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RACINES CELTIQUES de la FRANCE



RACINES CELTIQUES de la FRANCE

La recherche des racines celtiques de la France, à travers les sources actuelles, équivaut à un détricotage de certitudes. Peu à peu le contenu s’effrite, s’évapore :
·      Par rapport aux idées reçues, apprises à l’école, remontant à NAPOLEON III. Mais cela était déjà connu.
·      Mais aussi par rapport aux données plus récentes, celles constituées depuis le début du siècle et notamment par C. JULLIAN, chercheur des années 20.
Les données actuelles de l’archéologie*, - qui ne se contente plus de décrire et dater  des objets, mais les replace dans leur contexte - la relecture critique des textes classiques (Commentaires de la Guerre des Gaules, STRABON, PLINE, DIODORE de SICILE) et la redécouverte d’un auteur capital : POSIDANIAS d’APEMEE 2, tout cela aboutit à relativiser  la notion de « GAULE », et même de « GAULOIS ». Un chercheur  (LE BIHAN) finit même par exprimer que l’empreinte celtique sur  l’Histoire de la France  n’aurait  pas été, au total, plus importante que celle des "grandes  invasions"  barbares » qui ont traversé le pays plus tard.

A-  LES IDEES REÇUES :    « NOS ANCETRES LES GAULOIS ».

·      60 nations  qui occupaient un espace entre le Rhin, le jura, les Alpes, les Pyrénées, et les Côtes. Parlaient une même langue, avaient les mêmes mœurs, se distinguaient nettement de leurs voisins romains, ibères et germains, mais avaient des points communs avec les habitants de la Bretagne (Grande Bretagne).
·      Ont conquis belliqueusement ce territoire vers le VIIIème siècle et y ont vécu dans l’indépendance  jusqu’à l’occupation romaine.
·      Ils étaient agriculteurs et guerriers.
·      C’était quand  même, en gros, des barbares.
·      Ils  ont envahi l’ITALIE, jusqu’à ROME (Brennus) et poussé jusqu’à DELPHES.
·      Ils étaient gouvernés par des représentants élus.
·      On distinguait 3 GAULES : Belgique, Celtique et Aquitaine + la « Province Romaine »autour de Marseille.
·      Leur religion comportait des Dieux spécifiques qui se calquaient déjà  sur le Panthéon Gréco- Romain. Leurs prêtres étaient les druides, qui avaient un savoir secret, se réunissaient en des cérémonies mystérieuses, interdisaient l’usage de l’écriture.
·      La guerre des GAULES : toute la GAULE s’est soulevée contre l’occupant romain : GERGOVIE, ALESIA, occupation totale (sauf un petit village…).

*notamment l’archéologie aérienne, qui a connu un essor particulier en1976, année de  la sécheresse, et du fait de la législation sur les fouilles de sauvetage7
B -LES DONNEES CLASSIQUES  (1920 - 1970)
1.      Les Celtes  apparaissent, sans doute par invasion, à la période de HALSTATT, vers le 7éme siècle. Ils amènent avec eux le fer, qui leur donne une supériorité militaire sur les armes en bronze des Populations locales (âge du Bronze final) : contre le fer, le bronze se brise. Ils éliminent, ou subjuguent, ces populations de manière violente.* Ils proviennent d’un noyau de population indo européenne, stationnée au centre de l’Europe (BOHEME, Est de l’Autriche)1, 11 ,14 ,17 ** La civilisation grecque est déjà  établie, ROME en est au temps des rois.
2.     Les Celtes de cette époque sont connus sous le nom de  « princes de HALSTTAT » : ils  s’établissent dans des lieux  de type  forteresse, en bois. Ils  sont riches, produisent des tombes avec des chars à quatre roues, des armes. Mais les objets d’art sont déjà originaires d’Etrurie et de Grèce (Trésor de VIX). Leur richesse peut provenir du contrôle des voies de passage, notamment de l’étain et du cuivre, nécessaire à la fabrication du Bronze et qui venait de Bretagne (GB). Mais aussi de leur contrôle du fer, et de leur connaissance de l’agriculture.
3.     Une deuxième vague arrive à l’âge de la TENE (2éme siècle). Ils sont beaucoup plus  mobiles et moins riches. Ils ont des chars à deux roues et du matériel de guerre et de déplacement, ils honorent leurs chevaux. Ils se répandent dans le Nord de l’Italie et jusque dans les Balkans (sac de DELPHES). Y laissent des peuplements locaux. Les sédentaires ont de petits établissements agricoles de type village, hameau.
4.     L’arrivée des premiers celtes (HALSTATT) est suivie de peu par la création de MARSEILLE (-600)  par les grecs Phocéens. Ce qui est un élément capital : cet établissement va faire office de fenêtre sur  la Méditerranée, favoriser les échanges, l’importation de vin, lancer les premières plantations de vigne. Ce sera aussi un centre d’écoulement des produits gaulois. MASSALIA s’est établie en combattant les populations locales ligures, mais en accord avec les celtes locaux : SALYENS. Il y a rapidement des échanges, voire une certaine osmose.
5.     Ce développement va favoriser les échanges culturels avec les Grecs : alphabet, art réaliste, peut être Panthéon, mais plus probablement échanges entre les philosophes rationalistes grecs et les Druides. Enfin cette création  va favoriser par la suite, les échanges économiques avec les romains qui occupent progressivement l’arrière pays (Provincia)
6.     A l’orée du premier siècle av.JC, la GAULE  est un pays divisé en 60 nations, qui entretiennent entre elles des relations complexes, de clientélisme, et de guerre. Mais elle est largement romanisée : des marchands romains  en grand nombre, côtoient dans certaines villes la population locale : on cite CENABUM (Orléans) CABILLONUM (Chalon sur Saône) , VESONCIO (Besançon) TOLOSA (Toulouse). Des chefs envoient leurs progénitures à ROME,  - dont ils reviennent officiers - soit par choix, soit selon le système des « otages » qui scelle les alliances.

