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Islam et Islamisme


                              

                                   ISLAM et ISLAMISME




De nombreux articles ont paru récemment dans les journaux pour dénoncer, à juste titre, le terrorisme inacceptable exprimé dans les faits et en paroles au nom de l’Islam ; des versets du Coran appelant au Djihad ont ainsi été cités.
Je ne considère pas la religion musulmane comme idyllique, loin de là, mais en raison de l’islamophobie ambiante,  je crois qu’il faut nettement distinguer l’Islamisme qui est un mouvement politico-religieux de la religion tolérante que pratiquent encore une majorité de musulmans hors des zones de conflit armé.
Dans un livre récent  « La maladie de l’Islam », paru au Seuil (1),  Abdelwahab Meddeb (écrivain, poète, enseignant à l’Université Paris X-Nanterre, directeur de la revue internationale Dédale, …) démontre que si, selon Voltaire, l’intolérance fut la maladie du catholicisme, si le nazisme fut la maladie de l’Allemagne, l’intégrisme est la maladie de l’Islam.
En voici quelques extraits, et tout d’abord les textes de tolérance qui, entre autres, peuvent nous faire comprendre pourquoi les musulmans voient en Mahomet une figure sainte, et non un guerrier pillard selon l’imagerie occidentale héritée des croisades.
… je voudrais enrichir de deux versets coraniques les « témoignages contre l'intolérance » que Voltaire rassembla pour en faire la matière du quinzième chapitre de son Traité sur la tolérance :
1) « Point de contrainte en religion ( Coran 2, 256)»
Râzî le commente ainsi : l'interprétation (ta'wîl) de cette phrase est que Dieu n'a pas construit la question de la foi sur la force (ijbâr) et la violence (qasr), mais il l'a bâtie sur la pos­sibilité de la persuasion (tamakkun) et du libre choix (ikh­tiyâr). Dieu a rendu clair, évident le chemin qui conduit à la foi. Quand toutes les voies pour convaincre sont épuisées dans le Livre, ne reste que la coercition pour amener à la vérité les réticents. Or, le recours à la contrainte n'est pas acceptable : l'usage de la violence annule la mise à l'épreuve (imti hân) et l'effort que sollicite l'application assidue (taklîf) des règles.
Pour illustrer l'argumentation qu'il emprunte à une autorité antérieure (al-Qaffal). Râzi cite d'autres versets coraniques : « Que celui qui le veut croie et que celui qui le veut reste incrédule (Coran 18,29) » ; « Si ton Seigneur l'avait voulu, tous ceux qui peuplent la terre auraient cru. Est-ce à toi de contraindre les gens à croire ? ( Coran 18,29)» Râzî rappelle que la contrainte s'exerce dès que le musulman dit à l'infidèle : « Convertis-toi ou je te tue. » Ce verset éclaire le droit des gens du Livre et des manichéens. S'ils acceptent de payer l'impôt du minoritaire (jizya), ils gagnent la protection de la loi. Les jurisconsultes (fuqaher) divergent pour savoir si ce verset s'applique à tous les infidèles, ou aux seuls gens du Livre. En tout cas, l'interprétation de ce verset autorise cer­tains métaphysiciens ou théologues de l'islam à suspendre la notion de jihâd.
2) Et voici le deuxième verset :
« Ne discutez avec les gens du Livre que de la plus belle manière — sauf avec ceux qui parmi eux sont injustes —. Dites : "Nous croyons à ce qui nous a été révélé et à ce qui vous a été révélé. Notre Dieu comme le vôtre est unique. À lui nous nous soumettons (Coran 29,46). »
Un tel verset est assez explicite, il donne à l'islam une légi­timité absolue pour appartenir à la sphère éthique et méta­physique du monothéisme, qui devrait être exprimée par la notion d'islamo-judéo-christianisme. Allah n'est pas le nom du Dieu de l'islam ; il est le mot arabe qui désigne Dieu, celui-là même qui se trouve au fondement du monothéisme dans sa ternaire variété formelle, cultuelle et symbolique. La puissance de ce verset a imposé  ( dans l’histoire) la voie pacifique…. C'est cette part coranique qui mérite d'être rappelée aux fanatiques d'islam, malades de leur ardeur suicidaire et hai­neuse. Nous avons à diverses reprises évoqué Voltaire, lequel appelle au bon sens. Le maître de Ferney invoque la raison, qu'il conçoit comme le remède radical contre la maladie mentale du fanatisme. Je voudrais confirmer ce recours à la raison pour contenir les vocations monothéistes à la maladie de l'intolérance et de la guerre au nom du Dieu.
Le Coran a été dicté par Mahomet à différentes époques, et ses textes parfois contradictoires ont été intégralement publiés après sa mort.
