
qualité des discussions employeur-salariés repose sur trois mots-clés qui
résument bien comment elles doivent se dérouler : Discuter – Négocier –
Contracter
7 - NEGOCIATION
C’est à travers le dialogue engagé entre les employeurs
et les salariés, au niveau des délégués du personnel, du Comité d’entreprise,
des sections syndicales voire des unions départementales, et de la Fédération ou
Confédération que se construit la négociation.
Les
discussions, salariés-Employeurs doivent se dérouler autour de 3 mots
clés :
Discuter
– Négocier – Contracter.
Les
discussions doivent se dérouler dans un esprit serein avec un minimum de
respect et de confiance mutuelle, cela n’empêchant pas la fermeté nécessaire.
La
grève est le dernier recours à utiliser à bon escient. Les grèves répétées
perdent leur impact auprès des employeurs gênant les citoyens et éloignent
davantage le monde du travail du syndicalisme.
8 - CONCLUSION
Ce
serait une erreur de s’attarder uniquement sur les défauts du syndicalisme et
ne pas voir ce qu’il apporte dans notre société.
On
peut dire que ces combats ont contribué à une meilleure distribution des fruits
du progrès, de faire bénéficier des avancées capitales dans les domaines des
horaires de travail, des congés, des soins.
Il
permet l’expression des salariés qui peuvent dialoguer avec tous les
partenaires concernés et être écoutés.
Le
syndicalisme, c’est une leçon de camaraderie et un précieux contrepoids dans
nos sociétés libérales où technologiques.
Pour
les responsables, c’est acquérir la capacité de guider des groupes, de préparer
et présider des réunions, d’écrire des comptes-rendus ou des rapports,
d’argumenter, en somme d’acquérir la capacité de dialoguer sans complexe
d’infériorité.
Le
militant syndical, par ces actions à multiples facettes se hisse au niveau de
ses interlocuteurs.
C’est
acquérir des connaissances dans le social, sur l’économie, l’histoire.
Le
syndicalisme permet à chacun de se grandir, de s’exprimer.
D) Questions pour alimenter les
débats du Cercle
(Georges SABATIN)
Les chapitres 1 à 3 du livre de J.Marie PERNOD, fort bien
résumés par mes collègues du Cercle Condorcet, Daniel GAUTHERET et Pierre
DUSSAUGE ont soulevé de ma part des interrogations sur des points précis. C’est
l’objet de ce texte avec ses questions et des propositions d’explications qui
pourraient donner lieu à débat. S'y rajoutent des questions que se posent les
adhérents du Cercle lors des exposés.
Ì
Comment un monde syndical si faible en
adhérents et si divisé parvient-il à engager tant de gens dans ces grands
mouvements protestataires qui surgissent à échéances régulières à la jointure
du social et du politique ?
Ì Les Conventions collectives s’appliquent à tous et pas aux seuls
syndiqués (réticence des syndicats). Les avantages obtenus lors des grèves
s’appliquent à tous et pas aux seuls syndiqués. Que penser de cela ?
Ì
Le taux de syndicalisation est passé de 20% en 1970 à 8% en 2003. Comment expliquer
cette décrue ?
Ì La
syndicalisation est-elle le propre des grandes entreprises voire des
entreprises du secteur public ?
Ì
La politisation des syndicats a-t-elle affaibli leurs positions ?
Ì
Le rôle des Comités d’entreprises est-il lié à celui des syndicats ?
Ì
Quel avenir pour le syndicalisme en France ?
Ì
Le temps partiel destiné à améliorer la qualité de vie n'a-t-il pas
donné les effets inverses dans certains cas (fragilisation de l'esprit de
revendication, réorientation du travail vers le travail du Week-end..)?
Ì
Le syndicalisme doit naviguer entre la défense individuelle du salarié
(source de discorde dans le cas de salariés ne respectant pas les règles
élémentaires au travail..) et la défense collective d'une classe de salariés.
Est-ce compatible ?
Ì
La société de consommation n'a-t-elle pas affaibli elle aussi
l'engagement syndical par une individualisation excessive ?
[1] Jean-MARIE PERNOT, idem, pages 190
[2] Jean-MARIE PERNOT, idem, pages 189
[3] Jean-MARIE PERNOT, idem, pages 191
[4] Jean-MARIE PERNOT, idem, pages 196
[5] Jean-MARIE PERNOT, idem, pages 197
[6] Jean-MARIE PERNOT, idem, pages 201
[7] Jean-MARIE PERNOT, idem, pages 204
[8] Jean-MARIE PERNOT, idem, pages 206
[9] Jean-MARIE PERNOT, idem, pages 215
[10] Jean-MARIE PERNOT, idem, pages 218
[11] Jean-MARIE PERNOT, idem, pages 224
[12]Idem…page 235
[13] Idem page 249
[14] Expression des ouvriers dont l’origine est née des
grèves dans le Nord au début du XXème siècle, les commerçants fermant les
rideaux jaunes de leurs magasins au déclenchement de celles-ci (cf :
J.BRON tome I « Histoire du mouvement ouvrier français »)
[15] Idem pages 254-255
[16] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 259
[17] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 260
[18] Philippe BERNOUX « La sociologie des
organisations », Paris Seuil, 1985, 378 pages
[19] JODELET, « Les représentations mentales »
[20] Jean-MARIE
PERNOT, idem, négociation collective, paritarisme, CTP, CHSCT, CA, CES COR
etc. page 262
[21] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 271
[22] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 272
[23] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 277
[24] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 278 : C.DUFOUR,
A.HEGE « L’Europe sociale au quotidien. La représentation en France,
Allemagne, Grande-Bretagne, et Italie », Bruxelles,
PIE-Peter Lang, 2002
[25] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 279
[26] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 283
[27] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 283
[28] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 285
[29] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 285
[30] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 289
[31] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 291
[32] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 298
[33] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 300 et 301
[34] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 302
[35] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 304
[36] Jean-Marie PERNOT « Syndicats :
lendemains de crise ? »,
Gallimard-Folio, 2005, pge 305
[37] Jean-MARIE PERNOT : l’auteur souligne notamment
la crise du MEDEF dans un renvoi de note
[38] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 306
[39] Emile DURKHEIM, « Les règles de la
méthode sociologique », PUF, 1937, page 10, in introduction mémoire
« Les permanents syndicaux aux PTT. Contribution à l’étude d’une entité
(le permanent) délaissée par l’histoire et la sociologie » Collège
Coopératif Rhône Alpes 1992
[40] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 308
[41] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 308
[42] Albert HIRSCHMANN « Bonheur privé, action
publique », Fayard, 1989,
[43] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 309
[44] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 312
[45] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 313
[46] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 314
[47] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 315
[48] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 315-316
[49] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 322
[50] Jean-MARIE PERNOT, idem, page 323
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