*Qui étaient-elles ? On cite les Ligures dans le sud est, les Ibères en Aquitaine, les Basques  (Gascons). Pour le reste du territoire, on sait peu de chose de ces hommes qui utilisaient le Bronze, incinéraient leur morts, cultivaient depuis le néolithique (- 5000), ne construisaient pas de grandes agglomérations, si ce n’est quelques oppida dans le midi.
** Ce peuplement émet des vagues de migrations de population, étalées sur trois millénaires, qui partent    quand les ressources locales ne suffisent plus : vers le Nord (Germains), le Sud (Italiotes), le sud est (grecs, Illyriens), l’Est  (daces, proto-slaves), l’Ouest : celtes. 


7.     Les GAULOIS développent à cette époque leur propre urbanisme, qui est pragmatique, dépourvu de monuments, artisanal,  le plus souvent en bois et torchis, dans des zones où les commerce et les échanges sont moindres, mais au sein de terroirs riches. Ce sont les oppida, immenses, indéfendables (si ce n’est le « murus gallicus »). C’est le siège du pouvoir politique. Le plus célèbre est BIBRACTE : Oppidum des Eduens, Mont Beuvray( 71)8. D’autres n’ont pas été fouillés, mais sont connus (CORENT, NAGES).
8.     ROME, a, entre temps, mis au pas les celtes cisalpins, et les étrusques ont disparu. L’Italie est entièrement romaine.
9.     Mais les nations celtiques ont gardé leurs habitudes  de mobilité. Des groupes  migrent et se retrouvent loin, tout en gardant  des liens (« Vénètes » de VANNES et de VENISE, « SENONS »  de SENS et d’EMILIE ROMAGNE). La Guerre des GAULES est déclenchée par le projet de migration des HELVETES (Valais, pays de GEX) et de deux petites nations, pour rejoindre le territoire des SANTONS ( SAINTONGE), avec l’accord de ces derniers. Cela représente la traversée de la France pendant un an par 400000 personnes, qui devront bien se nourrir sur le terrain, bien qu’ayant tout prévu.
10. Si la vaillance et la qualité militaire de ces guerriers est unanimement vantée et reconnue (notamment les mercenaires galates), ils ne peuvent lever que de petites armées, à caractère local, leur armement est défectueux, ils n’ont pas de stratégie  d’ensemble. Aucune tribu gauloise ne peut résister à une invasion d’envergure. Il en fut ainsi lors de l'invasion par les Cimbres et les Teutons, qui ont sillonné la GAULE pendant trois ans, impunément, jusqu’à leur défaite, d’abord par les Ibères en Espagne, puis par les légions romaines à AIX.  Ce qui fait que dés qu’une guerre se profile, soit entre nations, soit par invasion, on a pris l’habitude faire appel à ROME… C’est ce qu’ont fait les EDUENS ( Saône et Loire) face aux HELVETES. Victoire de CESAR sur les HELVETES en -51.
11. ROME établit en - 120 sa domination sur la NARBONNAISE (PACA+ LANGUEDOC ROUSSILLON Ce qui lui permet d’avoir un accès direct avec l’Espagne. Puis sur la vallée du RHONE, jusqu’à GENEVE (défaite des ALLOBROGES en -121) : elle  domine  l’axe militaire pour aller au contact avec les germains. De fait ROME se rend indispensable.
12. Après sa victoire sur les Helvètes, CESAR  commet des erreurs, humilie des chefs prestigieux  (ACCO), fait et défait des rois « donnez moi n’importe qui, j’en fais un roi en GAULE ». Il ne voit pas venir le sentiment national, porté par les druides, trouve bizarre que des voix s’élèvent pour demander la liberté, notion qui lui paraît étrange puisque, pour lui, le summum de ce que pouvait espérer un barbare, est de devenir citoyen romain.  Il se repose à MILAN, quand éclate la GUERRE des GAULES, inaugurée par le massacre de la population romaine de CENABUM. On connaît la suite : VERCINGETORIX ….