Pour Abdelwahab Meddeb « La lettre coranique, soumise à une lecture littérale, peut résonner dans l'espace balisé par le projet intégriste : elle peut obéir à qui tient à la faire parler dans l'étroitesse de ses contours ; pour qu'elle y échappe, il convient qu'elle soit investie par le désir de l'interprète… Chacun sait qu'en islam il n'y a pas d'institution qui légitime le magistère ; mais dans la tradition, l'accès à la lettre était bien gardé : il fallait obéir à des conditions particulières pour avoir à la faire parler ou à parler en son nom.
         Cependant, l'accès sauvage à la lettre n'a pas été empêché… avec les effets de la démographie et de la démocratisation, les semi-lettrés ont proliféré et les candidats qui s'autorisent à toucher à la lettre sont devenus bien plus nombreux ; et le nombre renforce leur férocité….Les sectateurs notamment ont universalisé l’anathème, l’excommunication et le Jihad, la guerre sainte, alors que la tradition a souvent été prudente lorsqu’elle touchait à ces questions…
A propos des femmes dont le dévoilement  s’était généralisé dans le bassin méditerranéen :  « Nous sommes passés du démontage des mythes à leur restauration. Et nous sommes passés du dévoilement des femmes à leur revoilement. Je dois avouer que j'ai ressenti comme un choc lorsque le revoilement des femmes est revenu sous mes yeux dans l'une des citadelles de la liberté et de la culture occidentale, c'est-à-dire en France, à Paris... La société islamique est passée d’une tradition hédoniste, fondée sur l’amour de la vie, à une réalité pudibonde, pleine de haine contre la sensualité…
         L’auteur expose que le schématisme wahhabiste de la religion propre à l’Arabie Saoudite a pu s’étendre grâce à la manne pétrolière : le wahabbite s’enrichit matériellement et investit dans la propagation de son interprétation sectaire de la religion, qui ne peut que maintenir l’asservissement et les ténèbres. Un tel endoctrinement réactiva une caricature de l’utopie médinoise dans l’Afghanistan des talibans.
         « … ma préférence est pour la seconde Médine, celle qui vit naître une célèbre école de chant, celle qui accueillit une poésie galante, étayée de belles anecdotes avivant dans la vérité de leur différence la relation entre les deux sexes, une Médine qui n'a pas imposé à ses femmes le statut des opprimées mais celui des amantes et des cantatrices célébrées ou des mondaines qui tenaient salon littéraire ou musical accueillant des concerts et des joutes poétiques admirables par les taquineries et les plaisantes coquetteries qu'ils avaient occasionnées30. En rappelant ces épisodes occultés, que puis-je ressentir sinon davantage de répulsion envers la caricature médinoise qu'incarne l'Afghanistan des talibans ? »
Au lieu de distinguer le bon islam du mauvais, il vaut mieux que l'islam retrouve le débat et la discussion, qu'il redécouvre la pluralité des opi­nions, qu'il aménage une place au désaccord et à la différence, qu'il accepte que le voisin ait la liberté de penser autrement; que le débat intellectuel retrouve ses droits…
L’écrivain évoque aussi les causes externes qui exacerbent la maladie de l’Islam.
         « Pour ce qui concerne les raisons externes, autant dire qu'elles ne sont pas l'enclencheur de la maladie qui ronge le corps d'islam. Nul doute cependant qu'elles en soient le catalyseur… Quelles sont ces causes externes ? C'est, en chaîne, la non-reconnaissance de l'islam par l'Occident comme repré­sentant d'une altérité intérieure; c'est la façon de le canton­ner dans le statut de l'exclu ; c'est la manière avec laquelle l'Occidental renie ses propres principes dès que l'intérêt le réclame ; c'est enfin la façon qu'a l'Occidental (et, de nos jours, sous la forme de l'Américain) d'exercer dans l'impu­nité son hégémonie selon la politique dite des deux poids deux mesures.
Il s’ensuit notamment une analyse intéressante des erreurs de l’Amérique sur l’Irak, le problème Palestinien, ses relations avec l’Arabie Saoudite…
L’auteur conclut en rappelant le vieux précepte qu'Ératosthène a enseigné à Alexandre « désapprouvant la division du genre humain entre Grecs et Barbares, qui prend les premiers pour amis, les seconds pour ennemis, il ( Eratosthène) recommande de déplacer le critère de la division entre vertu et malhonnêteté : « Beaucoup de Grecs sont de méchantes gens et beaucoup de Barbares ont une civilisation raffinée... » Et je suis heureux de trouver une formulation islamique de ce précepte, dont je saisis l'écho sous la plume du divin Ibn Arabi :
« Que de saints bien-aimés dans les synagogues et les églises ! Que d'ennemis haineux dans les rangs des mosquées! »


                                                                                         Paul Bureau




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