C-LA SOCIETE GAULOISE (avant la conquête)

·       Des nobles, des clients, des esclaves ( généralement  prisonniers de guerres entre nations). Les esclaves constituaient une ressource majeure.
·       Une séparation entre  d’une part  le petit peuple (clients, esclaves) ,  qui avait sa religion, fort empreinte de dieux locaux et de superstition, sorcellerie , et d’autre part les nobles rapidement romanisés s’adaptant vite. Cette séparation n’a-t-elle pas subsisté jusqu’en 1789 ?
·       Un pays développé, en avant-garde sur le plan agricole : il y avait moins de forêts que maintenant. Des inventions : la faucheuse, le tonneau (pour la bière). Ils connaissaient la fumure, le marnage. Elevage développé. Fournisseur de produits agricoles pour l’ Italie et l’Espagne. Même si les villae romaines ont envahi , par la suite, une large partie du  territoire, il est probable que le paysage, établi sur la réalité de terrain (rivières, vallées, déclivité, haies) ait été fixé, peut être jusqu’à nos jours.
·       L’armée, l’armement : le chevalier du moyen âge n’était sans doute pas différent du soldat gaulois (cote de maille). Mais pas de stratégie militaire : d’où le mythe du guerrier valeureux mais pagailleux, combattant par nation et non pas par unité fonctionnelle.
·       Les mœurs : Les femmes, souvent seules, assuraient la survie et l’éducation des jeunes enfants, elles avaient un pouvoir de gestion reconnu. Elles allaient quelquefois se battre, ou du moins exciter les hommes, quand elles participaient à des expéditions- migrations. On ne sait rien sur les règles de mariage, d’endogamie etc.….On a découvert récemment qu’elles travaillaient dans les mines… Homosexualité militaire à laquelle il était très mal perçu de se dérober2
·       La religion :
- des DRUIDES, secrets, interdisant l’écriture, jaloux de leur savoir : mais organisateurs du sentiment national,  influents sur l’organisation politique, et sans doute en relation avec les mouvements philosophiques grecs.  Le druidisme, combattu par les romains, perd de son influence après la conquête, il est pris au piège de son goût du secret. Les druides n’étaient pas les individus à tunique blanche et serpe d’or, mais des citoyens mêlés à la société et dont l’appartenance et l’influence pouvaient passer inaperçues. Ils  étaient soucieux de rationalité ; on ne leur reconnaît aucune fonction de type « chamanique ».
- Existaient aussi des «  Vates » (devins) et des « Bardes » , ainsi que des "astrologues".
- Les sacrifices humains   (esclaves, prisonniers) sont pratiqués et doivent être interdits tardivement, par AUGUSTE.
·       Le régime politique : Dans les nations évoluées : démocratie avec élections de deux édiles, ou d’un « vergobret », pour un an, non renouvelable, et qui pouvaient être mis à mort en cas d’échec en cours d’année (mythe de CARNAVAL ?*). Mais il y avait toute sorte de régimes, dont on ne sait rien sur les modes de nomination, les règles dynastiques.
·       Les relations inter nations : relations d’allégeance et de protection (AMBARRES-SEQUANES) avec des nations tributaires. Certaines  clairement organisées et définies, puissantes (EDUENS, ARVERNES, REMES, TREVIRES) et d’autres à l’identité, l’organisation et l’emprise plus floue (SEQUANES). La plupart battent monnaie.


·       La communauté géo politique  de base : le « pagus » (pays), puis la civitas (sous Rome).
·       La langue : connue par une centaine de textes , souvent des énumérations**. Certains textes  réduits à deux mots. Ecriture grecque en général. Pas de « pierre de Rosette » mais décryptage par analogie avec le vieil irlandais et la connaissance des racines indo européennes. On en gardé : les toponymes, et 200 mots : la majorité porte sur le domaine agricole et animal, dont des termes  très techniques. On n’est pas sûr de son unité territoriale.
·       L’art et la culture : il existait un art celte6, en fait plutôt connu à l’extérieur de la GAULE. (chaudron de GUNDESTRUP : DANEMARK). Pas d’architecture durable: le seul « portique » connu est décoré …de crânes humains. Des temples (fanum) de structure extrêmement simple (un bâtiment d’offrande entouré d’une colonnade) généralement en matériau non durable. Des sculptures aux traits rudimentaires et symboliques (ex-voto). Une céramique, médiocre jusqu’à la période de la Graufesenque (-1ersiécle)***. Une joaillerie spécifique (torques, fibules), un artisanat fonctionnel (armes).Des monnaies de facture grecque mais se stylisant sur le modèle celte.  Mais de tout temps les nobles ont recherché l’art figuratif méditerranéen, l’Art Celte semble avoir été celui du peuple.
·       Les croyances : celle en l’éternité de l’âme  a certainement joué dans un certain mépris de la mort, dans le souci de briller dans l’instant, le m’as-tu-visme  (dépenses de prestige, banquets, prodigalité des chefs) et dans l’inutilité de construire du
durable.







*au Carnaval de CHALON, on brûle et noie le « Vieux CARNAVAL » (celui de l’année d’avant) rendu responsable de tous les maux qui ont frappé la cité au cours de l’année.
**Le CALENDRIER de COLIGNY ( 01) est le texte le plus long connu en langue gauloise, et en lettres latines. Mais il ne contient pas de phrases. Il définit l’organisation de l’année, et les fêtes.
*** "LA GAUFRESENQUE" : production à l'échelle industrielle de céramique de haute qualité : la céramique sigillée" dont on a retrouvé des exemplaires jusqu'en extrême orient. Les ateliers et fours étaient installés au hameau de la Gaufresenque, près de MILLAU (visite recommandée). Mais il s'agissait en fait d'une "délocalisation" en provenance de la région de VIAREGGO et donc d'une technique d'importation italienne.







D- LA GAULE GALLO ROMAINE :

·     Intégration rapide des valeurs romaines, culturelles et politiques, disparition de la langue gauloise en un siècle dans l’élite, beaucoup plus lentement dans le petit peuple (IVème siècle : AUSONE 1)
·     Adoption de la religion romaine, pour les élites, en fait syncrétisme  avec assimilation des divinités du panthéon celtique  (ESUS, CERNUNOS, EPONA, TARANIS : Cf . PILIER DES NAUTES7). HERMES fait l’unanimité…
·      Arrivée tardive des cultes orientaux de la Rome décadente (CYBELE, MITHRA, CHRISTIANISME) mais qui ne pénètrent  que lentement l’arrière pays.
·     Organisation rationnelle du territoire, développement urbain et des voies de communication sous le règne d’AUGUSTE. Cadastration du territoire.
·     Elévation générale du niveau de vie5.
·     Politiquement : AUGUSTE instaure la réunion annuelle des chefs des nations à LYON. Ce qui établit  implicitement  la notion de  « GAULE »
·     CLAUDE, impose la non - discrimination et l’accès des gaulois aux hautes fonctions (sénateurs) (Tables Claudiennes : Musée de FOURVIERE)
·     Réorganisation partielle du territoire en « VILLAE » : énormes établissements alliant le prestige esthétique et la fonctionnalité agricole. Les propriétaires sont des romains ayant servi CESAR,  ou romanisés. Ils ont laissé souvent leur nom à la localité 22 .
·     La culture de la vigne prend son essor.
·     La GAULE est divisée administrativement en trois zones : LYONNAISE (de LYON à l’ARMORIQUE), NARBONNAISE et BELGIQUE. Plus deux GERMANIES : Inférieure (PAYS- BAS) et Supérieure : LORRAINE, ALSACE, FRANCHE- COMTE, AIN, OUEST SUISSE.
·      Les empereurs suivants se tournent plutôt vers l’Orient ( Daces, EGYPTE, Parthes) ou la BRETAGNE (HADRIEN) et laissent tranquille  la GAULE.
·      Puis c’est l’instabilité de la fin de l’empire avec des guerres civiles à la disparition de chaque empereur, en général assassiné ( 69 :  « année des 4 empereurs »)
·     L’influence de MARSEILLE  a diminué , jamais remise de sa destruction par CESAR pour avoir pris partie pour POMPEE. Le Centre politique se déplace sur LYON.
·     LES GAULES sont, dés lors,  un pays prospère dont l’histoire se confond avec celle de l’empire romain d’OCCIDENT. Se développe une classe de dirigeants  économico-politiques, des notables gaulois romanisés en trois générations, chez qui l’on retrouve les caractéristiques de ce que sera, 19 siècles plus tard, le notable élu républicain.


E- CE QUI EST AUJOURD’HUI REMIS EN CAUSE :

·       Les limites géographiques de la culture celte  gauloise : la GAULE était  traditionnellement limitée par le Rhin, les alpes, les Pyrénées. En fait la culture celte  allait au-delà de la Suisse, jusqu’au Danube (dont étaient originaires les celtes) Elle se prolongeait en Italie du NORD. On a retrouvé des productions artistiques celtes dans toute l’ALLEMAGNE, le DANEMARK, la MORAVIE. Les  types d’établissement (enceintes fortifiées) et de temples (Fanum)  sont les  mêmes  dans toute l’Europe Occidentale, à l’ouest de la Vistule6. Il n'y a donc pas de réelle territoire et culture "gauloise" .

·       Certains textes : le Voyage de PYTHEAS jadis rejetés comme peu crédibles, sont aujourd’hui réhabilités.23

·       L’établissement  sur le sol  : la pénétration du territoire ne s’est pas faite par une ou deux invasions guerrières, mais par des vagues et des assimilations. C’est ainsi que les BELGES  gardaient des liens étroits avec les germains, parlaient sans doute leur  langue, et ont gardé leur modèle d’organisation politique, archaïque, avec des chefs militaires. Les AQUITAINS étaient des IBERES , qui ont cohabité avec  les gaulois  locaux  (Rutènes, Cadurciens ), avec qui ils contrôlaient la route de l’étain. Les ligures occupaient les Alpes du Sud. Avec les celtes locaux  ils ont servi au côté des troupes d’Hannibal. On parle de CELTIBERES, de CELTO-LIGURES (oppidum d’ENSERUNE).Le choc entre civilisation du bronze final et premier âge du fer a sans doute été progressif, les celtes reprenant des mœurs des populations locales et leur ont apporté le  fer dont l'usage s’est vite répandu. 


·       L’organisation politique des Nations : celles-ci étaient très variées, et sans doute soumises aux événements intercurrents (putschs, alliances). Si  certaines nations  avaient des systèmes d’apparence  très  démocratiques (élection annuelle de un ou deux « vergobret », ne pouvant être réélus, destituables en cours de mandat), il y avait aussi des « rois »  (dynastiques ? auto établis ?),  des chefs de guerres issus soit de prises de pouvoir brutal, soit du fait de leur  richesse, de leur prestige… Plus on monte au NORD, plus les systèmes sont de type archaïque. Les pouvoirs sont instables, fragiles (nombreuses exécutions de chefs, par exemple : CELTILLOS, père de VERCINGETORIX).

·       La « GUERRE des GAULES » : le récit  de CESAR,  était un ouvrage de propagande politique destiné au public romain. Les Romains avaient des idées préconçues sur les gaulois, répandues par les « grandes voix » de l’époque, notamment CICERON, se prévalant du fait que son frère (QUINTIUS) était centurion en GAULE, pour en faire des barbares.

·       Bien que « vaillants » les gaulois, au moment de la guerre DES GAULES, n’étaient plus des guerriers ; ils étaient embourgeoisés. La « vaillance » ne pouvait se suffire à compenser  un art militaire défaillant stratégiquement, un armement défectueux. Leur  tactique, par contre, était reconnue, utilisée dans le mercenariat, avec implantations lointaines (Galates, en Grèce et Asie Mineure, à la réputation bien établie de cruauté).

·       Après la guerre des GAULES il y eut encore des révoltes locales sanglantes (RUTENES, BELLOVAQUES, TREVIRES). Mais peu à peu les conflits s’intérioriseront, se déplaceront de la revendication territoriale et d’indépendance, aux conflits économiques et surtout fiscaux. Ils prennent un caractère juridique : (délégations des Allobroges  à ROME) sans succès en général, signe de corruption. Une ou deux révoltes d’illuminés se terminent dans le sang 10, avec le concours de troupes gauloises pour leur repression.

·        En fait la GAULE, n’a jamais existé en tant que réalité politico culturelle avant sa conquête. Toute la légende de la « première manifestation d’unité nationale » repose sur l’alliance, pendant 10 mois, de quelques nations puissantes du centre de la GAULE (ARVERNES, CARNUTES, RUTENES, BITURIGES, EDUENS). Certaines nations (REMES) n’ont jamais trahi ROME.

·       La romanisation de la GAULE après la conquête a été inégale :

§       entre des contrées sur les grands axes (sillon rhodanien, isthme BORDEAUX – NARBONNE) , et des régions intérieures ;
§       entre la classe dirigeante romanisée, et le peuple paysan. Celui-ci avait peu de contact avec les centres urbains, et a sûrement développé une culture où s’intégrait une romanisation « a minima » réduite aux exigences économiques et administratives. Les mutations du monde romain (christianisation)  n’y sont parvenues qu’avec un siècle de retard.  Néanmoins cette paysannerie a vu son niveau de vie d’améliorer.
§       les VILLAE n’ont pas occupé tout le territoire, elles étaient surtout nombreuses dans la plaine du NORD ; peu de trace en pays arverne par exemple. Des implantations indigènes subsistaient à faible distance. Les villae et le cadastre n’ont pas entraîné un bouleversement durable et généralisé du paysage, pas plus que les  découpages médiévaux par la suite.











F- QUE RESTE T IL AUJOURD'HUI DE L'INFLUENCE CELTE DANS LES RACINES de la FRANCE ?

1-    Ce qui vient effectivement des GAULOIS :

a)      AUJOURD’HUI

·        La toponymie : un grand nombre de villes et de lieux22 ont gardé, ou plutôt repris  leur  vocable  d’origine gauloise, après tentative de romanisation. Les noms romanisés  proposés  étaient trop ressemblants entre eux, sans imagination (AUGUSTO….) à la gloire du conquérant, éloignés de l’identité et de la langue gauloise. Les suffixes indicateurs de fonction ( …dunum : forteresse ; … magus : foire ; …brive : pont) sont d’origine gauloise.
·        Des techniques agricoles : les outils manuels ont peu évolué depuis l’âge du fer. Le tonneau, l’araire, la moissonneuse mécanique1
·        Les bases d’une économie agricole dont les modes de production ont peu évolué jusqu’à la révolution industrielle.
·        Une occupation pragmatique de l'urbanisme rural : BIBRACTE a les dimensions et l'organisation de  n’importe quel chef lieu de canton.
·        200 mots  de la langue gauloise, le plus souvent techniques agricoles
·        Le retour actuel de l’esthétique  pour les bijoux gaulois (torques, fibules)
·        Quelques curiosités dans le quotidien : compter en douzaines. (ASTERIX : « LE CHAUDRON »)
·        Le Fer et son artisanat. Il serait, de toute façon, parvenu par d’autres voies.
·        Certaines  voies de communication routières.
·        Les gallo- romains ont établi les bases de l’urbanisme jusqu’à la même époque, et en gros, le cadre territorial.
·         Ainsi que les bases sociologiques d’une société où la classe dirigeante est établie par ses propres mérites, principalement économiques et politiques. On ne retrouvera guère ce modèle qu’à partir de la monarchie de JUILLET, après l’immense parenthèse du moyen âge et de l’ancien régime où le  élites étaient de droit divin, ou militaire.
·        Le découpage géographique de l’Eglise (LYON : Primat des Gaules).


b)    PAR LE PASSE
 De nombreux traits dans la société moyenâgeuse,  (répartition sociale; nobles, serfs, affranchis) et militaire (l’ost, l’armée organisée par fiefs, l’armement : la cote de maille).
Les emplacements de lieux religieux, celtes, réutilisés par l’Eglise. Ainsi que certaines fêtes religieuses récupérées (solstices)


2-    Ce qui est possible

·       La religion populaire ? les saints locaux et les « notre dame de… »
·       Un certain goût de l’indépendance qu’on ne peut pas vraiment assumer (appel aux romains = appel aux américains ?  )
·       Le goût du secret ?  les sociétés  «  occultes » héritage du druidisme (franc maçonnerie) ?
·       Sorcellerie, guérisseurs, sortilèges, superstition, héritage de la religion du peuple ?
·       Les entités géo administratives : régions, pays, terroir. Qui reviennent naturellement comme des évidences, à travers les âges (contrats de pays, aujourd’hui)  et qui correspondent souvent à des réalités politiques identifiées depuis les Gaulois.
·       La batellerie fluviale ?9
·       Le pisé ?
·       Les banquets ?
·       L'alcoolisme?   : l'allée d'entrée de l'oppidum de BIBRACTE est constituée de débris d'amphores, au moins 20000...


3-    Ce qui a été récupéré et travesti :

·       Nos ancêtres les gaulois…
·       Le folklore, ASTERIX  etc.
·       L’utilisation politique : sous NAPOLEON III, puis les références à la celtitude, souvent d’inspiration nationaliste (seconde guerre mondiale)19.
·       Le mouvement Druidique et la  « Celtitude ». 



4-    Ce qui n’est pas d’origine gauloise :

·       Les bretons actuels : populations d’origine Galloise et de la Cornouaille, refugiées au 8 et  9 éme siècle après JC , fuyant la pression saxonne , sous la direction du Chef NOMINOE.
·       La « gauloiserie » (vient du latin :  « gaudere » : se réjouir, cf :  gaudriole)18
·       Le Bouclier de BRENNUS  : BRENNUS est le  nom du sculpteur qui a produit l'oeuvre qui récompense le champion de  France de rugby, XXème siecle18)
·       Le « Coq Gaulois » : jeu de mot latin entre GALLUS : GAULOIS et gallus ( cf.gallinacées) : le coq
·       La bière : née au XVéme siécle, par l’ajout de houblon. Les gaulois ne buvaient que de la « cervoise » : liquide de fermentation de céréales.








Conclusions :
Les racines celtiques de la France, telles qu’elles ont été définies  à la fin du XIXème siècle, ont tendance à s’estomper au fur et à mesure que se développent une lecture critique des textes classiques, et les découvertes archéologiques, mais surtout leur analyse et leur exploitation.  La société gauloise, qui est surtout connue à partir du dernier siècle avant JC apparaît extrêmement complexe, culturellement diversifiée, peu affirmée dans son identité, mais surtout paradoxale.
S’y côtoient par exemple :
·        une certaine unité  (linguistique, religieuse sans doute, politique)  et un éclatement en nations se  faisant la guerre entre elles ;
·         une certaine originalité artistique, mais en fait marginale, au profit d’un goût constant pour  les arts des contrées voisines ;
·         un développement philosophique et des conceptions politiques,  mais des archaïsmes confinant à la barbarie ;
·        une « vaillance » et un art militaire consommés, mais une dépendance à l’empire romain  pour sa défense ;
·         une économie forte reposant sur l’agriculture, mais une dépendance au négoce romain et à ses voies de communication ;
·        une indépendance jalouse, mais une colonisation de fait quasi constante .
 Ayant laissé peu de trace architecturale et  écrite, sa culture s’est effondrée en peu de temps, du moins dans les couches supérieures de la société. Le défaut de transmission écrite, et le secret gardé sur les connaissances orales, n’ont pas permis que se constitue une identité celte, comme, par exemple,  en Irlande4.
On peut supposer aussi une empreinte sur l’organisation géographique du territoire, le paysage, les « pays », le terroir,  ne serait-ce que du fait que les celtes l'ont éprouvée dans sa réalité climatique, géologique et géographique, imposée par la nature 1,7.  L’empreinte toponymique, forte, va dans ce sens. Mais étaient ils les premiers ?
Ces traces identitaires, ténues et insaisissables, ont laissé le champ à des récupérations politiques, depuis la fin du XIXème siècle, le plus souvent à caractère nationaliste; et à un folklore lui aussi insaisissable, en ce qu’il ne repose pas  que sur des bases fausses.
D’après GODINEAU 8, la GAULE en tant qu’entité politique, culturelle, n’a jamais existé. Elle a été construite de manière artificielle par CESAR. Elle s’est trouvée recouvrir en gros le territoire de la France, après la conquête, puis  formalisée par AUGUSTE. 
La représentation qui en a été faite  a alimenté cette dualité : « barbarie- civilisation », déclinée  sous de multiples formes :   « spontanéité – ordre », « romantisme-réalisme », « construction (maîtrise du temps) – dépense (gloire  du moment) ».  En fait  dualité de l’Inconscient Collectif, voire individuel (passage de l’âge adolescent à l’âge adulte).
Peut on y voir les sources de l'ambivalence de la FRANCE face au Nationalisme ?

Par ailleurs, il existe sans doute aussi un écart majeur entre ce que nous transmet l’histoire de l’ANTIQUITE : celle des pouvoirs forts et bâtisseurs, versus  les peuples modestes, qui ont peu laissé de trace, mais qui ont sans doute assuré le fond, la matière du quotidien. En même temps producteurs locaux importants : d’alimentation, de main d’œuvre, d’artisanat utilitaire;  mais consommateurs des produits de prestige des civilisations brillantes.
De même, au sein du même peuple, il y avait un abysse entre ce que vivaient les nobles et les classes économiquement dirigeantes, et le petit peuple, (notamment les esclaves, que PAUSIDANIAS décrit comme travaillant sans cesse, sans repos, même les jours de fête2 ) .   Que ce petit peuple : esclave, puis serf, puis paysan pauvre ait transmis  lui aussi, jusqu’à nous,  des  savoirs, des croyances restés souterrains, résistants,( superstitions, médecine traditionnelle, connaissance du terroir)  est possible. Il a bien transmis jusqu'à nos jours ses techniques et ses instruments agricoles.
 Mais l’ANTIQUITE GAULOISE n’a pas encore trouvé son Fernand BRAUDEL.



Cercle CONDORCET de BOURG
JJ TABARY
Novembre 2011















BIBLIOGRAPHIE :

1      BAILLOUD G. : « Avant l’Histoire » . In : « HISTOIRE de la FRANCE RURALE sous la direction de G. DUBY et A. WALLON Tome1 SEUIL 1975,   et   LE CLAY M : « La Gaule Romanisée ». Ibidem
2      BRUNEAUX J-L : VOYAGE en GAULE.  SEUIL  2010
3      CESAR : GUERRE DES GAULES. Préface de PM DUVAL Folio.
4      CUNLIFFE B. : L’UNIVERS des CELTES  INTERLIVRES  LUCERNE 1990
5      DELAPLACE C. et FRANCE J. : HISTOIRE DES GAULES (4éme édition) ARMAND COLIN 2011
6      DUVAL PM : LES CELTES  « L’UNIVERS des FORMES » NRF GALLIMARD 1977
7      GODINEAU C. : Par TOUTATIS !  SEUIL («  l’avenir du passé ») 2002
8      GODINEAU C. : REGARD SUR LA GAULE. Edit ERRANCE 1998
9      GODINEAU C.  Le VOYAGE DE MARCUS  ACTES SUD 2000
10 GODINEAU C. L’ENQUETE DE LUCIUS VALERIUS PRISCUS ACTES SUD 2004
11 GUILAINE J. : La FRANCE d’AVANT la FRANCE. Hachette 1980
12 LAMBERT P-Y : La LANGUE GAULOISE. Edit ERRANCE 1997
13 LOT F. : LA GAULE Marabout. 1967
14 MARTINET A. : DES STEPPES AUX OCEANS  Payot 1986
15 RIPERT P : LES GAULOIS  « Le temps des glaives »PRIVAT 2001
16 ROMAN Danièle et Yves : HISTOIRE de la GAULE. FAYARD 1997
17 SERGENT B. : LES INDO EUROPEENS   Payot 1995

18 TELERAMA : LES GAULOIS. Une passion magique N° spécial septembre 2011
19 NOUVEL OBSERVATEUR : LA VERITE SUR LES GAULOIS  N° spécial Août 2011

20 TREFFORT JM : DES PREMIERS PAYSANS A LA CONQUETE DE LA GAULE : (Néolithique et Protohistoire dans l’AIN)  Collection Patrimoine des Pays de l’AIN. 2007
21 Le GALLO-ROMAIN dans l’AIN : ouvrage collectif. Collection patrimoine des Pays de l’ AIN. 2010
22 VURPRAS  A-M et MICHEL C. NOMS DE LIEUX DE L’AIN  Bonneton edit. 1999

23 WIKIPEDIA…



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